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De gauche à droite : Loan Rocher, Marie-Automne Thépot, Anne Soupa, Hélène Pichon, Laurence de Bourbon-Parme, Sylvaine Landrivon et Christina Moreira. © A.C.

Église catho­lique : sept femmes pos­tulent à des fonc­tions qui leur sont interdites

Une curé, une diacre, une évêque… Ce mercredi 22 juillet, à l’initiative du collectif Toutes Apôtres !, sept femmes ont déposé leur candidature à plusieurs fonctions qui leur sont interdites au sein de l’Église catholique. Elles espèrent ainsi secouer une institution retranchée dans son boys’ club.

Sous le regard de quelques journalistes, Hélène Pichon ouvre fébrilement une boîte aux lettres de l'avenue Wilson dans le XVIème arrondissement de Paris pour y glisser une enveloppe format A4. En ce jour où le monde catholique fête la Sainte Marie-Madeleine, « apôtre des apôtres », voici cette ancienne diplomate officiellement candidate au poste de nonce apostolique auprès du Saint-Siège. Ce mercredi 22 juillet, elles étaient six femmes de foi mais laïques à déposer à la nonciature de Paris, dans un même geste joyeux quoique solennel, une candidature pour se voir ouvrir les portes de fonctions qui leur sont encore interdites. « Ne vous trompez pas, lance Marie-Automne Thépot (pour sa part candidate au diaconat) aux journalistes devant les grilles closes de la nonciature. Nous ne claquons pas la porte de l’Église, au contraire. Nous voulons rester dans cette Église, mais une Église qui nous ressemble : ouverte, accueillante, qui laisse la place à toutes dans la diversité et reste capable de lire les signes des temps et d’évoluer en conséquence. » Autant dire qu’à la table de la cène, elles ne sont pas là pour servir de passe-plats.

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Hélène Pichon © A.C.

À la base, cette drôle d’aventure a commencé avec l’initiative culottée d’Anne Soupa, théologienne de 73 ans, qui a déposé le 25 mai sa candidature au poste d’archevêque de Lyon. Il s’agissait pour cette exégète reconnue de remplacer le cardinal Barbarin, qui a démissionné après avoir été relaxé pour « non-dénonciation d’actes pédophiles » dans l’affaire Preynat. Depuis, Anne Soupa n’a obtenu ni réponse ni même accusé de réception de sa canditure. « Cela ne m’étonne qu’à moitié, parce que l’Église n’a pas franchement la culture de la communication, soupire celle qui était présente ce mercredi devant la nonciature en soutien à ses émules. Mais ce silence a quelque chose de méprisant pour les femmes qui montrent leur volonté d’être incluses politiquement au sein de l’Église. »Anne Soupa est ravie que son initiative ait décidé d’autres femmes à briguer cette fois les postes de diacre, nonce apostolique, curé, évêque et même prédicatrice laïque : « Cela prouve que mon geste n’était pas une bravade isolée mais le signe d’une souffrance partagée par beaucoup de femmes catholiques qui ne comprennent pas pourquoi, en 2020, elles sont toujours exclues des fonctions qu’elles pourraient embrasser avec un réel enthousiasme. » 

Résoudre la crise des vocations

C’est ce constat – et l’envie de sonner les cloches d’une institution figée dans son sexisme – qui a mené Alix Bayle, journaliste, réalisatrice et par ailleurs cofondatrice, sur un tout autre sujet, du collectif PAF (pour Parentalité féministe), à solliciter dans son entourage et dans le milieu catholique des femmes motivées pour présenter leurs services à l’Église. Pour mener son opération à bien, elle crée avec Anne Soupa et les féministes catholiques Oh My Goddess le collectif Toutes Apôtres !. « Ces candidatures ont été suscitées et rassemblées par le collectif en moins d’un mois, précise Alix Bayle. Cela démontre qu’il existe une réserve de femmes prêtes intérieurement à assumer une candidature pourtant interdite. » Cette croisade féministe au sein de l’Église n’est pas que symbolique :« Les candidates sont déterminées. Être prêtre est un métier difficile qui demande un service total à l’Église et ses fidèles. On le dit peu, mais ils sont nombreux à souffrir de burn-out. Elles se sentent d’attaque pour relever le défi. »

Au moment où la crise des vocations masculines frappe durablement les diocèses, Alix Bayle et ses dévotes comparses ne comprennent pas « pourquoi l’Église se prive de ces vocations féminines ». « Elle vous répondra qu’il s’agit d’une règle théologique,observe la jeune femme. Sauf que si on interroge ces ministères d’un point de vue historique, on se rend compte que l’apôtre Paul cite la présence, en son temps, d'une diaconesse, Phébée, responsable de la communauté de l'église à laquelle elle est rattachée. » Remontée contre les fieffés machos du catholicismeAnne Soupa appuie :« La place des femmes dans l’Église s’est dégradée au tournant du premier millénaire, avec la réforme grégorienne qui a exclu les femmes des ordres, les cantonnant au rôle de sœurs. C’est cette paralysie qu’il est temps aujourd’hui de bousculer, afin d’être plus fidèle à l’esprit de Jésus. »

Afin de se prémunir contre tout malentendu et de mettre les points sur les i dans les têtes sous les calottes, Toutes Apôtres ! a vu les choses en grand : la psychothérapeute Claire Conan-Vrinat, la massothérapeute Loan Rocher et la fonctionnaire territoriale Marie-Automne Thépot se sont portées candidates non pas pour être diaconesses mais diacres, « de façon à pouvoir obtenir les mêmes fonctions que celles des diacres actuels, à savoir un service d’accueil des plus pauvres, malades, marginaux ou réfugiés au sein des diocèses ».

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Christina Moreira © A.C.
Prêtre non reconnue par le Vatican

En ce qui concerne le poste de curé, Toutes Apôtres ! a recruté Christina Moreira… Déjà prêtre au sein de l’Association des femmes prêtres catholiques romaines. Cette association américaine, excommuniée parce qu’elle ordonne des femmes, continue son chemin de croix loin du courroux du Vatican. Christina Moreira, ordonnée prêtre en 2015 et officiant en Galice (Espagne), est venue déposer sa candidature à la nonciature de Paris avec son étole violette, similaire à celles des prêtres très officiels. « Je me rends disponible au service de l’Église de France, au sein de laquelle j’ai reçu le baptême et la confirmation, explique-t-elle. Je la perçois souffrante et à bout de souffle, secouée par des scandales qui nuisent à l’annonce de l’Évangile, surtout aux plus petits. »

À l’instar de Christina Moreira, toutes sont convaincues que féminiser le sacerdoce permettrait de « repenser la hiérarchie cléricale » dans une perspective plus « horizontale », de renouveler et même de révolutionner une institution aux prises avec d’innombrables scandales de pédophilie ou d’abus sexuels qui ont entaché sa superbe ces dernières années. « On a beaucoup parlé de pédocriminalité mais beaucoup moins des affaires de violences sexuelles touchant les religieuses », remarque Alix Bayle, en référence au documentaire Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église, que le Saint-Siège avait d’ailleurs réussi à faire retirer du replay d’Arte en avril 2019. « À ce moment-là, beaucoup de baptisées ont basculé dans la colère », souligne-t-elle.

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La conférence de presse s'est tenue sous les fenêtres fermées
de la nonciature apostolique de Paris © A.C.

Nos pieuses téméraires ne sont en revanche pas encore unanimes sur la question du célibat des ordonné·es et réfléchissent à se positionner sur le sujet. Et quand on demande à ces laïques si elles ont cherché à inclure des religieuses dans leur démarche, pourtant « candidates naturelles », elles répondent que oui, mais que pour l’heure, aucune n’a voulu apporter un soutien public. Au même titre, selon Anne Soupa, que divers hommes ordonnés, à ce stade silencieux « parce qu’ils ont peur d’être mis de côté ». Alors, devant la grille close de la nonciature, qui était pourtant prévenue de leur présence pour candidatures spontanées ce matin, elles espèrent de toute leur foi un signe, un seul, de reconnaissance de la bande d’hommes monopolistiques mandataires du Tout-Puissant.

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