Violences sexuelles : les voix du sei­gneur sont inattaquables

Documentaire censuré, livre attaqué : pas facile de soulever un coin de voile sur l’Église sans s’attirer des foudres. Mais elle peut compter sur ses prêtres pour la défendre quand elle ne peut le faire elle-même.

HS10 violences sexuelles dans le glise ©Jessica Wolfelsperger
© J. Wolfelsperger

Diffusé le 5 mars sur Arte, le documentaire Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église révélait les viols subis par des religieuses au sein de l’Église en France, en Allemagne, en Italie, au Canada et en Afrique. Le film de Marie-Pierre Raimbault et Éric Quintin devait être disponible en replay pendant les deux mois suivant sa diffusion. Mais, surprise, depuis le 5 avril, impossible de le (re)voir en ligne… Censure ? Ça y ressemble : Arte France et Arte Allemagne ont été condamnées par le tribunal d’instance de Hambourg à ne pas reprogrammer le documentaire et à en « stopper toute forme de diffusion » en replay et sur leur chaîne YouTube.

L’attaque est venue d’un prêtre allemand qui « s’est reconnu » dans le documentaire et a porté plainte, explique Fabrice Puchault, directeur de l’unité société et culture d’Arte France, au journal La Croix : « Il n’est pas nommé, et le lieu où il exerçait n’est pas mentionné, mais il s’est reconnu et a estimé être reconnaissable par d’autres. » Le tribunal lui a donné raison. Le producteur du reportage, Éric Colomer, fait part de son étonnement au Parisien : « On s’attendait forcément à avoir des réactions. C’est toujours le cas quand on s’attaque à des sujets tabous, qui dérangent et interrogent. Mais on pensait que cela allait venir des grandes communautés catholiques, car elles sont mises en cause très durement. »

Si les évêques sont silencieux, les prêtres montent au créneau. C’est également le cas pour Sodoma, le livre de Frédéric Martel. Quelques semaines avant l’interdiction qui a sanctionné Arte, sa parution alimentait les critiques dans le milieu religieux. Le journaliste a enquêté pendant quatre ans sur l’homosexualité au sein de l’Église catholique. Sodoma décrit un système qui perpétue une culture du secret, permettant de couvrir des scandales d’abus sexuels et de laisser les prédateurs agir pendant plusieurs années.

« Les articles les plus virulents ont été publiés par la presse d’extrême droite, américaine notamment, mais, au final, aucun cardinal ne s’est exprimé. Comme si le constat était admis largement, nous explique Frédéric Martel. Les attaques sont venues non de l’institution, mais de prêtres gays eux-mêmes, qui avaient peur que le livre ne fasse exploser leur bulle gay-friendly à l’intérieur de l’Église. »

Traduit en huit langues, le livre est sorti dans une vingtaine de pays en février. Frédéric Martel l’a fait relire, ainsi que ses traductions, par quatorze avocats pour s’assurer du respect de la législation sur la diffamation dans les différents pays. Le contexte dans lequel Sodoma est sorti a, de toute façon, tué dans l’œuf les attaques : au même moment s’ouvrait à Rome un conseil au sujet de la pédophilie et, en France, le cardinal Barbarin était condamné à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir signalé à la justice les agissements pédocriminels de l’abbé Bernard Preynat. Hasard ou intervention divine ?

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