À la rentrée 2020, un groupe d’amis du lycée Jean Macé de Rennes a lancé le collectif Collages Lycéens pour sensibiliser aux violences sexuelles. Depuis, cette visibilité les a conduits à recueillir les témoignages d’ami·es voire d’inconnu·es et, si besoin, à les accompagner vers des structures comme le Planning Familial ou le commissariat de police pour déposer plainte.
![À Rennes, un collectif de lycéens accompagne des jeunes victimes de violences sexuelles 1 image00010](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/04/image00010-679x1024.jpeg)
Collages lycéens de Rennes © Enfant Sage
Un jour par mois, une trentaine de jeunes du collectif rennais Collages Lycéens se retrouvent pour coller dans l’espace public des messages dénonçant les violences sexuelles, comme un peu partout en France depuis l’initiative lancée par la militante féministe Marguerite Stern en 2019. Les phrases « Mon corps, mes choix », « Quand je sors je veux être libre, pas courageuse » ou encore « Mon viol, ma rage » sont écrites en noir sur fond blanc, et collées sur les murs et le mobilier urbain de la capitale bretonne.
Une habitude instaurée depuis octobre 2020 et initiée par des élèves de première au lycée Jean Macé. En un an et demi, le collectif s’est agrandi et des lycéen·nes de différents établissements rennais l’ont rejoint. En parallèle du collage – leur action emblématique et symbolique – le groupe organise des distributions de préservatifs masculins et féminins et ses membres participent à des manifestations, comme la marche des fiertés LGBT de Rennes. Plus discrètement, depuis le début de leur existence, le collectif a recueilli des témoignages et accompagné des ami·es et des inconnu·es dans des démarches judiciaires ou vers des structures spécialisées, telles que le Planning Familial, à Rennes, ou Iskis, le centre LGBTI+ de la ville.
Plus facile de parler à quelqu'un de son âge
Si certain·es membres du collectif ont elles et eux-mêmes été victimes ou témoins de violences sexuelles, et en parlaient ensemble, iels ont été surpris·es par les nombreux témoignages reçus. « Quatre jours après notre première publication sur le compte Instagram du collectif, nous avions déjà reçu deux témoignages, dont un à propos d’un viol », se rappelle Fabien, 17 ans, l’un des trois porte-paroles avec Noa et Gautier. Sollicité, le collectif décide alors de venir en aide aux victimes, en leur offrant un espace de parole sécurisé – bien souvent le premier pour ces jeunes qui les contactent – puis en leur proposant de les aiguiller vers une association, voire de les accompagner porter plainte. Les victimes sont souvent des lycéen·nes, parfois des étudiant·es. Des parents les ont aussi contacté·es, leur demandant des conseils dans l’accompagnement de leur enfant.
« C’est plus facile d’en parler à des jeunes de notre âge », explique Lucie1, 16 ans. Cette élève de seconde a subi des agressions sexuelles dans son enfance. Elle a trouvé, dans ce collectif, un espace d'écoute et, depuis, les accompagne dans les sessions collages et les manifestations. « C’est rassurant de voir qu’on n’est pas tout seul à avoir vécu ces traumatismes. On se tire vers le haut. »
Réflexe de vouloir protéger ses parents
« Être jeune, ça change tout », résume Gautier, 17 ans, porte-parole et initiateur de Collages Lycéens, pour expliquer l’afflux de témoignages similaires à celui de Lucie. « On a le même âge, le même quotidien, on participe aux mêmes soirées… », développe Fabien. « Avec les adultes, on a peur d’être décrédibilisé ou qu’il y ait de l’incompréhension », confirme Lucie. « On a aussi envie de les protéger en se taisant. Au début, je ne voulais pas parler de ce qui m'était arrivé à mon père. »
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Les lycéen·nes doivent ainsi faire face aux récits parfois très difficiles de leurs ami·es. « On a toujours envie de les aider, de faire au mieux… Chaque témoignage nous touche beaucoup », concède Noa, la troisième porte-parole du collectif. « C’est l’avantage d’être plusieurs dans ce groupe. Ça nous permet d’en discuter et de prendre du recul par rapport à ces situations. » Noa a échangé avec une dizaine de personnes depuis le début du collectif et continue de discuter régulièrement avec elles pour prendre de leurs nouvelles.
Apprentissage sur le tas
« Quand une personne a besoin d’en parler, ça se passe souvent en dehors du lycée, dans un cadre plus neutre, comme sur un banc », explique Fabien qui se souvient de la première fois où il a recueilli les paroles d’une amie. « Au début, j'avais envie de détendre l’atmosphère, mais j’ai très vite appris que ce n’était pas la solution. Il faut tout de suite prendre le témoignage au sérieux. »
Des structures sont aussi présentes pour les épauler. « On en accompagne souvent vers le Planning Familial ou Iskis, le centre LGBTI+ de Rennes », explique Noa. En parler devient ainsi la première étape pour avancer. Parfois, cela se limite à mettre des mots sur l’indicible. « Certaines avaient surtout besoin de dire ce qu’elles avaient vécu, d’être entendues », analyse Fabien.
Tafer son droit
Après les mots, qui qualifient les actes, viennent pour certaines victimes les démarches. Pour aider les personnes qui s’adressent au collectif, Noa, Fabien et Gautier ont dû se renseigner sur les différentes possibilités qui s’offrent aux victimes, de l’accompagnement associatif à la plainte auprès des forces de l’ordre, et proposer leur assistance. Sans garder une trace de chaque situation, car l’anonymat est pris très au sérieux, Gautier se souvient d’au moins une quinzaine de personnes qui sont ensuite allées au commissariat, dont certaines qu’il a accompagnées. Pour mieux les épauler, il s’est plongé dans le droit, dénichant les sources et les réponses à ses questions sur Internet et en particulier sur le site Légifrance.
« Il y a beaucoup de méconnaissance sur ce qu’on peut faire », a constaté Gautier qui prévoit, une fois le baccalauréat en poche, d’étudier en fac de droit. « Par exemple, certains ne savent pas qu’on peut déposer plainte sans que les parents soient au courant. » En plus des actions pédagogiques et des collages, il aimerait créer des groupes de paroles entre lycéen·nes : « Certains ont beaucoup de mal à en parler. Pour cela, il faut aussi que la honte se déplace du côté de l’agresseur et ne pèse plus sur la victime. » Car, confirme Lucie : « Le pire, c’est la solitude. Avant d’en parler, j’essayais de ne pas y penser. C’était effrayant. D’autant que c’est en discutant que j’ai compris que ce qui m’était arrivé, ces agressions, ce n’était pas normal. » Désormais, elle parle de son histoire à ses ami·es. « Quitte à avoir vécu quelque chose d’horrible, autant que ça serve pour les autres. »
- Le prénom a été modifié[↩]