À Rennes, un col­lec­tif de lycéens accom­pagne des jeunes vic­times de vio­lences sexuelles

À la ren­trée 2020, un groupe d’amis du lycée Jean Macé de Rennes a lan­cé le col­lec­tif Collages Lycéens pour sen­si­bi­li­ser aux vio­lences sexuelles. Depuis, cette visi­bi­li­té les a conduits à recueillir les témoi­gnages d’ami·es voire d’inconnu·es et, si besoin, à les accom­pa­gner vers des struc­tures comme le Planning Familial ou le com­mis­sa­riat de police pour dépo­ser plainte.

image00010
Une séance de col­lage du col­lec­tif
Collages lycéens de Rennes © Enfant Sage

Un jour par mois, une tren­taine de jeunes du col­lec­tif ren­nais Collages Lycéens se retrouvent pour col­ler dans l’espace public des mes­sages dénon­çant les vio­lences sexuelles, comme un peu par­tout en France depuis l’initiative lan­cée par la mili­tante fémi­niste Marguerite Stern en 2019. Les phrases « Mon corps, mes choix », « Quand je sors je veux être libre, pas cou­ra­geuse » ou encore « Mon viol, ma rage » sont écrites en noir sur fond blanc, et col­lées sur les murs et le mobi­lier urbain de la capi­tale bretonne.

Une habi­tude ins­tau­rée depuis octobre 2020 et ini­tiée par des élèves de pre­mière au lycée Jean Macé. En un an et demi, le col­lec­tif s’est agran­di et des lycéen·nes de dif­fé­rents éta­blis­se­ments ren­nais l’ont rejoint. En paral­lèle du col­lage – leur action emblé­ma­tique et sym­bo­lique – le groupe orga­nise des dis­tri­bu­tions de pré­ser­va­tifs mas­cu­lins et fémi­nins et ses membres par­ti­cipent à des mani­fes­ta­tions, comme la marche des fier­tés LGBT de Rennes. Plus dis­crè­te­ment, depuis le début de leur exis­tence, le col­lec­tif a recueilli des témoi­gnages et accom­pa­gné des ami·es et des inconnu·es dans des démarches judi­ciaires ou vers des struc­tures spé­cia­li­sées, telles que le Planning Familial, à Rennes, ou Iskis, le centre LGBTI+ de la ville.

Plus facile de par­ler à quelqu'un de son âge

Si certain·es membres du col­lec­tif ont elles et eux-​mêmes été vic­times ou témoins de vio­lences sexuelles, et en par­laient ensemble, iels ont été surpris·es par les nom­breux témoi­gnages reçus. « Quatre jours après notre pre­mière publi­ca­tion sur le compte Instagram du col­lec­tif, nous avions déjà reçu deux témoi­gnages, dont un à pro­pos d’un viol », se rap­pelle Fabien, 17 ans, l’un des trois porte-​paroles avec Noa et Gautier. Sollicité, le col­lec­tif décide alors de venir en aide aux vic­times, en leur offrant un espace de parole sécu­ri­sé – bien sou­vent le pre­mier pour ces jeunes qui les contactent – puis en leur pro­po­sant de les aiguiller vers une asso­cia­tion, voire de les accom­pa­gner por­ter plainte. Les vic­times sont sou­vent des lycéen·nes, par­fois des étudiant·es. Des parents les ont aus­si contacté·es, leur deman­dant des conseils dans l’accompagnement de leur enfant.

« C’est plus facile d’en par­ler à des jeunes de notre âge », explique Lucie1, 16 ans. Cette élève de seconde a subi des agres­sions sexuelles dans son enfance. Elle a trou­vé, dans ce col­lec­tif, un espace d'écoute et, depuis, les accom­pagne dans les ses­sions col­lages et les mani­fes­ta­tions. « C’est ras­su­rant de voir qu’on n’est pas tout seul à avoir vécu ces trau­ma­tismes. On se tire vers le haut. »

Réflexe de vou­loir pro­té­ger ses parents

« Être jeune, ça change tout », résume Gautier, 17 ans, porte-​parole et ini­tia­teur de Collages Lycéens, pour expli­quer l’afflux de témoi­gnages simi­laires à celui de Lucie. « On a le même âge, le même quo­ti­dien, on par­ti­cipe aux mêmes soi­rées… », déve­loppe Fabien. « Avec les adultes, on a peur d’être décré­di­bi­li­sé ou qu’il y ait de l’incompréhension », confirme Lucie. « On a aus­si envie de les pro­té­ger en se tai­sant. Au début, je ne vou­lais pas par­ler de ce qui m'était arri­vé à mon père. »

image00003
© Enfant Sage

Les lycéen·nes doivent ain­si faire face aux récits par­fois très dif­fi­ciles de leurs ami·es. « On a tou­jours envie de les aider, de faire au mieux… Chaque témoi­gnage nous touche beau­coup », concède Noa, la troi­sième porte-​parole du col­lec­tif. « C’est l’avantage d’être plu­sieurs dans ce groupe. Ça nous per­met d’en dis­cu­ter et de prendre du recul par rap­port à ces situa­tions. » Noa a échan­gé avec une dizaine de per­sonnes depuis le début du col­lec­tif et conti­nue de dis­cu­ter régu­liè­re­ment avec elles pour prendre de leurs nouvelles.

Apprentissage sur le tas

« Quand une per­sonne a besoin d’en par­ler, ça se passe sou­vent en dehors du lycée, dans un cadre plus neutre, comme sur un banc », explique Fabien qui se sou­vient de la pre­mière fois où il a recueilli les paroles d’une amie. « Au début, j'avais envie de détendre l’atmosphère, mais j’ai très vite appris que ce n’était pas la solu­tion. Il faut tout de suite prendre le témoi­gnage au sérieux. »

Des struc­tures sont aus­si pré­sentes pour les épau­ler. « On en accom­pagne sou­vent vers le Planning Familial ou Iskis, le centre LGBTI+ de Rennes », explique Noa. En par­ler devient ain­si la pre­mière étape pour avan­cer. Parfois, cela se limite à mettre des mots sur l’indicible. « Certaines avaient sur­tout besoin de dire ce qu’elles avaient vécu, d’être enten­dues », ana­lyse Fabien.

Tafer son droit

Après les mots, qui qua­li­fient les actes, viennent pour cer­taines vic­times les démarches. Pour aider les per­sonnes qui s’adressent au col­lec­tif, Noa, Fabien et Gautier ont dû se ren­sei­gner sur les dif­fé­rentes pos­si­bi­li­tés qui s’offrent aux vic­times, de l’accompagnement asso­cia­tif à la plainte auprès des forces de l’ordre, et pro­po­ser leur assis­tance. Sans gar­der une trace de chaque situa­tion, car l’anonymat est pris très au sérieux, Gautier se sou­vient d’au moins une quin­zaine de per­sonnes qui sont ensuite allées au com­mis­sa­riat, dont cer­taines qu’il a accom­pa­gnées. Pour mieux les épau­ler, il s’est plon­gé dans le droit, déni­chant les sources et les réponses à ses ques­tions sur Internet et en par­ti­cu­lier sur le site Légifrance.

« Il y a beau­coup de mécon­nais­sance sur ce qu’on peut faire », a consta­té Gautier qui pré­voit, une fois le bac­ca­lau­réat en poche, d’étudier en fac de droit. « Par exemple, cer­tains ne savent pas qu’on peut dépo­ser plainte sans que les parents soient au cou­rant. » En plus des actions péda­go­giques et des col­lages, il aime­rait créer des groupes de paroles entre lycéen·nes : « Certains ont beau­coup de mal à en par­ler. Pour cela, il faut aus­si que la honte se déplace du côté de l’agresseur et ne pèse plus sur la vic­time. » Car, confirme Lucie : « Le pire, c’est la soli­tude. Avant d’en par­ler, j’essayais de ne pas y pen­ser. C’était effrayant. D’autant que c’est en dis­cu­tant que j’ai com­pris que ce qui m’était arri­vé, ces agres­sions, ce n’était pas nor­mal. » Désormais, elle parle de son his­toire à ses ami·es. « Quitte à avoir vécu quelque chose d’horrible, autant que ça serve pour les autres. »

  1. Le pré­nom a été modi­fié[]
Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.