Mardi 27 août, Paula Gretchen, une femme trans brésilienne a tenté de se tuer en se jetant dans la Seine, après des mois de bataille juridique, épuisée par la transphobie quotidienne et la précarité. Le cas de Paula n’est pas un cas isolé : les femmes trans migrantes et travailleuses du sexe luttent en permanence contre de multiples violences : harcèlement et haine de rue, racisme, sexisme, transphobie.
Je voudrais rappeler ici, puisque nous sommes dans un magazine, la responsabilité des médias. Le lendemain du suicide de Paula, Le Parisien écrivait : « Un homme transgenre a été repêché » et le site d’Europe 1 : « Repéré par un bateau-mouche […], l’homme, vêtu d’une robe […] ». Voilà tout ce qu’on a pu lire. Des brèves de comptoir, trois lignes, qui ne respectent même pas l’identité de genre de la personne. Et ailleurs, rien.
Je suis toujours surpris quand je vois à quel point pas un média ne s’empare de cette histoire pour raconter le parcours des femmes trans, surtout quand elles sont migrantes et travailleuses du sexe. Parce que leurs vécus sont passionnants et ont beaucoup à nous apprendre sur la transmisogynie (y compris venant de femmes), le sexisme, les violences d’État.
Pile un an avant le suicide de Paula, Vanesa Campos a été sauvagement assassinée au bois de Boulogne en tentant de protéger un client qui se faisait racketter. Elle avait signalé ces bandes à la police, qui n’avait rien fait. Et le seul média qui a couvert cette affaire, c’est Paris Match. Comment ? En montrant des photos du cadavre nu de Vanesa et en écrivant un papier dégueulasse qui exotise et dénature ces femmes. Encouragée par l’association Acceptess‑T, la famille porte plainte contre Match et, heureusement, gagne. Est-ce que ça change le traitement médiatique déshumanisant de ces femmes trans ? Non, la preuve par Paula.
Cher/chère journaliste, quand on te dit « une femme trans », à quel moment tu bugges au point d’écrire « un homme » ? C’est vraiment si compliqué de genrer correctement quelqu’un ? Et quand tu parles d’un meurtre ou d’un suicide, ça te dirait pas de rappeler que, comme toi, c’était une personne, avec une famille, des ami·es, une couleur préférée ?
On me dit dans l’oreillette que les médias ont trop peur de se faire engueuler, parce qu’ils ne maîtriseraient pas le vocabulaire, quand ils parlent des trans, et qu’ils préfèrent donc éviter. Les pauvres chatons. On est à ça de créer une cellule psychologique pour journalistes qui n’arrivent pas à écrire « femme » quand on parle d’une femme et inversement.
Sachez, chers médias, que nous avons besoin de vous pour être visibles, reconnu·es, écouté·es, compris·es et pour qu’on arrête de nous tuer et de nous tabasser. Si vous ne faites pas le taf, si vous nous ignorez ou parlez de nous comme des moins que rien, pensez bien que c’est aussi de votre faute si la violence explose.
Petit tips : l’Association des journalistes lesbiennes, gays, bi·es et trans (AJL) a fait un très bon guide pour parler correctement des personnes trans et intersexes : n’hésitez pas à vous en emparer ! En vrai, c’est niveau CE2.