Sportif·ves de haut niveau : les femmes prennent les plus gros coups

Naomi Osaka, Serena Williams… Pour Lauren Bastide, la façon dont sont trai­tées ces cham­pionnes est symp­to­ma­tique du sexisme lan­ci­nant du milieu sportif.

lauren bastide marie rouge allary editions 3 1 a
© Marie Rouge/​Editions Allary

"Quand Naomi Osaka a décla­ré qu’elle ne par­ti­ci­pe­rait pas aux confé­rences de presse d’après-match à Roland-​Garros, pour pré­ser­ver sa san­té men­tale, je me suis dit : respect. 

C’est une injonc­tion qui n’est pas très gen­rée, que celle de répondre : « Bien, et toi ? » quand on nous demande : « Ça va ? » Nous sommes toutes et tous obligé·es de nous rendre sur notre lieu de tra­vail, même en cas d’anxiété. Il est rare qu’un·e salarié·e demande à man­quer un brie­fing pour se pré­ser­ver d’une crise d’angoisse. La pra­tique veut qu’il·elle serre les dents et fasse « bonne figure » à chaque réunion, jusqu’à atteindre le stade du burn-​out. « J’ai sou­vent eu le sen­ti­ment que les gens n’ont aucun égard pour la san­té men­tale des spor­tifs », a écrit Naomi Osaka sur les réseaux sociaux pour jus­ti­fier sa déci­sion, et je me suis dit que le simple emploi du terme « san­té men­tale » allait ins­pi­rer un paquet de gens. 25 % de la popu­la­tion mon­diale sera concer­née au cours de sa vie par un trouble men­tal, selon l’OMS. Naomi Osaka est une jeune femme enga­gée (en sep­tembre 2020, elle por­tait, lors de l’US Open, des masques arbo­rant le pré­nom et le nom d’une vic­time de vio­lences poli­cières racistes aux États-​Unis), et je sais qu’elle n’a pas fait ça au hasard. 

Je vais en revanche vous dire ce qui est très gen­ré. C’est la façon dont la Fédération fran­çaise de ten­nis a réagi à l’annonce d’Osaka. Son pré­sident, Gilles Moretton, a com­men­té : « Ce qui se passe là n’est pas accep­table. Il y a des règles, des lois. » Osaka a été condam­née à une amende de 15 000 euros et mena­cée d’être exclue des tour­nois du Grand Chelem si elle ne fai­sait pas un effort pour rame­ner sa fraise aux confé­rences de presse. C’est pas­sion­nant comme ce mon­sieur a eu à cœur de mon­trer à la no 2 mon­diale, qu’il SAVAIT, lui, mieux qu’elle, ce qu’étaient les RÈGLES du ten­nis. La jeune femme a gagné 37,4 mil­liards de dol­lars en 2019, deve­nant la spor­tive la mieux payée de tous les temps, mais il était impor­tant pour M. Moretton de lui rap­pe­ler qui était le chef. 

Ça ne vous évoque rien ? En 2018, Serena Williams – alors no 1 mon­diale – avait fait conce­voir par son équi­men­tier spor­tif une tenue adap­tée à son corps de femme qui venait d’accoucher : une com­bi­nai­son noire confor­table et sty­lée. Un autre mon­sieur diri­geant la même Fédération fran­çaise de ten­nis à l’époque, Bernard Giudicelli, avait esti­mé : « La com­bi­nai­son de Serena, ça ne sera plus accep­té. Il faut res­pec­ter le jeu et l’endroit. » Ainsi donc ces deux hommes se dressent de toute leur mâle et blanche auto­ri­té – les des­ti­na­taires de ces cour­roux sont deux femmes raci­sées, ça n’est pas ano­din – pour rap­pe­ler à deux des plus grandes joueuses de ten­nis au monde dans quelle tenue et dans quel état d’esprit on pra­tique ce sport, au moment où, fortes de leur posi­tion de pou­voir dure­ment acquise, elles essaient d’aménager ces règles pour pré­ser­ver leur san­té. Vous cher­chiez une évi­dente image de ce qu’est le patriar­cat ? Eh ben, voi­là, je vous pro­pose ça ! En vous sou­hai­tant à toutes et tous un bel été et en remer­ciant Causette de m’avoir per­mis de poser mes mots ici pen­dant quelques mois." 

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.