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© Capture d'écran de la vidéo "Les chiens aboient, la caravane passe" de Léna Situation

Pourquoi l'affaire de cybe­rhar­cè­le­ment à l'encontre de Léna Mahfouf nous concerne toutes et tous

Les années passent et rien ne semble chan­ger pour les femmes vic­times de cybe­rhar­cè­le­ment : ces attaques sont inva­ria­ble­ment sexistes et détruisent la san­té psy­chique de celles qui les subissent, comme en a cou­ra­geu­se­ment témoi­gné la vidéaste Léna Mahfouf.

ÉDITO. La vidéo, inti­tu­lée Les chiens aboient, la cara­vane passe, a été mise en ligne sur YouTube le 31 juillet. Dedans, la jeune vidéaste et influen­ceuse Léna Mahfouf décrit les coups por­tés à sa san­té men­tale par le cybe­rhar­cè­le­ment mas­sif qu'elle explique subir depuis un an. Ces insultes et menaces ne réin­ventent pas le fil à cou­per le beurre mais elles ont débor­dé dans « la vraie vie » puisque certain·es sont allé·es jusqu'à décro­cher leurs télé­phones pour appe­ler la grand-​mère de Mahfouf pour insul­ter sa petite-​fille. Et elles sont inva­ria­ble­ment sexistes.

Aux yeux de ces ano­nymes – pour la grande majo­ri­té des hommes, mais Léna Mahfouf note aus­si la pré­sence de femmes dans cette masse hai­neuse – l'idole des jeunes est donc une « pute », par­fois une « salope ». Ça peut être parce qu'elle a chan­gé de coupe de che­veux, ou encore parce qu'elle a refu­sé l'invitation à la céré­mo­nie du Ballon d'or qui lui était pro­po­sée et où elle aurait pu ame­ner son com­pa­gnon, Seb la Frite, lui aus­si influen­ceur : « Vraiment de la peine pour Seb, en vrai, il mérite pas ça, quelle sor­cière cette meuf, elle veut pas son bon­heur ».

Au-​delà de la ran­çon de la gloire

Il serait erro­né de consi­dé­rer que, pour celle qui s'est faite connaître sous le pseu­do de Léna Situations en réa­li­sant des vidéos met­tant en scène sa vie pri­vée et est sui­vie par des mil­lions de per­sonnes (3,8 sur Instagram par exemple), ce cybe­rhar­cè­le­ment ne relève que de « la ran­çon de la gloire ». Ce serait oublier que, selon un son­dage Ipsos réa­li­sé à l'automne 2021, 59% des Français·es affirment avoir déjà été harcelé·es en ligne. Autrement dit, même si les pro­por­tions sont décu­plées avec la célé­bri­té, c'est un sujet qui nous concerne tous·tes.

Rien ne semble avoir chan­gé par rap­port à il y a quatre ans quand, à l'été 2018, nous racon­tions le com­bat de l'influenceuse fémi­niste Marion Séclin contre ses cyber-harceleur·euses, rapi­de­ment devenu·es comme dans l'affaire Mahfouf harceleur·ses dans la vie réelle éga­le­ment. Cette année-​là, Marion Séclin avait racon­té ce qu'elle vivait à la Sénatrice Marie Mercier (Les Républicains) : les tom­be­reaux de vio­lence sur les réseaux sociaux (« qua­rante mille com­men­taires d'insultes et de menaces », quantifiait-​elle alors), la peur au ventre d'être atten­due au coin de la rue puisque ces ano­nymes avaient trou­vé son adresse et l'inondaient de cour­riers outra­geants, la dépres­sion et les idées noires qui ont sui­vi. Avant et après elle, il y eut – par­mi celles dont le har­cè­le­ment a été le plus média­ti­sé – Nadia Daam, Marlène Schiappa, la jeune Mila ou encore Marguerite Stern. Toutes ont des opi­nions très dif­fé­rentes. Elles ont en com­mun, comme Léna Mahfouf et les mil­liers d'anonymes conspuées en ligne chaque jour par­tout dans le monde d'être des femmes. Et donc de subir un cybe­rhar­cè­le­ment ciblé sur leur genre.

Lire aus­si l Marion Séclin, cyber sister

Pour celles qui les entament, les recours judi­ciaires sont longs, érein­tants et coû­teux. Par ailleurs, le cybe­rhar­cè­le­ment ayant sou­vent la carac­té­ris­tique d'être réa­li­sés par une meute déchaî­née de mil­liers d'anonymes, la condam­na­tion d'une poi­gnée d'entre eux·elles n'a rien de très satis­fai­sant pour les vic­times, qui ont sou­vent l'impression de vider l'océan d'infamies à la petite cuillère. 

Les pou­voirs publics démunis

À l'automne 2021, un rap­port du Sénat inti­tu­lé Harcèlement sco­laire et cybe­rhar­cè­le­ment pré­co­ni­sait pour répondre à l'enjeu qui nous concerne aujourd'hui de « contraindre les réseaux sociaux à pré­sen­ter pério­di­que­ment à leurs uti­li­sa­teurs des vidéos didac­tiques de sen­si­bi­li­sa­tion au har­cè­le­ment » ou encore « enta­mer, dès le 1er jan­vier 2022, les négo­cia­tions euro­péennes pour pro­mou­voir les stress tests et le name and shame afin de lut­ter contre le cyberharcèlement ». 

On l'aura com­pris : face à l'impuissance des pou­voirs publics en la matière, il est de notre res­pon­sa­bi­li­té à toutes et tous de neu­tra­li­ser la nui­sance de ces cyberharceleur·ses en dénon­çant leurs agis­se­ments mal­fai­sants et en ren­dant visible notre sou­tien aux vic­times, qui puisent la force de mon­ter dans « la cara­vane » pour se pré­ser­ver des « chiens qui aboient ». Mais il s'agira aus­si de scru­ter nous-​mêmes nos com­por­te­ments en ligne : dans le son­dage Ipsos pré-​cité, 44% des per­sonnes interrogé·es ont recon­nu avoir déjà eu un agis­se­ment rele­vant du cyberharcèlement.

Lire aus­si I « Je ne vois pas mon ave­nir ». Récit de deux jours au pro­cès du cyber-​harcèlement de Mila

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