Du 15 au 17 juillet prochain se tiendra le Festival international de journalisme à Couthures-sur-Garonne, dont l’une des thématiques principales est : « Faut-il encore faire des enfants ? », sous-entendu : compte tenu du climat sanitaire, écologique, économique, politique et diplomatique actuel, que l’on qualifiera pudiquement de merdique. Bien entendu, j’ai été invitée à prendre la parole à ce sujet. « Bien entendu », car le fait que je milite depuis plusieurs années pour la normalisation du choix de ne pas être mère m’a valu d’être la représentante officielle des childfree, un peu comme Jean Reno est le représentant officiel du cinéma français au Japon : une curiosité exotique sur laquelle on projette des fantasmes souvent déroutants. Et le seul fait que l’absence de vocation maternelle continue d’être un sujet de débat public dit assez du manque de légitimité sociale dont souffrent toujours les concernées, cinquante-cinq ans après la légalisation de la pilule et quarante-sept ans après celle de l’IVG.
Environ 5 % des Françaises choisissent de ne pas avoir d’enfant, une proportion stable depuis des décennies, mais qui pourrait augmenter prochainement : une étude internationale menée auprès de 10 000 jeunes dans dix pays * a établi que 40 % d’entre elles et eux hésitent à devenir parents, en raison de l’avenir qu’elles et ils jugent incertain.
Une bonne nouvelle pour les femmes ? Pas sûr. En effet, le choix de ne pas avoir d’enfant n’est pas obligatoirement politique et, surtout, il n’a pas à l’être. Considérer qu’il doit procéder d’un engagement collectif supérieur à un désir individuel implique que ce désir existe chez toutes les femmes (je suis la preuve que non), et que la légitimité d’un choix non conformiste est conditionnée à une « bonne » raison… Ce qui est juste une façon de recycler le bon vieux concept d’abnégation féminine. Je n’ai pas d’enfant non pas pour sauver les ours polaires – que je respecte infiniment par ailleurs –, mais parce que j’ai des envies qui ne sont pas compatibles avec la maternité. Elles sont légitimes en l’état, et il serait temps d’arrêter de réguler les désirs des femmes en fonction des besoins collectifs.
Jadis, il y a cinq minutes, ne pas faire d’enfant était donc un choix égoïste, quasi un acte d’incivilité. Aujourd’hui, c’est d’en faire qui le serait presque. De qui se moque-t-on ? Ce retournement de stigmatisation ne profite à personne, même pas aux childfree, car il culpabilise les individus tout en dédouanant les institutions, vraies responsables du marasme écologique que l’on sait. L’enjeu n’est pas de faire payer à toutes les délinquantes climatiques une taxe carbone à la sortie de la maternité. Mais que nos gouvernements donnent enfin la priorité à la préservation des ressources plutôt qu’à leur surexploitation afin que les femmes puissent choisir librement et sereinement de devenir mère ou pas, à l’abri de toute injonction sociale sexiste, fût-elle mise à jour.
* « Young People’s Voices on Climate Anxiety, Government Betrayal and Moral Injury : a Global Phenomenon », étude collégiale de l’université de Bath, septembre 2021.