Le monde du Kamasutra – et plus largement de la sexualité – doit dépoussiérer ses vieilles habitudes phallocentrées. Rencontre avec la journaliste, autrice et podcasteuse Lucile Bellan, qui offre à cette pratique millénaire une révision sauce féministe.
Causette : Y a‑t-il une position idoine pour la masturbation ? Est-ce qu’on ne s’y prendrait pas comme des manches depuis des années ?
Lucile Bellan : Je trouve qu’on se masturbe trop dans la honte. Trop de femmes ne la pratiquent pas pour des questions de pudeur. Ce que l’on voit souvent dans les films, une personne sur le dos, les jambes semi-pliées et la main entre les jambes n’est en réalité pas une position très physiologique pour se masturber. La meilleure solution, c’est sur le dos, les jambes en papillon, c’est-à-dire les pieds l’un contre l’autre et les genoux pliés : le clitoris ressort et cela facilite la stimulation, on a vraiment des sensations et la zone périnéale qui se situe autour est plus accessible. En tout cas, il ne faut pas se forcer parce que tout le monde dit qu’il faut le faire : ça ne marche pas !
Je m’intéresse aussi à de nouveaux types de masturbation : je pense qu’on peut revenir à une pratique plus « slow » (lente) pour un meilleur contrôle de la stimulation. Certaines marques de sex-toys comme FeelPelle ou Uberrime ont commercialisé de petits objets de formes originales et faciles à nettoyer, pour toutes les femmes qui ont du mal à utiliser leurs mains directement et qui ne veulent pas se servir de choses moins hygiéniques, comme des coussins. Si l’on n’a pas envie de subir des bruits de moteur agressifs, on peut opter pour des objets texturés en silicone médicale qui permettent des frottements et une masturbation externe non mécanique, c’est-à-dire en anglais du humping et du grinding.
Comment s’empapaouter de manière optimale ?
L. B. : Pour les hétéros, avec la position de l’Andromaque, où la femme est assise sur l’homme, allongé sur le dos. Cette pénétration vaginale permet une double stimulation à la fois interne et externe, avec un contrôle des mouvements, en particulier en se frottant sur les os du pubis du partenaire. On a longtemps recommandé cette position aux hommes, car elle offrirait « une belle vue », mais elle est surtout plus favorable aux femmes que le missionnaire, qui ne fait pas ressortir le clitoris. Entre femmes, je préconise le « 69 de canapé » : l’une est installée les jambes en l’air sur l’accoudoir, la tête sur l’assise, l’autre emboîtée sur elle. Cela rend la position plus confortable.
Une seule solution, la lubrification ?
L. B. : Il faut remettre le lubrifiant au cœur de toutes les pratiques pour les personnes à vulve : c’est un geste bien-être important pour la santé de sa vulve, pour son hydratation et pour éviter l’inconfort. Cela permet aussi une masturbation plus fluide et agréable. Aujourd’hui, on trouve des modèles bio, du lubrifiant au CBD chez My Lubie, une marque française gérée par des femmes. Je conseille aussi le baume vulvaire Baûbo, pour retrouver du confort après les règles ou après le sexe. Avec ces produits, on réapprend à se toucher la vulve dans des gestes de soin.
Kama-sutraet Masturbation, de Lucile Bellan. Éd. Leduc, 2020 et 2021. Première & Dernière Fois, série de podcasts sur Slate.fr