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© Roxane Campoy pour Causette

Mère céli­ba­taire et fière de l'être

Comme de nom­breuses autres femmes, notre jour­na­liste a déci­dé de faire famille seule. Ni plan B, ni choix par défaut, la mater­ni­té en solo s’affirme aujourd’hui comme un pro­jet de vie tout aus­si valable qu’un autre. Elle raconte son par­cours et celui d’autres femmes qui ont fait le même choix qu’elle.

Quand on me demande pour­quoi j’ai “fait un bébé toute seule”, je réponds géné­ra­le­ment : “Parce que j’avais envie d’un bébé.” Et aus­si “parce que je pou­vais me le per­mettre”. C’est éga­le­ment ce que je répon­drais si j’avais fait un bébé à deux, mais on ne demande jamais aux couples pour­quoi ils ont enfan­té. Évidemment, fon­der une famille toute seule n’est pas un choix que l’on fait à la légère, juste parce qu’on a envie d’un·e enfant ou que l’on dis­pose de l’argent néces­saire. J’ai réflé­chi, j’ai lu des témoi­gnages, j’ai écou­té des pod­casts, par­cou­ru des groupes Facebook, ques­tion­né des mères… Jusqu’à com­prendre que ce pro­jet était le plus évident du monde. À 33 ans, céli­ba­taire après avoir été long­temps en couple, j’allais faire un enfant “autre­ment”. Restait à for­mu­ler cette idée et à la mettre en œuvre.

Mes parents sont des grands prag­ma­tiques. Quand je leur ai annon­cé, à l’été 2019, que j’envisageais une PMA solo avec un don de sperme, ils ont posé deux ques­tions. Mon père : “Est-​ce que ce n’est pas plus simple de ren­con­trer quelqu’un ?” Réponse : “Non.” Ma mère : “Est-​ce que ce n’est pas plus simple de deman­der à un ami ?” Réponse : “Non plus.” Fin des ques­tions et début du par­cours, qui me condui­ra à accou­cher d’une petite fille en avril 2021, conçue au Danemark grâce à une fécon­da­tion in vitro (FIV).

Un exemple positif

Dans ce genre de déci­sion, cer­taines dis­cus­sions comptent plus que d’autres. Ce fut le cas de celle que j’ai eue avec Audrey, ren­con­trée grâce à un ami com­mun, que j’aime appe­ler ma “mar­raine de PMA”. Nous sommes dans un res­tau­rant, en juin 2019. Je ne la connais pas encore et je la bom­barde de ques­tions sur sa PMA solo, effec­tuée en Belgique en 2007, alors qu’elle avait 31 ans. Elle incarne un exemple posi­tif sur lequel je peux me pro­je­ter et me livre ces mots, qui résonnent encore : “Être maman solo, on peut ima­gi­ner que ça va être com­pli­qué, alors qu’en fait non. Quand on est dedans, on agit sans se poser de ques­tion et au final, ça roule. Et puis, il y a aus­si une forme de fier­té à don­ner cet exemple à son enfant.”

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© Roxane Campoy pour Causette

Pour confor­ter mon choix, je me suis ensuite tour­née vers une psy spé­cia­li­sée dans la péri­na­ta­li­té. Première séance. J’arrive, très fière d’avoir ras­sem­blé plein d’infos (bon­jour le syn­drome de pre­mière de la classe) sur “mon pro­jet de PMA solo”. Elle refor­mule “votre pro­jet d’enfant”. Je ne m’étais pas encore auto­ri­sée à le dire ain­si, tant mon désir de mater­ni­té en étant seule me sem­blait moins légi­time qu’à deux. Au bout de quelques séances, je me suis sen­tie plei­ne­ment en phase avec mon sou­hait. Ce n’était pas un choix par défaut ni au rabais, mais un pro­jet de vie assu­mé. Vint ensuite le temps des exa­mens médi­caux, des échanges avec la cli­nique à Copenhague, puis le pre­mier confi­ne­ment qui a mis les PMA à l’arrêt. Quand j’ai com­men­cé ma sti­mu­la­tion hor­mo­nale, il s’était écou­lé neuf mois depuis le réel démar­rage du pro­jet. Comme une pre­mière gros­sesse dans la tête avant la gros­sesse dans le ventre.

Séparer mater­ni­té et conjugalité

Ma col­lègue Julie se trouve pré­ci­sé­ment dans cette phase. À 33 ans, elle vient de réa­li­ser son bilan de fer­ti­li­té et devrait faire sa pre­mière ten­ta­tive d’insémination avec don­neur d’ici à la fin de l’année. Elle ver­ba­lise son pro­jet depuis peu, mais le résume faci­le­ment : “J’ai tou­jours su que je vou­lais être mère, mais je n’ai jamais asso­cié la mater­ni­té à quelqu’un. Je me suis ren­du compte rapi­de­ment que le couple hété­ro­nor­mé n’était pas ma tasse de thé.” Comme moi, elle en est venue natu­rel­le­ment à sépa­rer la mater­ni­té de la conju­ga­li­té. Si elle n’a pas encore annon­cé son choix à ses parents, sa sœur, elle, se réjouit. Ses amies aus­si. “La plu­part sont mères. Tout le monde est d’accord sur le fait que c’est rac­cord avec ma per­son­na­li­té.” Son intui­tion lui dit que ça ira. En atten­dant d’avancer, Julie conso­lide et nour­rit sa réflexion en consul­tant des livres et des pod­casts. “C’est ras­su­rant de voir que d’autres façons de faire famille existent. Ça me per­met de me sen­tir moins dif­fé­rente.” 

Car choi­sir la mono­pa­ren­ta­li­té conduit for­cé­ment à ce sen­ti­ment, notam­ment face à des ques­tions désar­mantes de bana­li­té. Le chauf­feur de taxi qui sou­haite savoir si on va rejoindre “le papa”… Le phar­ma­cien qui demande si l’enfant est sur la carte Vitale “de papa ou maman”. L’agent immo­bi­lier, si le père a la garde de temps en temps. Comme si seules les familles nucléaires exis­taient. Dans ces moments, je déploie toute ma péda­go­gie pour expli­quer mon choix, sans pour autant jus­ti­fier ma famille.

Marion, elle, a pris l’habitude de devan­cer les ques­tions. Son petit Georges fré­quente la même crèche que ma fille. Un matin, elle m’a enten­du dire à la pué­ri­cul­trice que c’était for­cé­ment moi qui vien­drais cher­cher Alix car j’étais la seule parente. Marion a lan­cé : “Ah bon, Alix n’a pas de papa ? Eh bien, Georges non plus !” Ça crée des liens, for­cé­ment. Et sa démarche de devan­cer les ques­tions me parle. Comme elle me l’a expli­qué un jour au cours d’un déjeu­ner : “Je ne veux pas que les gens se sentent mal à l’aise, donc j’explique vite que c’est un choix et que je suis fière de ce que j’ai fait.” Puis elle m’a racon­té sa “PMA coup de tête”. 

L’horloge de la quarantaine

Elle qui a tou­jours mené sa barque en céli­ba­taire fêtarde jugeait son mode de vie incom­pa­tible avec un enfant. Le pre­mier confi­ne­ment lui a fait prendre conscience qu’elle était capable de s’épanouir sans faire la fête. En jan­vier 2021, son bilan de fer­ti­li­té a indi­qué que tous les voyants étaient au vert, mais qu’il ne fal­lait pas traî­ner à l’approche de la qua­ran­taine. Deux ten­ta­tives d’insémination plus tard, la voi­là enceinte. “Je n’ai pas trop réflé­chi. Je me suis dit que ce serait trop con de pas­ser à côté. Que je pour­rais regret­ter de ne pas avoir eu d’enfant, mais que jamais je ne regret­te­rais d’en avoir eu un. Comme j’ai tou­jours aimé les enfants et que je n’ai jamais été en couple de manière stable, per­sonne n’a été sur­pris.” Autour de moi non plus, per­sonne n’a été sur­pris, ni cho­qué ou déçu. À part cet ami de ma mère, qui lui a confié : “Oh, comme c’est injuste ! Marianne avait pour­tant toutes les qua­li­tés pour trou­ver quelqu’un…”

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© Roxane Campoy pour Causette

Famille réunie

Quand je rap­pelle Audrey en juillet 2023, le hasard du calen­drier fait que sa fille, Salomé, a 15 ans ce jour-​là. Elle se sou­vient sans peine de com­ment son pro­jet a mûri à l’époque. “Je ne trou­vais pas ça extra­or­di­naire d’être maman solo. Ma mère était très matriar­cale, elle diri­geait beau­coup les choses et disait tou­jours que si mon père n’était pas res­té, elle aurait fait ses enfants seule.” Audrey a aus­si la chance de vivre à Paris, avec un métier qui brasse plein de gens et qui apporte une ouver­ture d’esprit. Hors de ques­tion de coin­cer quelqu’un en lui fai­sant un enfant dans le dos ou de se mettre en couple pour de mau­vaises rai­sons. “C’est plus facile d’expliquer à un enfant qu’on l’a fait seule, et plus valo­ri­sant. Aujourd’hui, Salomé en est fière aussi.”

Et puis quand Salomé a eu 18 mois, la vie lui a fait ren­con­trer Olivier. Ensemble, ils ont eu deux enfants, et le jeune papa a fait une recon­nais­sance de pater­ni­té pour Salomé. Une belle his­toire, sur laquelle Audrey ne comp­tait pas. “Quand j’ai ren­con­tré Olivier, ma rou­tine de maman solo m’allait très bien ! J’aurais pu res­ter céli­ba­taire sans pro­blème pen­dant des années.”

En dis­cu­tant avec Audrey, Julie, Marion et toutes les autres, je m’aperçois que moi aus­si j’en parle faci­le­ment, et même par­fois quand ce n’est pas le sujet, tant par fier­té de reven­di­quer une famille dif­fé­rente que par volon­té de rendre ce choix un peu plus banal. L’histoire qu’on (se) raconte néces­site de trou­ver sans cesse les bons mots pour l’enfant, la famille, les ami·es, les col­lègues, la crèche, l’école, les incon­nus ou encore les réseaux sociaux. Le 7 juin 2021, j’ai pos­té sur Facebook ma seule publi­ca­tion cla­mant haut et fort ma dif­fé­rence : une pho­to d’Alix, âgée de 2 mois, tenant notre livret de famille dans les mains, avec un long texte, que j’ai conclu ain­si : “Même à deux, on est déjà une famille.” 

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