Les enfants de djihadistes s’adaptent en majorité bien une fois rapatriés, indique ce lundi 21 novembre 2022 l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport intitulé « Mon fils est juste un enfant comme les autres ».
Une fois rapatriés, les enfants de djihadistes « se réintègrent avec succès dans leur pays d’origine ». C’est la conclusion du rapport de Human Rights Watch (HRW) intitulé « Mon fils est juste un enfant comme les autres » et publié ce lundi 21 novembre. L’ONG basée à New-York, a interrogé des proches, parents d’accueil, assistant·es sociaux·ciales et enseignant·es d’une centaine d’enfants âgé·es de deux à dix-sept ans. Tous·toutes sont revenu·es de zone irako-syrienne entre 2019 et 2022 et vivent désormais dans leur pays d’origine ou celui de leurs parents : Allemagne, France, Kazakhstan, Ouzbékistan, Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède.
Les résultats du rapport parlent d’eux-mêmes : 89 % des personnes interrogées par HRW estiment que l’enfant s’adapte « très bien » ou « assez bien », en dépit des mois passés sous le joug de l’organisation Etat islamique (EI) puis dans « l’horreur » des camps de déplacé·es du nord-est syrien. Seules 4 % de ces personnes indiquent que l’enfant est en difficulté. « Malgré des souffrances inimaginables, beaucoup se réintègrent remarquablement bien », a déclaré Jo Becker, directrice de la défense des droits des enfants à Human Rights Watch dans le rapport.
Par ailleurs, 73 % des personnes interrogées par l’ONG affirment que l’enfant se débrouille « très bien » ou « assez bien » en classe, malgré un piètre accès à l’éducation durant leur captivité dans les camps syriens. Beaucoup se sont réintégrés sans heurts et pratiquent un large éventail d’activités avec leurs camarades, comme le football, le patinage, le cyclisme, la danse, des travaux manuels et la musique, précise le rapport.
Depuis 2019, plus de 1 500 enfants sont revenus de ces camps, pointe HRW. Si certains pays ont fait revenir la plupart de leurs concitoyen·nes comme le Danemark, la Russie ou les États-Unis, d’autres tardent à le faire à l'image de l’Australie, de la France ou des Pays-Bas. « Les gouvernements devraient supprimer tous les obstacles à une réintégration efficace et veiller à ce que leurs politiques de retour ne causent pas de préjudice inutile à leurs enfants ressortissants », exhorte l’organisation, sur la base de son rapport.
Car les prises en charge varient d’un pays à l’autre. Alors qu’en Ouzbékistan, les enfants restent avec leur mère, en Belgique, en France et aux Pays-Bas par exemple, ils sont immédiatement séparés, la mère étant inculpée pour des faits liés à l’EI dès son arrivée sur le sol français. « Dans de nombreux cas, la séparation a lieu sans avertissement, sans possibilité pour la mère d’expliquer à l’enfant ce qui se passe », note HRW. Or, la séparation avec la mère « ajoute un traumatisme », dénonce l’ONG.
60 % des détenu·es des camps sont des enfants
Environ 56 000 personnes sont toujours détenues à al-Hol et Roj, les deux camps du nord-est de la Syrie, contrôlés par les Kurdes où ont enfermés depuis 2016, des épouses et enfants d’hommes soupçonnés d’appartenir à l’EI, indique HRW. De nombreuses ONG et défenseurs des droits humains dénoncent une privation arbitraire des libertés, une violence endémique ainsi que des conditions de vie désastreuses dans ces camps.
Selon l’ONG, plus de 60 % des détenu·es sont d’ailleurs des enfants. Parmi eux·elles, près de 80 % ont moins de douze ans et 30 % ont cinq ans ou moins. « Beaucoup ont passé la majorité, sinon la totalité, de leur vie en détention illégale dans le nord-est de la Syrie, dans ce qui équivaut à une punition collective, un crime de guerre », condamne l’organisation. Au-delà de la malnutrition et des épidémies de maladies, ils·elles sont confronté·es à « des risques croissants de recrutement, de radicalisation et de traite », alerte HRW qui encourage fortement les États dont ils sont ressortissant·es à les rapatrier.
En octobre dernier, 40 enfants et 15 femmes français·es détenu·es ont été rapatrié·es de Syrie. Il s’agit de la deuxième vague de retour après un premier rapatriement collectif début juillet. Le coordinateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme d'alors, Laurent Nunez, avait alors indiqué sur RMC qu'il restait encore une centaine de femmes et près de 250 enfants français·es dans les camps syriens. Le 14 septembre, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a d'ailleurs condamné la France pour « violation du droit d’entrée de ses ressortissants sur son territoire ».
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