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©CDC

Troubles mens­truels après vac­ci­na­tion anti-​Covid : les auto­ri­tés sani­taires et le Parlement divisés

Alors que l'Agence natio­nale de sécu­ri­té du médi­ca­ment (ANSM) repart en cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion pour inci­ter les patientes vac­ci­nées contre le Covid à signa­ler d'éventuels troubles mens­truels, l'Office par­le­men­taire d'évaluation des choix scien­ti­fiques a cri­ti­qué début juin les ater­moie­ments de l'instance à affir­mer que le lien est avé­ré. Au détri­ment de la confiance dans les auto­ri­tés sanitaires.

Mardi 19 juillet, l'Agence natio­nale de sécu­ri­té du médi­ca­ment (ANSM) a mis en ligne un tuto­riel (pré­sen­té aus­si sous forme de guide) pour aider les patientes à décla­rer à la phar­ma­co­vi­gi­lance d'éventuels troubles mens­truels (ménor­ra­gie, méno­mé­tror­ra­gies, amé­nor­rhée, sai­gne­ments alors que la femme est méno­pau­sée, dou­leurs…) qu'elles auraient subis après une vac­ci­na­tion contre le Covid-19. 

Le for­mu­laire de signa­le­ment spé­ci­fique aux effets secon­daires des vac­cins anti-​Covid est dis­po­nible sur le site du minis­tère de la Santé depuis plu­sieurs mois mais le guide d'aide devrait ser­vir à col­lec­ter de nou­veaux signa­le­ments, alors que le for­mu­laire peut rebu­ter par sa com­plexi­té. Ainsi, il est obli­ga­toire de pré­ci­ser le numé­ro de lot du vac­cin, qui se trouve sur l'attestation de vac­ci­na­tion reçue après l'acte.

Pour l'autorité sani­taire, tou­jours pas de lien de causalité

Fin avril, déjà plus de 10 000 signa­le­ments concer­nant des troubles mens­truels avaient été récol­tés, la plu­part (9 381) avec le vac­cin Pfizer, sui­vi de Moderna (1 557), avait annon­cé l'ANSM. Ce sont les patientes qui, dans leur majo­ri­té, ont por­té ces signa­le­ments, alors que les praticien·nes sont elles et eux aus­si invité·es à le faire, à l'aide d'un tuto­riel spé­ci­fique. Un nombre de signa­le­ments à contex­tua­li­ser avec le nombre de 58 mil­lions d'injections réa­li­sées avec Pfizer et 12 mil­lions avec Moderna entre le début de la cam­pagne de vac­ci­na­tion et la com­mu­ni­ca­tion de l'ANSM le 28 avril.

La cam­pagne de com­mu­ni­ca­tion pour inci­ter à de nou­veaux signa­le­ments s'inscrit dans un contexte où l'ANSM fait encore preuve de pru­dence et refuse d'établir un lien de cau­sa­li­té entre ces ano­ma­lies du cycle et la vac­ci­na­tion. Sur la page dédiée à l'état des connais­sances concer­nant les troubles mens­truels poten­tiel­le­ment liés à la vac­ci­na­tion anti-​Covid, l'ANSM rap­pelle : « Les troubles mens­truels décla­rés après la vac­ci­na­tion par un vac­cin à ARN font l’objet d’une sur­veillance atten­tive au niveau natio­nal (ANSM/​CRPV) et euro­péen (EMA) depuis leur détec­tion. » Mais ajoute : « Dans ses pre­mières conclu­sions ren­dues au mois de juin 2022, le PRAC [comi­té de phar­ma­co­vi­gi­lance euro­péen, ndlr] a conclu que les preuves étaient insuf­fi­santes à ce stade pour éta­blir le lien entre les vac­cins ARN et les cas d'absence de mens­trua­tion. Néanmoins, le comi­té pour­sui­vra la sur­veillance de cet effet indé­si­rable. Concernant les sai­gne­ments mens­truels abon­dants, le comi­té a conclu à la néces­si­té de pour­suivre l’évaluation. »

"Étant don­né leur volu­mé­trie et donc le carac­tère peu vrai­sem­blable d'une coïn­ci­dence tem­po­relle avec la vac­ci­na­tion chez toutes les femmes qui ont expé­ri­men­té ces troubles, il est très éton­nant qu'ils ne soient pas déjà consi­dé­rés comme un effet indé­si­rable avé­ré du vac­cin"

Rapport par­le­men­taire sur les effets indé­si­rables des vaccins

Des pré­cau­tions « regret­tables » aux yeux des trois par­le­men­taires (le dépu­té Gérard Leseul (Parti socia­liste) et les séna­trices Florence Lassarade (Les Républicains) et Sonia de La Provôté (groupe Union cen­triste)) qui, le 9 juin, ont publié un rap­port d'étape por­tant sur « les effets indé­si­rables des vac­cins contre la Covid-​19 et le sys­tème de phar­ma­co­vi­gi­lance fran­çais ». Après avoir mené de nom­breuses audi­tions de par­ties pre­nantes (col­lèges scien­ti­fiques, col­lec­tifs de patientes) et aus­cul­té le tra­vail des Centres régio­naux de phar­ma­co­vi­gi­lance (CRPV), char­gés d'analyser les retom­bées de ter­rain, les trois rapporteur·rices écrivent : « Étant don­né leur volu­mé­trie et donc le carac­tère peu vrai­sem­blable d'une coïn­ci­dence tem­po­relle avec la vac­ci­na­tion chez toutes les femmes qui ont expé­ri­men­té ces troubles, il est très éton­nant qu'ils ne soient pas déjà consi­dé­rés comme un effet indé­si­rable avé­ré du vaccin. »

Une com­mu­ni­ca­tion "pas acceptable"

Et de fus­ti­ger une ANSM peu à l'écoute des CRPV : « Les rap­por­teurs regrettent que l’ANSM ne se soit pas pro­non­cée à l’échelle natio­nale sur l’existence d’un lien entre les troubles mens­truels et cer­tains vac­cins contre la Covid-​19, en l’absence de prise de posi­tion du Comité de phar­ma­co­vi­gi­lance euro­péen, alors que les CRPV ont recon­nu la per­ti­nence de ce signal. » Pour ces par­le­men­taires, la non-​reconnaissance du lien de cau­sa­li­té par les auto­ri­tés sani­taires « ali­mente la défiance des citoyens dans le sys­tème tout entier. La recon­nais­sance des per­sonnes souf­frant d'effets indé­si­rables est éga­le­ment essen­tielle, d'autant qu'une par­tie d'entre elles se trouve mar­gi­na­li­sée et par­fois en situa­tion d'errance médi­cale. »

Le rap­port invite éga­le­ment l'ANSM à revoir sa copie en ce qui concerne l'information don­née aux patientes : « La com­mu­ni­ca­tion qui a ten­té de ras­su­rer au motif que les troubles mens­truels sont fré­quents, spon­ta­né­ment réso­lu­tifs et peuvent être dus au stress n'est pas accep­table pour des per­sonnes qui n'avaient jamais expé­ri­men­té de telles situa­tions. En outre, l'absence d'explication des pistes de méca­nismes sous-​jacents a conduit les per­sonnes concer­nées à ima­gi­ner le pire. »

Une enquête amé­ri­caine assure que le lien est établi

Ces cri­tiques inter­viennent au moment même où, ailleurs dans le monde, de plus en plus de scien­ti­fiques s'accordent à dire que les troubles mens­truels peuvent être un effet secon­daire de la vac­ci­na­tion anti-​Covid. Une enquête amé­ri­caine publiée le 15 juillet dans la revue Science Advances affirme ain­si que le lien existe. Réalisée par les cher­cheuses Kathryn Clancy et Katharine Lee – après qu'elles ont toutes deux obser­vé des dérè­gle­ments de leurs cycles à la suite de leur vac­ci­na­tion anti-​Covid – elle a été effec­tuée en ligne sur près de 40 000 per­sonnes entiè­re­ment vac­ci­nées, en âge d'avoir leurs règles, méno­pau­sées ou hommes trans. Selon les résul­tats de cette enquête décla­ra­tive, 42% des per­sonnes qui ont d'habitude des cycles mens­truels régu­liers ont eu des sai­gne­ments plus abon­dants après l'injection. Des sai­gne­ments inter­mens­truels « inha­bi­tuels » après vac­cin ont été décla­rés par 71% de femmes sous contra­cep­tif à longue durée d'action, 66% de femmes méno­pau­sées et 39% d'hommes trans.

À l'inverse, 44% des per­sonnes inter­ro­gées n'ont vu aucun chan­ge­ment dans leur cycle à la suite de leur vac­ci­na­tion. Kathryn Clancy et Katharine Lee l'affirment : « Généralement, les chan­ge­ments du cycle mens­truel ne sont pas inha­bi­tuels ou dan­ge­reux, mais une atten­tion sou­te­nue à ces phé­no­mènes est néces­saire pour ins­tau­rer la confiance dans la médecine. »

L'ANSM s'entretient direc­te­ment avec les patientes

En France, afin de répondre à cet enjeu de confiance en France, l'ANSM affiche désor­mais sa volon­té d'être à l'écoute des patientes sou­vent désem­pa­rées face aux bru­taux chan­ge­ments de leurs règles qu'elles ont vécus. En mai, elle a ain­si réuni des asso­cia­tions de patient·es (France Assos Santé, Endomind, EndoFrance, le col­lec­tif Ouestmoncycle), des CRPV et des col­lèges scien­ti­fiques (gyné­co­lo­gie médi­cale, sages-​femmes, méde­cine géné­rale) dans une viso-​conférence pour faire remon­ter les témoignages.

Cette réunion, indique l'ANSM sur son site, a été l'occasion pour les femmes de décrire « des ano­ma­lies du cycle mens­truel, entrai­nant par­fois une réper­cus­sion sévère sur leur qua­li­té de vie ». L'agence a lis­té les cas recen­sés lors de cette réunion : « des sai­gne­ments anor­ma­le­ment longs pen­dant les règles ou en dehors de règles (ménor­ra­gie ou méno­mé­tror­ra­gies), ou au contraire une absence de règles pen­dant plu­sieurs mois (amé­nor­rhée) ; des dou­leurs pel­viennes impor­tantes, ou abdo­mi­nales ; chez les femmes atteintes d’endométriose : une réac­ti­va­tion de leurs symp­tômes dou­lou­reux alors que la mala­die était bien contrô­lée jusqu’ici ; chez les femmes méno­pau­sées, des sai­gne­ments anor­maux ; dans cer­tains cas, les sai­gne­ments anor­maux en quan­ti­té et en durée ont conduit à des hys­té­rec­to­mies. » Mais pour l'heure, le lien entre le vac­cin et ces troubles n'est tou­jours pas offi­ciel­le­ment établi.


L'ANSM reporte une nou­velle réunion avec des patientes, sur fond de sus­pi­cions antivax

Une seconde réunion en visio-​conférence, à l'initiative de l'association ENDOmind et du col­lec­tif Où est mon cycle était pré­vue le 6 juillet, en pré­sence de Christelle Ratignier-​Carbonneil, direc­trice de l’ANSM. L'idée était de rendre les échanges publics grâce à un live sur les réseaux sociaux d'ENDOmind et Où est mon cycle. Elle a été repor­tée sine die, offi­ciel­le­ment parce que Christelle Ratignier-​Carbonneil était souf­frante mais après avoir sou­le­vé les inter­ro­ga­tions sur les réseaux sociaux. 

La rai­son de ces cri­tiques, explique le jour­nal Libération, est celle des liens qu'entretiendrait Où est mon cycle, un col­lec­tif de patientes inquiètes des dérè­gle­ments mens­truels qu'elles subissent depuis qu'elles ont été vac­ci­nées, avec la sphère anti­vax voire covido-​sceptique. Liens que conteste Où est mon cycle dans une réponse à l'article publiée sur Instagram, arguant être au ser­vice des patientes qui ont du mal à être enten­dues et ras­su­rées. En avril, Causette avait inter­viewé Mélodie Feron, patiente vac­ci­née à l'origine du col­lec­tif, qui assu­rait que sa démarche de lan­ceuse d'alerte avait pour but « que les femmes vic­times de ces effets secon­daires soit médi­ca­le­ment et psy­cho­lo­gi­que­ment prises en charge ».

Lire aus­si l Vaccins anti-​Covid : "Où est mon cycle ?", un col­lec­tif de patientes ras­sem­blées autour de leurs dérè­gle­ments menstruels

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