Sensations de brûlure, microfissures… Pour de nombreuses femmes ménopausées ou soignées par chimiothérapie, les rapports sexuels deviennent une douleur. Afin de les soulager, les traitements d’appoint ne sont pas toujours très efficaces. Pourtant, des solutions innovantes venues des États-Unis et du Canada existent, mais elles restent méconnues, coûteuses et… non remboursées.
La sécheresse vaginale, les femmes n’en entendent jamais parler. Jusqu’à ce qu’elles soient concernées. Ella a mis à terre deux cancers du sein au milieu des années 2010. Vivianne a vaincu une leucémie en 2015. Pour soigner leurs maladies, les deux femmes ont reçu des soins (chimiothérapie et traitement à l’arsenic) qui ont eu des incidences sur leurs hormones, en particulier les œstrogènes. Or, justement, "la sécheresse vaginale est liée à l’absence d’œstrogène", explique Fabienne Marchand-Lamiraud, gynécologue et chirurgienne à la polyclinique de Saint-Herblain, près de Nantes.
Selon les femmes, les symptômes et leur intensité sont très variables : certaines ressentiront une gêne au début d’un rapport sexuel, mais d’autres, comme Ella, seront bien plus incommodées. "Cela peut prendre la forme de craquelures ou de microfissures, avec des sensations qui ressemblent à des coupures très fines faites au rasoir au niveau de la vulve et de l’entrée du vagin". Ella complète : "Évidemment, la pénétration est douloureuse par manque de lubrification". Pour Vivianne, "c’était totalement externe. J’avais de grosses démangeaisons, constamment. Je ne me grattais pas, mais ça me brûlait en permanence".
Si les femmes ayant eu un cancer souffrent souvent de sécheresse vaginale, elles ne sont pas les seules. La ménopause peut aussi jouer, "pour environ 7 femmes sur 10", note Fabienne Marchand-Lamiraud. Dans une moindre mesure, les femmes ayant accouché et celles sous mini- pilules peuvent également être concernées.
"Contre la sécheresse vaginale, les soins sont considérés comme des traitements de confort"
Fabienne Marchand-Lamiraud, gynécologue
Les solutions pour lutter contre cette sécheresse étaient jusqu’à présent peu nombreuses. La plupart du temps, des crèmes ou des ovules hydratants sont proposés. "Le souci, c’est que ça coule. Il faut donc mettre des protège-slips, ce qui peut provoquer des irritations", signale la gynécologue. Les crèmes à l’acide hyaluronique semblent efficaces, mais contraignantes, car il faut procéder à une application quotidienne. "Les femmes sont contraintes de vivre avec ce problème au jour le jour et l’on constate que 80 % d’entre elles cessent tout bonnement de mettre ces crèmes".
Il existe pourtant des méthodes innovantes, que Fabienne Marchand-Lamiraud se bat pour faire connaître. "J’ai eu un déclic quand une jeune patiente, à qui l’on avait retiré un sein après un cancer et qui souffrait de sécheresse vaginale, m’a dit : “Ça ne va pas en haut, ça ne va pas en bas. Je ne pourrai pas être mère et je ne me sens plus femme, alors qu’est-ce que je suis ?” Et là, j’ai eu un choc. Je ne pouvais pas la laisser dans cette détresse". La praticienne se met en quête de vraies solutions.
Lumière sur la vulve
Elle parvient à trouver des traitements novateurs, venus des États-Unis et du Canada. Ce sont tout d’abord des injections d’acide hyaluronique. Le médecin pique dans le vagin, à l’endroit exact de la douleur, après une petite anesthésie locale. Et puis il y a la luminothérapie : des LED vaginales vont venir stimuler les cellules de la peau et les muqueuses, ce qui entraîne une régénération tissulaire rapide. Le praticien va ici utiliser des panneaux rayonnants, à quelques centimètres de la vulve et une sonde vaginale. Enfin, le dernier traitement se pratique à partir de la radiofréquence, qui emploie une énergie venant des ondes électromagnétiques dégageant une chaleur dans les tissus. Cette chaleur vient stimuler les cellules et les oblige à se régénérer. Fabienne Marchand-Lamiraud s’est équipée en 2017, sur fonds propres. Des traitements dont Vivianne a pu bénéficier : "Je me suis sentie soulagée. Je me suis dit “c’est magique”", s’enthousiasme la jeune femme avant de relativiser : "Mais ça a un coût, et toutes les femmes ne peuvent pas se le permettre. Ce qui est odieux, d’ailleurs".
Sur le bureau du ministre de la Santé
Car ces nouveaux traitements ne sont – pour l’instant – pas remboursés par la Sécurité sociale. Or une injection d’acide hyaluronique coûte 300 euros. La radiofréquence peut être facturée jusqu’à 700 euros au début, puis 300 euros la séance d’entretien tous les ans. "Il s’agirait d’un traitement pour guérir un cancer, ce serait remboursé. Mais là, c’est considéré comme du confort", résume la médecin. Cependant, peut-on parler de "confort" pour ces femmes qui souffrent au quotidien ? Peu à peu, ces solutions novatrices se diffusent dans toute la France – à Paris, Rennes, Rouen, Montpellier, Bordeaux… –, posant de manière de plus en plus urgente la question du remboursement.
En 2021, Audrey Dufeu, alors députée (LREM), a déposé un amendement pour une prise en charge par la Sécurité sociale de ces traitements. L’amendement a été adopté par l’Assemblée nationale mais retoqué au Sénat. La sénatrice Catherine Deroche (LR) a pris le relais et a récemment interpellé François Braun, le ministre de la Santé et de la Prévention, pour demander que ces nouveaux traitements soient remboursés dans le cadre des soins de suite pour les femmes ayant un cancer. Le ministre instruit actuellement le dossier. « Je sais que cela ne concerne pas toutes les femmes, déplore la gynécologue Fabienne Marchand-Lamiraud, mais si c’est accepté, je vois ça comme un premier pas vers une prise en charge plus large.
Deux poids, deux mesures
Le non-remboursement des traitements contre la sécheresse vaginale pose d’autant plus question qu’un homme qui souffre de troubles de l’éjaculation après un cancer de la prostate peut se voir proposer des injections, qui seront remboursées par la Sécurité sociale. À croire que quand le problème concerne la sexualité des femmes, les choses sont plus compliquées… Raison de plus pour que le ministre François Braun se penche sur le dossier et statue en faveur de l’égalité femmes-hommes dans la santé.