Réalisée par le Centre de lutte contre le cancer Léon Berard de Lyon, cette étude épidémiologique montre que l'exposition chronique à des polluants environnementaux accroit les risques de développer un cancer du sein.
« Les résultats de [notre] étude donnent des arguments pour limiter les émissions de polluants atmosphériques, notamment les polluants ayant des effets de perturbateurs endocriniens », veut croire Amina Amadou, première autrice de l'étude XENAIR, dans un communiqué. Réalisée par le Centre de lutte contre le cancer Léon Berard, à Lyon, et dévoilée à la presse lundi 3 octobre, XENAIR met en évidence une corrélation entre pollution atmosphérique et cancers du sein. Un travail inédit et important puisque jusqu'à présent, seuls les cancers du poumons sont officiellement liés à la pollution de l'air.
Les travaux des chercheur·euses, financés par la fondation ARC pour la recherche sur le cancer, se sont intéressés à huit molécules reconnues comme des polluants atmosphériques (dont six sont cancérogènes pour l’homme selon la classification du Centre international de recherche sur le cancer (Circ)). A partir de la cohorte nationale E3N qui regroupe des milliers de patient·es, les chercheur·euses ont extrait 5222 cas-témoins de femmes diagnostiquées pour des cancers du sein entre 1990 et 2011. En parallèle, 5222 femmes indemnes de cancer du sein mais similaires aux cas des femmes atteintes, que ce soit par l’âge, le département de résidence ou le statut ménopausique ont été sélectionnées pour être comparées aux premières. Ensuite, les chercheur·euses ont estimé l'exposition chronique, même à faible dose, à ces polluants pour l'ensemble de cette cohorte. Cette estimation, basée selon leur lieu de résidence, a été réalisée grâce à un modèle développé par l'Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques).
Les combustions industrielles sont les plus dangereuses
Les résultats sont édifiants : cinq des huit molécules testées ont pu être mis en cause dans l’augmentation du risque de la maladie. Le NO2 ou dioxyde d’azote, principalement émis par le trafic routier, augmente le risque de cancer du sein d’environ 9 % chez les femmes les plus exposées aux polluants. Les particules (PM10) et les particules fines (PM2.5), issues du chauffage au bois, des carburants routiers et des secteurs des chantiers et de l’industrie manufacturière, avec respectivement +8 % et +13 % de risque. Le benzo[a]pyrène (BaP), formé dans le goudron de houille, les fumées de combustion du bois et de végétaux, la fumée de cigarette, les vapeurs des pots d’échappement ou les viandes grillées (au barbecue notamment), accroît, quant à lui, le risque de cancer du sein d’environ 15 %. Enfin, le polychlorobiphényles (PCB153), qui provient des combustions industrielles, apparaît comme le plus dangereux, en faisant augmenter le risque de développer la maladie de +19 %.
« Actuellement le CIRC, considère que seul le cancer du poumon peut être directement lié à la pollution de l’air (avec également des suspicions pour le cancer de la vessie) », rappelle Amina Amadou. L'intérêt d'un tel travail est donc d'amorcer une prise de conscience, bien que l'intuition sur le lien entre pollution atmosphérique et cancer du sein ne soit pas nouvelle. Déjà en mai 2021, l'Inserm, le CNRS et l'université Grenoble-Alpes épluchaient la littérature scientifique existente pour faire part de sérieuses préoccupations. « Selon les données disponibles, environ 1700 cas de cancers du sein seraient attribuables chaque année en France à l’exposition aux polluants atmosphériques », écrivaient-ils alors.
Des expositions en baisse, mais toujours trop élevées
Avec son étude de grande envergure, le Centre Léon Bérard apporte donc sa pierre à l'édifice et, précise Amina Amadou, il faut poursuivre la recherche : « Notre étude est la première étude épidémiologique sur le sujet. Les résultats demandent donc à être confirmés par d’autres études de grande envergure. »
Seule nouvelle positive, observe l'étude XENAIR : à l'exception de l'ozone, « l’étude observe une baisse continue des expositions des femmes de la cohorte E3N depuis 1990 » à l'ensemble des polluants étudiés. Bonne nouvelle vite nuancée : « Les niveaux d’expositions pour les dioxydes d’azote et les particules restent largement au-dessus des recommandations sanitaires actuelles. »