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©Tim Foster

Canicule : les fortes cha­leurs sont plus dan­ge­reuses pour les femmes

Deux études scien­ti­fiques montrent que les femmes – sur­tout au-​dessus de 65 ans – ont davan­tage de risques de mou­rir pen­dant les périodes de cani­cule que les hommes.

Les fortes cha­leurs, jusque-​là conte­nues sur le sud de la France, s'étendent ce week-​end à presque l'ensemble du ter­ri­toire : Météo France a pla­cé pour ce same­di 28 dépar­te­ments en vigi­lance orange « cani­cule ». S’il est bien iden­ti­fié que les per­sonnes de plus de 65 ans sont les plus sujettes à la mor­ta­li­té lors d’épisodes cani­cu­laires, d’après deux études scien­ti­fiques, les femmes seraient davan­tage vul­né­rables que les hommes face aux tem­pé­ra­tures élevées.

Une inéga­li­té de genre rele­vée pre­miè­re­ment par une étude néer­lan­daise publiée en 2018 et récem­ment mise en avant par l’Agence bri­tan­nique sani­taire dont le pays subit actuel­le­ment un record de cha­leur his­to­rique (plus de 40°C enre­gis­trés). L’étude a pris en compte les chiffres de mor­ta­li­té après une soixan­taine d’épisodes de cha­leur entre 2000 et 2016, notam­ment la cani­cule meur­trière qui a tou­ché la France en 2003 et a fait envi­ron 15 000 mort·es. Les résul­tats démontrent que « les risques sani­taires sont plus grands pour les femmes que pour les hommes », rap­porte le Guardian.

Par exemple, concer­nant la cani­cule de 2003 en France, les conclu­sions sont révé­la­trices de cet écart. « Quand on observe des popu­la­tions dans dif­fé­rentes tranches d’âge, on constate que durant cet épi­sode cani­cu­laire le taux de mor­ta­li­té chez les femmes était en moyenne 15% plus éle­vé que chez les hommes », estiment les chercheur·euses néerlandais·es.

Les femmes âgées plus vulnérables

Une autre étude publiée en 2021, tou­jours menée aux Pays-​Bas, affine ce constat. Les scien­ti­fiques de l’université d’Amsterdam ont consta­té – en exa­mi­nant 23 ans de don­nées de tem­pé­ra­ture et de mor­ta­li­té – que l’écart entre le nombre de décès chez les hommes et les femmes pen­dant les périodes les plus chaudes aug­men­tait avec l’âge, sur­tout après 65 ans. Mais, selon les chercheur·euses néerlandais·es, cette inéga­li­té ne serait pas seule­ment liée au fait que les per­sonnes âgées sont les plus vul­né­rables à la cha­leur et que les femmes vivent géné­ra­le­ment plus long­temps que les hommes.

Pourquoi les femmes risquent-​elles alors davan­tage de mou­rir de chaud que les hommes ? La lit­té­ra­ture scien­ti­fique, consa­crée à cet écart des genres, n’est pas encore suf­fi­sam­ment four­nie pour per­mettre d'en tirer des conclu­sions pré­cises et défi­ni­tives, « mais les don­nées pointent très sérieu­se­ment vers une cor­ré­la­tion entre le sexe et le risque de décès pen­dant les cani­cules », indique Simon Cork, spé­cia­liste de phy­sio­lo­gie à l'université d'Anglia Ruskin de la ville de Cambridge auprès de France 24.

Facteurs phy­sio­lo­giques

Parmi les hypo­thèses mises en avant par les auteur·rices des études, ce gen­der gap (écart des genres) pour­rait d'abord s’expliquer par des fac­teurs phy­sio­lo­giques. « L'explication la plus simple est d'ordre phy­sique et tient au fait que le corps des femmes, géné­ra­le­ment plus petit que celui des hommes, chauffe plus vite », sou­ligne Mike Tipton, cher­cheur à l'université de Portsmouth qui a étu­dié les réac­tions du corps dans des situa­tions extrêmes, au Guardian. Dans cette hypo­thèse, comme le corps se réchauffe plus vite, le cœur se met plus rapi­de­ment en branle pour réagir au choc ther­mique, « ce qui aug­men­te­rait le risque d'accident car­dio­vas­cu­laire », résume le scien­ti­fique dans le quo­ti­dien britannique.

L’inégalité des genres dans la trans­pi­ra­tion du corps serait aus­si en cause. Les femmes, qu’elles soient jeunes ou âgées, trans­pirent ain­si « moi­tié moins » que les hommes du même âge. Alors même que la trans­pi­ra­tion « est pra­ti­que­ment le seul méca­nisme natu­rel de refroi­dis­se­ment du corps, puisqu'il s'agit du pro­ces­sus d'évaporation de l'eau cor­po­relle qui s'est réchauf­fée sous l'effet de l'effort ou de la cha­leur », explique Simon Cork. Pour expli­quer que les femmes âgées sont plus à risque que les femmes jeunes face à la cha­leur extrême, le scien­ti­fique anglais ajoute que la sen­sa­tion de soif s’atténuant avec l’âge, « les per­sonnes âgées peuvent avoir ten­dance à oublier de s’hydrater. »

Facteurs sociaux et environnementaux

Au-​delà des fac­teurs phy­sio­lo­giques, les chercheur·euses mettent en avant des fac­teurs sociaux et envi­ron­ne­men­taux. Notamment l'isolement. « Les femmes peuvent être plus sus­cep­tibles de vivre seules, ce qui est un risque de mor­ta­li­té aiguë en temps de cani­cule », estime l’étude néer­lan­daise publiée en 2018. Les inéga­li­tés dans la répar­ti­tion des tâches ména­gères au sein du couple entrent éga­le­ment en ligne de compte. « En pour­sui­vant ces acti­vi­tés pen­dant les vagues de cha­leur, les femmes sont plus à risque de sur­chauffe que les hommes », affirme l’étude.

La ques­tion de l’inégalité des genres face à la cha­leur se retrouve d’ailleurs jusque dans l’accès aux toi­lettes. « En Asie, par exemple, on s'est aper­çu qu'il y avait davan­tage de femmes qui mou­raient durant les vagues de cha­leur à cause, notam­ment, d'un pro­blème d'accès aux toi­lettes publiques », sou­ligne Ilan Kelman, spé­cia­liste des ques­tions de san­té à l'University College de Londres (UCL) qui tra­vaille sur l'impact sani­taire des catas­trophes natu­relles. Concrètement, plus il fait chaud, plus on s’hydrate et donc plus on a envie d’uriner. « Pour les hommes, l'absence de toi­lettes publiques est moins grave car c'est socia­le­ment mieux accep­té qu'ils se sou­lagent en public, tan­dis que ce n'est pas le cas pour les femmes dont une par­tie va pré­fé­rer ne pas boire pour mini­mi­ser le risque d'avoir à trou­ver des toi­lettes », résume le chercheur.

Si ces deux études per­mettent d’établir des pre­mières conclu­sions, l’urgence est d’approfondir les recherches. « Tant qu'on ne sera pas fixé » sur les rai­sons pour les­quelles les cani­cules sont plus meur­trières pour les femmes, « il sera impos­sible d'apporter des réponses effi­caces », assure les scien­ti­fiques néerlandais·es. Le manque de recherche sur le sujet per­met en tout cas de véri­fier que les inéga­li­tés de san­té liées au genre ont tou­jours la vie dure. Rappelons qu’en matière de soin, les sté­réo­types de genre sont davan­tage dom­ma­geables aux femmes par un retard, voire un défaut de prise en charge médicale.

Lire aus­si I Pourquoi les mala­dies cardio-​vasculaires des femmes sont sous dépistées

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