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© Thavis 3d / Unsplash

C'est quoi la gamé­to­ge­nèse in vitro, ce pro­cé­dé qui pour­rait révo­lu­tion­ner le monde de la reproduction ?

Selon de récentes recherches scientifiques, il sera un jour possible pour les femmes de tous âges et les couples infertiles et/ou queers d’avoir un enfant biologique.

Comme c’est souvent le cas, tout commence avec des souris de laboratoire. Deux petites queues de souris dont les biologistes japonais spécialisés dans la reproduction, Katsuhiko Hayashi et Mitinori Saitou, ont prélevé des cellules de peau, relate le journal américain The New Yorker. Ces chercheurs en ont fait des cellules souches qu’ils ont ensuite transformées en ovules pour les féconder et les insérer dans l’utérus de souris femelles. L’expérience a donné naissance à dix souriceaux, “tout à fait normaux”, selon la revue Nature qui a publié le rapport de cette expérience de 2016.

Qu’est-ce qu’on en a à faire, de dix souriceaux nés en 2016 ? Katsuhiko Hayashi et Mitinori Saitou ont été les premiers à démontrer qu’il était possible de produire chez les mammifères des gamètes – cellules comme le sperme ou l’ovule, essentielles à la reproduction – en dehors du corps et à partir de cellules non reproductives. Un processus connu sous le nom de gamétogenèse in vitro (GIV) et une révolution pour le futur de la reproduction humaine. Parce que comme les crèmes hydratantes et les médocs, si ça marche pour les souris, ça marche aussi pour nous.

"La question n’est pas de savoir si [cette technologie] sera disponible pour la pratique clinique, mais seulement quand”

Dr Hugh Taylor, spécialiste de la santé génésique à la faculté de médecine de Yale

Depuis ce premier succès, le monde scientifique s’efforce de développer une technologie suffisamment sophistiquée pour produire des ovules humains à partir de souches ADN non reproductives. Si les ovules et spermatozoïdes obtenus jusqu’ici ne sont pas encore assez développés pour donner des embryons ou des bébés, le Docteur Hugh Taylor, spécialiste de la santé génésique à la faculté de médecine de Yale, confiait au média américain NPR en mai dernier que les récentes avancées le “confortent dans l’idée que la question n’est pas de savoir si [cette technologie] sera disponible pour la pratique clinique, mais seulement quand”. La fécondation in vitro (FIV) – dont le premier essai concluant a été réalisé en 1978 – paraissait elle aussi inatteignable fut un temps. Aujourd’hui, ce processus représente 2,9 % des naissances en France.

La gamétogenèse in vitro (GIV) offrirait par exemple l’opportunité à des couples gays, lesbiens et/ou trans d’avoir un enfant génétiquement apparenté aux deux partenaires. Une révolution pour les personnes queers qui ont jusqu’ici dû faire le deuil d’un·e enfant chez qui l’on pourrait distinguer les yeux de l’un·e et la bouche de l’autre. Ce processus permettrait également aux couples hétéros qui n’arrivent pas à avoir un enfant d’avoir un bébé avec leur propre ADN et sans passer par un·e donneur·euse. Il serait aussi possible pour les femmes de tout âge d’avoir un enfant sans complications, un pied de nez au tic-tac de l’horloge biologique et à la baisse de fertilité à partir de la quarantaine.

Des bébés pour tous et toutes donc, mais une technologie qui interroge également les limites morales de la science. Notamment celle de la parentalité à tout âge, qui pourrait engendrer des orphelin·es précoces. Certain·es chercheur·euses craignent également que ce processus entache la perception sociétale des parents queers qui élèvent des enfants adoptés ou nés d'un don de sperme ou d'ovule.

La GIV laisse aussi entrevoir des scénarios absurdes, voire dérangeants. Il serait notamment imaginable de donner naissance à des enfants issus des gènes d’une seule personne, de se reproduire avec soi-même en somme. L’ADN nécessaire à la procédure pouvant être obtenu à partir de n’importe quelle cellule du corps humain, il est aussi envisageable de produire des bébés nés de mères biologiques mineures comme très âgées, de personnes non consentantes, ou encore de mettre au monde l’enfant d’un·e partenaire décédé·é. Au summum du délire trône la possibilité de subtiliser la brosse à cheveux de Taylor Swift pour faire de l’une de ses mèches une armée de mini Taylor mélangé·es à vos gènes.

Sans une législation adaptée, la gamétogenèse in vitro fait aussi planer le risque de voir proliférer des cliniques proposant ce traitement dans des pays aux régulations plus floues. Quand la GIV deviendra une réalité, il sera question d’en dégager rapidement les contours éthiques et juridiques. Pour l’heure, elle ouvre cependant le champ des possibles pour de nombreuses personnes qui souhaitent accéder à la parentalité biologique.

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