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© Elinor Carucci

Témoignages : quand le Covid conta­mine le couple

Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sen­ti­men­tal pour com­prendre com­ment les visions diver­gentes de chacun·e n’empêchent pas (tou­jours) le ménage de tour­ner. Jeanne * et Ulysse *, méde­cins, sont en pro­fond désac­cord sur la crise sani­taire. Si la pre­mière par­ti­cipe à la cam­pagne de vac­ci­na­tion actuelle, le second, qui remet en ques­tion les dis­cours offi­ciels, y est farou­che­ment opposé.

Jeanne

45 ans

"Ulysse et moi sommes ensemble depuis quinze ans. On est tous les deux méde­cins et ça a tou­jours été un motif d’accroche entre nous. On par­tage aus­si beau­coup d’idéaux. Mais depuis la pan­dé­mie, nos avis divergent sur qua­si­ment tout : vac­ci­na­tion, trai­te­ments… Dès le début, Ulysse s’est mis à tout mettre en doute. Par prin­cipe, dès qu’une infor­ma­tion sort, il va aller cher­cher les ­ver­sions alter­na­tives et vous dire : “ Moi, je sais, car je n’écoute pas la ver­sion mains­tream.” En fait, il sélec­tionne des médias qui le confortent dans ses opi­nions. Il a beau dire qu’il n’est pas com­plo­tiste, c’est un méca­nisme assez classique. 

Je pen­sais que son bagage scien­ti­fique le pré­mu­ni­rait contre ce genre de dérives. Je lui ai envoyé des thèses uni­ver­si­taires, scien­ti­fiques, qui décor­ti­quaient cette ­rhé­to­rique, mais ça n’a rien chan­gé. Car je suis toute seule, et lui est pris dans un fonc­tion­ne­ment de groupe. Il a inté­gré des groupes “anti” (anti­masques, anti­vac­ci­na­tion) et les réseaux sociaux ont pris une place énorme dans sa vie. Ça m’a fait tel­le­ment peur que, cet hiver, je l’ai mena­cé de par­tir en vacances sans lui s’il ne s’engageait pas à se décon­nec­ter, ce qu’il a fina­le­ment fait.

Tout ça a eu de grosses réper­cus­sions dans notre vie. On a eu des dis­putes très vio­lentes. En tant que méde­cin, je par­ti­cipe à la cam­pagne de vac­ci­na­tion, ce qui m’a valu d’être trai­tée d’“empoi­son­neuse” par Ulysse. Je l’ai très mal vécu. Je peux entendre ses réti­cences et je ne lui demande pas de se ral­lier à mes opi­nions, mais je veux pou­voir avoir les miennes. Et mon com­bat à moi, c’est plu­tôt la levée des bre­vets pharmaceutiques.

Il y a quelques mois, on a fait le choix de ne plus par­ler du Covid et on essaie de se concen­trer sur des pro­jets com­muns. Sans ça, notre couple n’aurait pas sur­vé­cu. C’est la plus grosse crise qu’on ait tra­ver­sée. Ça ­n’affecte pas mes sen­ti­ments pour lui, mais je suis triste de le voir influen­cé par des argu­ments popu­listes. Le pro­blème, ce n’est pas qu’on soit en désac­cord, c’est la place qu’occupe ce sujet dans sa tête. Chaque nou­velle annonce du gou­ver­ne­ment déchaîne sa colère sur moi, et sans ma force de carac­tère et notre amour, j’aurais aban­don­né depuis longtemps."

Ulysse

45 ans

"Jeanne et moi sommes dans deux spé­cia­li­tés médi­cales très dif­fé­rentes, et même si ça nous arrive d’échanger sur notre tra­vail, on essaie de par­ler d’autre chose. Mais la crise liée au Covid a été source de beau­coup de ­dis­cus­sions. Je suis beau­coup plus cri­tique que Jeanne, beau­coup plus pru­dent. Cette crise a com­plè­te­ment remis en ques­tion mon rap­port à l’information : je me méfie effec­ti­ve­ment des médias mains­tream et de tout ce bat­tage média­tique pour inci­ter à la vac­ci­na­tion. Car il me semble qu’il y a d’autres façons d’aborder la crise, par exemple en admi­nis­trant de manière ­pré­coce cer­tains trai­te­ments à base d’hydroxycloroquine ou d’ivermectine. Mais dès qu’on parle de ça, on est taxé de “com­plo­tiste”. Parce que ça ris­que­rait de faire tom­ber toute la cam­pagne de ­vac­ci­na­tion, et ça, ça embê­te­rait beau­coup de gens. 

Avec Jeanne, je crois qu’on ne peut pas avoir des posi­tions plus anta­go­nistes. Elle s’est fait vac­ci­ner, moi, je ne le ferai pas. Je ne suis pas anti­vac­cin, mais je suis contre cette nou­velle thé­ra­pie expé­ri­men­tale. Et je suis révol­té de voir qu’elle par­ti­cipe à cette cam­pagne de vac­ci­na­tion, c’est une ter­rible erreur. Moi, je lis plu­tôt des sites comme Réinfo Covid ou Laissons les méde­cins pres­crire, et je suis ins­crit sur des listes de méde­cins qui sont en faveur des trai­te­ments de façon pré­coce, tout en ris­quant des repré­sailles du Conseil de l’ordre. 

J’ai été un peu déçu de voir ma femme, qui est assez rebelle, assez mili­tante, se lais­ser embar­quer là-​dedans sans se poser de ques­tions. Mais je sais qu’elle l’a été aus­si de me voir “conspi­ra­tion­niste”. Je trouve ce terme déva­lo­ri­sant, mais je m’en fiche un peu, parce qu’en ce moment les “com­plo­tistes” sont ceux qui ont rai­son avant les autres. 

Aujourd’hui, je pense qu’on est cam­pés sur nos posi­tions. On essaie de ne plus en par­ler, sur­tout devant les enfants, mais par­fois ça fuse – et il y a des fois où c’est bien de faire chambre à part. Ce qui m’inquiète, c’est la vac­ci­na­tion des enfants, sur laquelle on s’est encore dis­pu­tés ce matin. La situa­tion géné­rale a eu un effet dévas­ta­teur sur notre couple. On s’aime encore, mais notre rela­tion ne résis­te­ra pas à une obli­ga­tion vac­ci­nale des enfants."

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