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©Marlena Waldthausen - Projet sur Alex&Max

Témoignages : l’amour n’a pas de genre

Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimental pour comprendre comment les projets différents de chacun·e n’empêchent pas (toujours)le ménage de tourner. Alix s’affirme désormais non-binaire. Sous le regard toujours amoureux de sa compagne, Montserrat.

Alix

27 ans

"Il y a deux ans, une prise de conscience m’a révélé mon vrai moi. J’ai toujours été dans un entre-deux ; ni fille ni garçon ; fille et garçon. Aujourd’hui, j’ai la possi- bilité d’exprimer réellement qui je suis. Il n’existe pas vraiment de mot pour le définir. Non-binaire est ce qui s’en rapproche le plus.

C’est la lecture d’un livre qui m’a permis de me trouver une étiquette. C’est drôle, d’ailleurs, parce que ces nou- velles définitions sont liées à un
refus de vouloir tout mettre dans des cases, et, en même temps,
nous avons besoin – j’ai besoin –
d’étiquette. Ce livre, c’est Stone
Butch Blues,
de Leslie Feinberg.
Iel y raconte sa quête d’identité, en dépeignant le quotidien d’une lesbienne butch dans les États-Unis des années 1970. Iel s’y définit comme lesbienne trans.

Ça colle aussi avec ce que je me sens être. Lesbienne, parce que me reconnaître comme telle a été une première porte vers la compréhension de qui je suis. Et parce que j’aime les femmes. Trans, parce que j’opère une transition F to X [pour une personne assignée femme à la naissance qui se définit comme n’étant ni homme ni femme, ndlr]. C’est Montserrat, ma compagne, qui m’a conseillé de le lire. Elle aussi qui m’a orienté·e vers la prise de testostérone. Pour coller à ce que je voudrais : jouer entre le masculin et le féminin. Quant aux opérations, c’est une question qui ne regarde que les personnes concernées.

Depuis mes prises de testo, j’ai une voix beaucoup plus grave et plus de force physique. Comme mon changement n’est pas encore radical, je n’ai pas trop à m’occuper de la curiosité des autres. Montserrat a construit un petit îlot de sécurité autour de moi. Elle a fait la messagère pour m’éviter des questions intrusives.

J’avais peur, bien sûr, de sa réaction, avant de lui dire. Je la sais très ouverte à la fluidité de genre. Mais c’est une décision qui implique un certain changement d’apparence. Et puis si elle avait été comme ces parents qui disent ne pas être homophobes, mais qui s’effondrent au coming out de leur enfant ? Ça ne s’est heureusement pas passé comme ça.

Ce n’est pas une transition qui va changer mon attirance pour ma partenaire. Je l’aime pour ce qu’elle est et elle accepte pleinement qui je suis. Elle m’a toujours dit qu’elle était amoureuse d’une personne, pas d’un sexe. Maintenant, je sais que c’est vrai."

Montserrat

29 ans

"L’ouvrage de Leslie Feinberg, Stone Butch Blues, m’a beaucoup marquée. Parce que c’est la voix et la mémoire d’une partie importante de notre histoire, à nous, LGBTQI. Je l’ai recommandé comme une évidence à Alix. Quand iel a commencé à partager avec moi ses pensées, ses envies d’exprimer son identité, j’ai été à fond. Pour moi, sa démarche est naturelle. Je n’ai aucun problème avec ça, je m’adapte à tout.

En revanche, j’avais quelques
peurs pour iel. Principalement
qu’iel rencontre dans son
parcours des soignant·es
transphobes, qui lui auraient
fait du mal. Alix voulait prendre
de la testostérone sous contrôle,
avec psychologue et endocrinologue. J’ai agité mon réseau dans la communauté afin de savoir quelles étaient les personnes safe pour l’accompagner dans ce parcours. Et il y a les bonnes surprises de la vie : la pharmacienne à côté de chez nous est par exemple super gentille.

La décision d’Alix, cette nouvelle étape de sa vie, ne change rien de mon côté. Évidemment qu’iel m’attire toujours autant. Et je me définis toujours comme lesbienne. Ou plus précisément comme une grosse gouine. Il y a une essence politique dans la façon dont je définis mon identité : ce n’est pas le sexe ou le genre de mon ou ma partenaire qui fait ce que je suis. J’étais lesbienne avant d’être amoureuse d’une femme.

Dans la rue, les gens ne savent pas vraiment com- ment nous situer et ça nous fait marrer. Parfois, on nous prend pour un couple de garçons. Parfois de filles. Parfois pour des hétéros.

Ce qui me plaît, je l’avoue, c’est quand quelqu’un nous genre d’une certaine façon, puis se reprend et s’emmêle les pinceaux en se justifiant. Je me dis que, pour une fois, ce sont les autres, leshétéros, qui sont dans l’embarras. Et c’est assez jouissif.

Et de mon côté, je ne genre pas toujours Alix de la même façon. J’utilise vraiment les trois genres : féminin, masculin et neutre... Il faut dire que nous parlons beaucoup en espagnol entre nous – iel a appris ma langue maternelle – et que c’est un peu plus simple qu’en français. Au lieu de choisir entre le “o” ou le “a” final, nous utilisons le “e”.
C’est devenu pour nous tout à fait naturel."

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