![Témoignages : converti par amour 1 1 MATHIAS BENGUIGUI DSC8427 A](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/1_MATHIAS_BENGUIGUI__DSC8427_A.jpg)
Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sentimental pour comprendre comment les visions divergentes de chacun·e n’empêchent pas (toujours) le ménage de tourner.
Mathias* s’est toujours questionné sur ses origines. Pour lui, sa rencontre avec Rachel* ne doit rien au hasard : elle a été un catalyseur qui l’a conduit à devenir juif quatre ans plus tard.
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Rachel
34 ans
« J’ai rencontré Mathias il y a sept ans. Un vrai coup de foudre. C’est lui qui m’a abordée et dans la conversation, j’ai réussi à lui demander s’il était juif. La plupart de mes amoureux ne l’avaient jamais été, mais quand je suis rentrée chez moi, ce soir-là, j’ai vécu un moment de panique. J’étais cuite, car je savais que c’était le bon ! J’ai beau avoir une pratique modérée du judaïsme, je vis ma religion comme une responsabilité et un devoir. Il n’était pas question pour moi de briser un maillon de la chaîne. Quand j’ai annoncé la nouvelle à mon père, il a très mal réagi. Je me souviens ne pas m’être démontée et lui avoir dit : “Si je dois choisir entre toi et lui, ce sera lui !”
Je n’ai jamais caché l’importance que le judaïsme avait pour moi à Mathias et il savait que je n’envisageais pas de fonder une famille sans unité religieuse. Sept mois après notre rencontre, il m’a demandé en mariage. J’ai dit oui sans savoir s’il se convertirait. Au fond, j’ai toujours eu confiance en nous et en notre amour. Ce n’est que cinq mois plus tard qu’il m’a annoncé qu’il avait pris sa décision. À deux conditions : que je ne porte jamais son choix comme une dette envers lui et que je le laisse aller à son rythme. Il a alors rencontré le rabbin qui allait l’accompagner durant toute sa conversion. Dans notre religion, nous ne sommes pas censés nous convertir par amour. Par chance, cet homme a compris que, conversion ou pas, notre amour tiendrait et il a accepté de guider Mathias.
Durant toute cette période, j’ai vécu des phases de grande tristesse et de peur. Car même si Mathias avait une fascination pour l’histoire de notre peuple et était en quête de spiritualité, j’éprouvais une grande culpabilité à lui imposer ce choix. J’avais du mal à l’assumer. Un soir, il est rentré à la maison : il s’était fait circoncire, le matin même, à l’hôpital. Ça a été la plus belle preuve d’amour qu’il ait pu m’offrir. Je n’aurais pas été capable de le faire pour lui, et il le sait. »
Mathias
46 ans
« Je ne me suis pas seulement converti par amour. Ma rencontre avec Rachel a réveillé une quête intérieure enfouie : je me suis toujours questionné sur mon identité. C’était un sujet récurrent avec ma mère, pied-noir algérienne, qui a toujours pensé qu’elle avait des aïeux juifs. Mon père était catholique. Plus jeune, je suis allé deux fois en Algérie et je me suis rendu dans une synagogue pour rencontrer un rabbin.
J’ai toujours eu beaucoup d’intérêt pour la culture et la religion juives. Rachel n’est pas entrée dans ma vie par hasard… Le jour où je l’ai demandée en mariage, je ne savais pas encore où cela allait me mener. De son côté, elle n’a jamais présenté ma conversion comme une condition à notre union. Et je reste persuadé que si j’avais décidé de ne pas me convertir, elle aurait pu l’accepter.
Ma conversion a été un long chemin. Annoncer à mes parents que je changeais d’orientation n’a pas été évident. Il a aussi fallu convaincre le rabbin qui allait m’accompagner. Pendant trois ans, nous nous sommes vus régulièrement. J’ai aussi suivi des cours et lu de nombreux ouvrages pour comprendre et m’informer sur le judaïsme. Cette quête de savoir m’a beaucoup nourri, car cette religion invite à un questionnement permanent qui ne peut que nous élever. J’avais malgré tout la pression. Un grand rabbin devait valider ma conversion. Ce n’est qu’après trois “examens de passage” qu’il a estimé que j’étais prêt. Il me restait une étape à franchir, et pas la plus simple : la circoncision. Au-delà de la douleur que cet acte engendrerait, il scellerait physiquement mon choix de façon irréversible. Ça a été un vrai cap et j’ai choisi de vivre cette épreuve seul. Aujourd’hui, je suis juif. Je mange casher, nous faisons sabbat tous les vendredis soir et célébrons les grandes fêtes juives, mais je tiens à élever mes enfants dans l’ouverture et la mixité. Il n’est pas question de se mettre à respecter à la lettre toutes les fêtes du calendrier hébraïque. »
* Les prénoms ont été modifiés.
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