Témoignages : conver­ti par amour

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© Mathias Benguigui – Hans Lucas







Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sen­ti­men­tal pour com­prendre com­ment les visions diver­gentes de chacun·e n’empêchent pas (tou­jours) le ménage de tour­ner. 
Mathias* s’est tou­jours ques­tion­né sur ses ori­gines. Pour lui, sa ren­contre avec Rachel* ne doit rien au hasard : elle a été un cata­ly­seur qui l’a conduit à deve­nir juif quatre ans plus tard. 





-

Rachel

34 ans

« J’ai ren­con­tré Mathias il y a sept ans. Un vrai coup de foudre. C’est lui qui m’a abor­dée et dans la conver­sa­tion, j’ai réus­si à lui deman­der s’il était juif. La plu­part de mes amou­reux ne l’avaient jamais été, mais quand je suis ren­trée chez moi, ce soir-​là, j’ai vécu un moment de panique. J’étais cuite, car je savais que c’était le bon ! J’ai beau avoir une pra­tique modé­rée du judaïsme, je vis ma reli­gion comme une res­pon­sa­bi­li­té et un devoir. Il n’était pas ques­tion pour moi de bri­ser un maillon de la chaîne. Quand j’ai annon­cé la nou­velle à mon père, il a très mal réagi. Je me sou­viens ne pas m’être démon­tée et lui avoir dit : “Si je dois choi­sir entre toi et lui, ce sera lui !” 
Je n’ai jamais caché l’importance que le judaïsme avait pour moi à Mathias et il savait que je n’envisageais pas de fon­der une famille sans uni­té reli­gieuse. Sept mois après notre ren­contre, il m’a deman­dé en mariage. J’ai dit oui sans savoir s’il se conver­ti­rait. Au fond, j’ai tou­jours eu confiance en nous et en notre amour. Ce n’est que cinq mois plus tard qu’il m’a annon­cé qu’il avait pris sa déci­sion. À deux condi­tions : que je ne porte jamais son choix comme une dette envers lui et que je le laisse aller à son rythme. Il a alors ren­con­tré le rab­bin qui allait l’accompagner durant toute sa conver­sion. Dans notre reli­gion, nous ne sommes pas cen­sés nous conver­tir par amour. Par chance, cet homme a com­pris que, conver­sion ou pas, notre amour tien­drait et il a accep­té de gui­der Mathias. 
Durant toute cette période, j’ai vécu des phases de grande tris­tesse et de peur. Car même si Mathias avait une fas­ci­na­tion pour l’histoire de notre peuple et était en quête de spi­ri­tua­li­té, j’éprouvais une grande culpa­bi­li­té à lui impo­ser ce choix. J’avais du mal à l’assumer. Un soir, il est ren­tré à la mai­son : il s’était fait cir­con­cire, le matin même, à l’hôpital. Ça a été la plus belle preuve d’amour qu’il ait pu m’offrir. Je n’aurais pas été capable de le faire pour lui, et il le sait. »

Mathias

46 ans

« Je ne me suis pas seule­ment conver­ti par amour. Ma ren­contre avec Rachel a réveillé une quête inté­rieure enfouie : je me suis tou­jours ques­tion­né sur mon iden­ti­té. C’était un sujet récur­rent avec ma mère, pied-​noir algé­rienne, qui a tou­jours pen­sé qu’elle avait des aïeux juifs. Mon père était catho­lique. Plus jeune, je suis allé deux fois en Algérie et je me suis ren­du dans une syna­gogue pour ren­con­trer un rab­bin. 
J’ai tou­jours eu beau­coup d’intérêt pour la culture et la reli­gion juives. Rachel n’est pas entrée dans ma vie par hasard… Le jour où je l’ai deman­dée en mariage, je ne savais pas encore où cela allait me mener. De son côté, elle n’a jamais pré­sen­té ma conver­sion comme une condi­tion à notre union. Et je reste per­sua­dé que si j’avais déci­dé de ne pas me conver­tir, elle aurait pu l’accepter. 
Ma conver­sion a été un long che­min. Annoncer à mes parents que je chan­geais d’orientation n’a pas été évident. Il a aus­si fal­lu convaincre le rab­bin qui allait m’accompagner. Pendant trois ans, nous nous sommes vus régu­liè­re­ment. J’ai aus­si sui­vi des cours et lu de nom­breux ouvrages pour com­prendre et m’informer sur le judaïsme. Cette quête de savoir m’a beau­coup nour­ri, car cette reli­gion invite à un ques­tion­ne­ment per­ma­nent qui ne peut que nous éle­ver. J’avais mal­gré tout la pres­sion. Un grand rab­bin devait vali­der ma conver­sion. Ce n’est qu’après trois “exa­mens de pas­sage” qu’il a esti­mé que j’étais prêt. Il me res­tait une étape à fran­chir, et pas la plus simple : la cir­con­ci­sion. Au-​delà de la dou­leur que cet acte engen­dre­rait, il scel­le­rait phy­si­que­ment mon choix de façon irré­ver­sible. Ça a été un vrai cap et j’ai choi­si de vivre cette épreuve seul. Aujourd’hui, je suis juif. Je mange casher, nous fai­sons sab­bat tous les ven­dre­dis soir et célé­brons les grandes fêtes juives, mais je tiens à éle­ver mes enfants dans l’ouverture et la mixi­té. Il n’est pas ques­tion de se mettre à res­pec­ter à la lettre toutes les fêtes du calen­drier hébraïque. » 

* Les pré­noms ont été modifiés.

Si vous aus­si, vous sou­hai­tez nous racon­ter votre his­toire de couple, écri­vez à [email protected]

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