Heloise et Abelard
Morgane Leroy et Pierre-Marie Baudoin jouent les rôles d'Héloïse et Abélard. Edith Vallée et Moira Sauvage sont les deux femmes du 21e siècle. ©DK

Matrimoine : une pièce de théâtre sur la véri­table his­toire der­rière le mythe d'Héloïse et Abélard

À l'occasion des jour­nées du matri­moine, à Paris, Edith Vallée rend hom­mage à Héloïse, abbesse du 12e siècle, à tra­vers sa pièce de théâtre Héloïse et Abélard, autop­sie d’un mythe. Aujourd’hui, le pré­nom de l'intellectuelle est asso­cié au nom de l'érudit Abélard. Considérée dans notre culture popu­laire comme l'équivalent moyen­âgeux de Roméo et Juliette, l'histoire n’est peut-​être pas si belle. 

Dans le jar­din du musée de Cluny, rue Sommerard dans le 5e arron­dis­se­ment de Paris, la petite équipe de Héloïse et Abélard, autop­sie d’un mythe démarre sa répé­ti­tion géné­rale ven­dre­di 10 sep­tembre. Au milieu des déam­bu­la­tions des enfants qui rentrent de l’école et des pas­sants, la répé­ti­tion commence. 

Au 21e siècle, une concierge débat avec une femme, qui inau­gure une sta­tue d’Héloïse et Abélard, en hom­mage à leur amour. Pour la concierge, tout n’est pas rose dans l’histoire de ce couple et elle veut en avoir le cœur net. Alors, elle décide de réveiller ses deux figures his­to­riques. Nous voi­là donc plongé·es dans un dia­logue entre les deux amants, tel qu'il aurait pu se tenir neuf siècles aupa­ra­vant. Pour les jour­nées du Matrimoine, Héloïse va enfin pou­voir s’exprimer sur leur rela­tion, que nous aimons aujourd'hui à dépeindre comme un amour sen­suel mais interdit. 

L’histoire d’une rela­tion toxique et abusive

Rappelons d'abord l'histoire offi­cielle, celle que l'on apprend par­fois à l'occasion d'un cours de lit­té­ra­ture. Abélard, 36 ans, est maître en théo­lo­gie à la Cathédrale de Notre Dame de Paris. C’est là qu’il ren­contre Héloïse, une jeune fille de 17 ans, vive d’esprit, qui a rejoint son oncle, cha­noine, à la capi­tale pour y étu­dier. Très vite, le pro­fes­seur et son élève par­ti­cu­liè­re­ment jeune tombent amou­reux et Héloïse finit par tom­ber enceinte. Face aux consé­quences de cette rela­tion inter­dite, le couple décide alors de s’enfuir en Bretagne où ils seront retrou­vés par les sbires de l’oncle d’Héloïse. Abélard se retrouve émas­cu­lé et Héloïse prend le voile à l’abbaye d’Argenteuil. Les deux amants mau­dits ne se ver­ront jamais plus mais leur amour per­du­re­ra à tra­vers les lettres d’amours qu'ils s'échangent. Ils reposent aujourd'hui, ensemble, au cime­tière Père Lachaise. C’est de cette manière qu’est dépeinte leur his­toire depuis des siècles. Pour la met­teuse en scène et psy­cho­logue Edith Vallée, il était temps de réin­ter­pré­ter l’histoire de ce couple, à l'aune des élé­ments his­to­riques dont nous disposons. 

Dès le départ, on com­prend qu'Abélard et Héloïse n’ont pas le même regard sur leur his­toire. Dans la pièce, on découvre un homme imbu de lui-​même et qui ne s’intéresse qu’à sa pos­té­ri­té. Une réus­site d'ailleurs, puisque l’histoire a rete­nu de lui l’image d’un homme de lettre, un intel­lec­tuel qui s’est lais­sé séduire par une femme fatale. Mais après avoir étu­dié la cor­res­pon­dance du couple arri­vée jusqu'à nous, Edith Vallée s'est ren­du compte que les choses n'étaient pas si douces. Au départ, la jeune fille, aveu­glée par son amour ne se rend pas compte qu’elle est en fait sous l’emprise de son amant. Mais au fil de la pièce, au fil des lettres, elle ouvre les yeux sur cette rela­tion toxique. Manipulée par un homme qui avait le double de son âge, Héloïse a aus­si subi des vio­lences ver­bales et phy­siques de sa part. 

Rétablir l'Histoire

A tra­vers cette pièce, Edith Vallée a sou­hai­té don­ner une ver­sion démys­ti­fiée à cette his­toire écrite au mas­cu­lin et remettre la parole d’Héloïse au centre. « Je ne réécris pas l’histoire, tout ce que je dis dans cette pièce est vrai. Il suf­fit de lire les lettres. » Plus que « l'amoureuse d'Abélard », Héloïse est une véri­table intel­lec­tuelle, une grande femmes de lettres que l'Histoire a oubliée. Elle serait ain­si, selon les recherches d'Edith Vallée, rien moins que la pre­mière femme à avoir écrit sur le désir fémi­nin ! Au 17e siècle, ses écrits sont mis à l'index, c'est-à-dire pla­cés dans un cata­logue que l'Eglise catho­lique n'autorise pas à lire. C'est aus­si à ce moment là que le sou­ve­nir de l'érudite est rem­pla­cé par l'institution catho­lique par la fausse figure de la séduc­trice. Il ne reste aujourd'hui que très peu d'écrits d'Héloïse si ce n'est son courrier. 

La pièce s’inscrit dans le mes­sage que ces jour­nées du Matrimoine veulent véhi­cu­ler : mettre en avant ces femmes du pas­sé qui ont construit notre héri­tage cultu­rel. Pour Edith Vallée, il était même impor­tant d’aller très loin dans l’histoire. « Le regard qu'on porte sur les femmes dans la socié­té ne chan­ge­ra que par une réflexion sur ce qu’ont appor­té toutes les femmes qui ont pré­cé­dé notre époque, explique-​t-​elle. Et elles n’ont pas com­men­cé au 19e siècle. » Et pour la met­teuse en scène, Héloïse est bien plus qu'une simple écri­vaine du Moyen-​Age. Pour elle, c'est même la pré­cur­seuse de nos luttes actuelles : « Dans ses lettres, on com­prend peu à peu qu'elle sort de l'emprise d'Abélard et le ques­tionne sur les vio­lences qu'il lui a fait subir, raconte-​t-​elle. En cela, l'histoire d'Héloïse résonne par­fai­te­ment avec #Metoo. »

Héloïse et Abélard, autop­sie d'un mythe à retrou­ver same­di 18 et dimanche 19 sep­tembre à 15h Rue Sommerard, Paris 05

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