La sélec­tion d'avril 2019

99 Qui a tue mon père Stanilas Nordey ©JL Fernandez
© J.L. Fernandez

Qui a tué mon père, mise en scène de Stanislas Nordey

Qui a tué mon père. C’est la ques­tion que posait Édouard Louis dans son troi­sième livre paru en 2018. Après avoir racon­té la vio­lence de sa famille à l’égard de son homo­sexua­li­té avec En finir avec Eddy Bellegueule, il ques­tion­nait, dans ce pam­phlet auto­bio­gra­phique, la vio­lence sociale et poli­tique qui a réduit le corps de son père, ouvrier dans le Nord, en miettes. À 50 ans, ce der­nier, vic­time d’un acci­dent du tra­vail, ne peut plus faire dix mètres sans être essouf­flé. C’est ce texte en forme de « J’accuse » que pro­fère sur scène le grand comé­dien Stanislas Nordey. Sur le pla­teau, presque vide, des man­ne­quins de cire repré­sentent l’homme bri­sé. En fond, de grandes pho­to­gra­phies en noir et blanc d’un vil­lage du Nord. Celui qui avait d’abord fus­ti­gé son père, cou­pé tout lien avec lui, avant de renouer, remonte peu à peu le fil de ses sou­ve­nirs pour ten­ter de com­prendre ce qui, poli­ti­que­ment, a façon­né son père. Si le viri­lisme n’avait pas fait son œuvre – celui-​là même qui insi­nue que l’école c’est pour les filles et que quand on est un homme on va, le plus tôt pos­sible, tra­vailler –, son père serait-​il deve­nu celui qu’il est ? Le talent d’interprétation de Nordey et son goût de la langue nous font entendre chaque vir­gule de ce texte, qui résonne tout par­ti­cu­liè­re­ment en ces temps où la vio­lence sociale est à son comble.

Qui a tué mon père, mise en scène de Stanislas Nordey, en tournée.

Le Fils, mise en scène de David Gauchard

Pour Catherine, phar­ma­cienne bre­tonne, tout com­mence avec un ras­sem­ble­ment devant le théâtre de Rennes où se joue la pièce sup­po­sé­ment blas­phé­ma­toire de Romeo Castellucci. Agenouillée par terre, les bras en croix, elle vibre. Elle ren­contre d’autres femmes comme elle. Motivées. Des catho­liques, fer­ventes, qui comptent bien faire entendre leur voix. Catherine rejoint le mou­ve­ment. Très vite, elle arrête de vendre la pilule du len­de­main dans son offi­cine. Et quand vient la Manif pour tous, elle bat ardem­ment le pavé. Un papa, une maman. Jusqu’au jour où elle aper­çoit Cyril, son fils ché­ri, en train d’embrasser Thomas. Son monde s’écroule. La honte la gagne. Comment conci­lier ses convic­tions et son amour mater­nel ? Elle est écar­te­lée. Ce texte, écrit sur la base d’un tra­vail docu­men­taire par Marine Bachelot Nguyen à la demande du met­teur en scène David Gauchard, est inter­pré­té avec une intense émo­tion par la comé­dienne Emmanuelle Hiron. Un jeu dense et res­ser­ré qui per­met
d’aller voir, pour une fois, de l’autre côté de la rive. 

Le Fils, mise en scène de David Gauchard. Théâtre du Rond-​Point, à Paris, jusqu’au 14 avril, puis en tournée. 

Qui va gar­der les enfants ? de et par Nicolas Bonneau

« Mais qui va gar­der les enfants ? » C’est la phrase lan­cée par Laurent Fabius lorsque Ségolène Royal s’est pré­sen­tée comme can­di­date aux pri­maires socia­listes en 2006. Difficile à croire aujourd’hui. Quoique… Les choses ont-​elles chan­gé tant que cela ? Qu’est-ce qu’être une femme en poli­tique ? C’est ce qu’a vou­lu com­prendre le comé­dien et auteur de cette pièce, Nicolas Bonneau – un homme, donc. En classe de cin­quième, il a lui-​même ten­té d’écraser, avec des méthodes cra­pu­leuses, sa rivale aux élec­tions de délé­gué, furieux à l’idée qu’une fille puisse gagner à sa place. Expérimentant par là son propre sexisme. Des années plus tard, le voi­là sur scène à dis­sé­quer cette pro­blé­ma­tique. Pour la peine, il a sui­vi pen­dant plus de deux ans des femmes poli­tiques sur le ter­rain : Virginie Lecourt, maire de Saint-​Junien-​des-​Combes (Limousin), Delphine Batho, dépu­tée des Deux-​Sèvres, et Sylvie Robert, séna­trice d’Ille-et-Vilaine. Tout en réa­li­sant des entre­tiens avec Clémentine Autain, Isabelle Attard, Roselyne Bachelot, Nathalie Kosciusko-​Morizet ou encore l’inénarrable Yvette Roudy. Elles racontent les obs­tacles qu’elles ont ren­con­trés sur leur route. Nicolas Bonneau leur donne corps et voix, non sans humour, inter­ro­geant éga­le­ment ses propres réflexes de domi­na­tion mas­cu­line, qu’il tente, mal­gré tout, de décons­truire. Savoureux. 

Qui va gar­der les enfants ? de et par Nicolas Bonneau. Dates de tour­née sur Lavoligenicolasbonneau.fr

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