![La sélection d'avril 2019 1 99 Qui a tue mon père Stanilas Nordey ©JL Fernandez](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/06/99-Qui-a-tue-mon-père-Stanilas-Nordey-©JL-Fernandez-683x1024.jpg)
Qui a tué mon père, mise en scène de Stanislas Nordey
Qui a tué mon père. C’est la question que posait Édouard Louis dans son troisième livre paru en 2018. Après avoir raconté la violence de sa famille à l’égard de son homosexualité avec En finir avec Eddy Bellegueule, il questionnait, dans ce pamphlet autobiographique, la violence sociale et politique qui a réduit le corps de son père, ouvrier dans le Nord, en miettes. À 50 ans, ce dernier, victime d’un accident du travail, ne peut plus faire dix mètres sans être essoufflé. C’est ce texte en forme de « J’accuse » que profère sur scène le grand comédien Stanislas Nordey. Sur le plateau, presque vide, des mannequins de cire représentent l’homme brisé. En fond, de grandes photographies en noir et blanc d’un village du Nord. Celui qui avait d’abord fustigé son père, coupé tout lien avec lui, avant de renouer, remonte peu à peu le fil de ses souvenirs pour tenter de comprendre ce qui, politiquement, a façonné son père. Si le virilisme n’avait pas fait son œuvre – celui-là même qui insinue que l’école c’est pour les filles et que quand on est un homme on va, le plus tôt possible, travailler –, son père serait-il devenu celui qu’il est ? Le talent d’interprétation de Nordey et son goût de la langue nous font entendre chaque virgule de ce texte, qui résonne tout particulièrement en ces temps où la violence sociale est à son comble.
Qui a tué mon père, mise en scène de Stanislas Nordey, en tournée.
Le Fils, mise en scène de David Gauchard
Pour Catherine, pharmacienne bretonne, tout commence avec un rassemblement devant le théâtre de Rennes où se joue la pièce supposément blasphématoire de Romeo Castellucci. Agenouillée par terre, les bras en croix, elle vibre. Elle rencontre d’autres femmes comme elle. Motivées. Des catholiques, ferventes, qui comptent bien faire entendre leur voix. Catherine rejoint le mouvement. Très vite, elle arrête de vendre la pilule du lendemain dans son officine. Et quand vient la Manif pour tous, elle bat ardemment le pavé. Un papa, une maman. Jusqu’au jour où elle aperçoit Cyril, son fils chéri, en train d’embrasser Thomas. Son monde s’écroule. La honte la gagne. Comment concilier ses convictions et son amour maternel ? Elle est écartelée. Ce texte, écrit sur la base d’un travail documentaire par Marine Bachelot Nguyen à la demande du metteur en scène David Gauchard, est interprété avec une intense émotion par la comédienne Emmanuelle Hiron. Un jeu dense et resserré qui permet
d’aller voir, pour une fois, de l’autre côté de la rive.
Le Fils, mise en scène de David Gauchard. Théâtre du Rond-Point, à Paris, jusqu’au 14 avril, puis en tournée.
Qui va garder les enfants ? de et par Nicolas Bonneau
« Mais qui va garder les enfants ? » C’est la phrase lancée par Laurent Fabius lorsque Ségolène Royal s’est présentée comme candidate aux primaires socialistes en 2006. Difficile à croire aujourd’hui. Quoique… Les choses ont-elles changé tant que cela ? Qu’est-ce qu’être une femme en politique ? C’est ce qu’a voulu comprendre le comédien et auteur de cette pièce, Nicolas Bonneau – un homme, donc. En classe de cinquième, il a lui-même tenté d’écraser, avec des méthodes crapuleuses, sa rivale aux élections de délégué, furieux à l’idée qu’une fille puisse gagner à sa place. Expérimentant par là son propre sexisme. Des années plus tard, le voilà sur scène à disséquer cette problématique. Pour la peine, il a suivi pendant plus de deux ans des femmes politiques sur le terrain : Virginie Lecourt, maire de Saint-Junien-des-Combes (Limousin), Delphine Batho, députée des Deux-Sèvres, et Sylvie Robert, sénatrice d’Ille-et-Vilaine. Tout en réalisant des entretiens avec Clémentine Autain, Isabelle Attard, Roselyne Bachelot, Nathalie Kosciusko-Morizet ou encore l’inénarrable Yvette Roudy. Elles racontent les obstacles qu’elles ont rencontrés sur leur route. Nicolas Bonneau leur donne corps et voix, non sans humour, interrogeant également ses propres réflexes de domination masculine, qu’il tente, malgré tout, de déconstruire. Savoureux.
Qui va garder les enfants ? de et par Nicolas Bonneau. Dates de tournée sur Lavoligenicolasbonneau.fr