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©Teresa Suarez pour Causette

Cabarets : sous les paillettes, la rage

Après deux ans de pan­dé­mie, le monde de la nuit a retrou­vé ses créa­tures. Les caba­rets connaissent un suc­cès gran­dis­sant et des spec­tacles enga­gés et joyeux se déve­loppent un peu par­tout. Tour d’horizon (non exhaustif)…

Un jeu­di soir du mois de mai, rue des Martyrs, dans le 18e arron­dis­se­ment de Paris. Derrière la lourde porte de chez Madame Arthur, le public se presse sous la lumière bleue de la boule à facettes. Ce soir, « Madame Arthur trans­cende le 7e art » : sur scène, La Briochée, Maud’Amour et Bili l’arme à l’œil, accom­pa­gnées de Williame au pia­no, se lancent dans une réin­ter­pré­ta­tion les­bienne des clas­siques du ciné­ma. « Au bon­heur les­bien, le patriar­cat va s’écrouler, donnons-​nous la main pour nous mener vers la soro­ri­té », entonnent- elles sur l’air des Choristes, en robes paille­tées et maquillage pro­non­cé. Le public ova­tionne, quelques couples un peu décon­te­nan­cés par les paroles pouffent nerveusement.

« Quand je venais en tant que spec­ta­trice, il y a quatre ans, on était dix dans la salle ! » se rap­pelle Bili, maquillage blanc et grande robe vapo­reuse. Mais, bien loin des spec­tacles mil­li­mé­trés du Moulin Rouge ou du Crazy Horse, Madame Arthur, caba­ret his­to­rique, ouvert depuis 1946, attire depuis la réou­ver­ture des salles un public de plus en plus nom­breux, avec un spec­tacle drôle et enga­gé, qui change chaque semaine. Après deux ans de pan­dé­mie, Maud’Amour, vêtue ce soir de sa tenue de Marilyn Monroe, le res­sent : « Les gens sont au taquet en venant ici, ils peuvent lâcher. C’est sou­vent les retours qu’on a : “Ça fait du bien, sur­tout en ce moment”. Ils rêvent, ils réflé­chissent, c’est aus­si ça le cabaret. »

« C’est un défi de s’adresser à des gens qui ne sont pas conquis d’avance »

Bili

Une liber­té qui séduit un public gran­dis­sant. « On a accès à beau­coup plus d’endroits qu’avant, il y a plein de lieux qui veulent nous pro­gram­mer », constate Jésus La Vidange, drag king, dont les soi­rées de la Kings Factory attirent les foules dans les bars LGBTQ+ pari­siens. De nom­breuses scènes sont nées ces der­nières années, fai­sant car­ton plein à chaque édi­tion. Le Grand Cri d’amour ou La Bouche, à Paris, Voulez-​vous, dans le Loiret, Ô Fantasme, à Bordeaux, ou encore le Cabaret Mademoiselle à Bruxelles : des espaces plus inti­mistes que les grandes salles pari­siennes et qui, sur­tout, pro­posent des spec­tacles bien plus politiques…

La poli­tique en dansant

Si le public se presse en masse sous les paillettes, il est aus­si plus divers : des couples d’hommes, des tablées de col­lègues, des quin­qua­gé­naires en goguette ou des jeunes bobos. Madame Arthur serait presque deve­nue mains­tream « C’est un défi de s’adresser à des gens qui ne sont pas conquis d’avance », avance Bili. Lutte contre le patriar­cat, hété­ro­sexisme, éco­lo­gie, vio­lences poli­cières… Les paroles sont cash et les spectateur·rices sont avides de ces sujets.

Pourtant, la troupe l’affirme : l’évolution du public n’a rien chan­gé à sa manière de tra­vailler ni à sa liber­té de ton : « Ce qui est mar­rant, c’est que Madame Arthur se popu­la­rise, mais le dis­cours qui est sur scène est le même que dans une cave queer », résume Diamanda Callas, l’une des créa­tures chan­tantes de la troupe. « On a la chance, chez Madame Arthur, de pou­voir adres­ser ce mes­sage à des gens qui ne sont pas for­cé­ment queer, déve­loppe La Briochée en cou­lisses. Ils viennent aus­si pour se faire bous­cu­ler un petit peu. » Mettre en scène la liber­té, ça ne peut pas[…]

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