À la fois chanteuse, comédienne et musicienne, Pauline Chagne, 27 ans, vient d'être sélectionnée pour concourir à l'émission Eurovision France, c'est vous qui décidez, le 5 mars prochain.
![Pauline Chagne, la harpe et le disco 1 Pauline Chagne et sa harpe](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/01/Pauline-Chagne-et-sa-harpe-683x1024.jpg)
sa harpe électrique ©Rise Up
Pauline Chagne est du genre déterminée, de celles capables de rester assise sur un siège de la ligne 1 du métro parisien aller-retour pour écrire un texte. C'est peut-être à cette détermination sans faille qu'elle doit sa sélection, ce 17 février, à l'émission Eurovision France, c'est vous qui décidez. Le 5 mars prochain, sur France 2, Pauline Chagne et son titre Nuit Pauline devront faire la différence face à douze candidat·es pour espérer pouvoir représenter la France au concours de l'Eurovision à Turin dans quelques semaines.
À première vue, avec sa longue frange brune, ses yeux de biche dessinés à l’eye-liner et sa combinaison en denim, Pauline Chagne semble avoir été jeune dans les années 80. À la première écoute également. Orange sanguine, le premier titre de la chanteuse sorti en juillet 2020, est un bonbon acidulé digne des meilleurs tubes discos. Mais si la mélodie a des airs de eighties, la comparaison s’arrête ici car Pauline Chagne, 27 ans, est bien ancrée dans son époque. En témoigne ce premier titre avec lequel l'artiste ose se lancer dans la musique : un hymne au sang qui coule chaque mois. Engagée contre la précarité menstruelle, elle choisit d'ailleurs en décembre dernier d'organiser un concert au bénéfice de l'association Règles élémentaires qui distribue des protections périodiques aux plus démunies.
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Cette irruption dans le monde de la musique est suivie quelques mois plus tard d’un premier EP. La découverte de son corps et de son plaisir, la mélancolie d’une rupture, l’infidélité… dans Nuit Pauline, l’artiste explore sans détour, d’une voix douce mais grave et toujours accompagnée de sa harpe électrique, les émotions humaines dans un voyage aux accents grooves et vintages. Le tout avec une subtile dose de décalage. « Avec la chanson pop, on vend quelque chose d’assez édulcoré alors j’aime l’idée qu’il y ait toujours un message dit ou non-dit dans mes chansons, développe la jeune femme brune en buvant une gorgée de thé. C’est intéressant de casser l’image d’une "star en paillette". » Casser son image, être là où on ne l’attend pas résume la personnalité de cette chanteuse solaire, comédienne et musicienne qui défend farouchement « le droit d’être plein de choses à la fois ».
Béguin pour la harpe
Si Pauline Chagne vient de débuter sa carrière de chanteuse, elle baigne depuis toute petite dans la musique. Elle est ce qu’on appelle une enfant de la balle. Fille d’un père saxophoniste – qui a d’ailleurs enregistré sur son EP – et d’une mère chanteuse de jazz, Pauline sait très tôt qu’elle sera musicienne. Elle n’a même pas 4 ans, qu’elle réclame sans cesse à ses parents de commencer la harpe. « Je ne sais pas du tout d’où est sorti la harpe dans mon imaginaire d’enfant, sans doute du fait que ma mère écoutait beaucoup de Tchaïkovski lorsqu’elle était enceinte de moi ou peut-être le personnage de Duchesse dans Les Aristochats, raconte Pauline en riant. Quoi qu’il en soit, j'en étais dingue et je ne lâchais pas l’idée. » Ses parents tentent bien de l’inscrire au piano, instrument plus abordable pour une petite fille mais l’essai se révèle rapidement infructueux et il·elle cèdent. Pauline n’a alors que 5 ans lorsqu’elle commence la harpe au conservatoire municipal de sa ville de banlieue parisienne, près de Vincennes (Val-de-Marne). Et tout de suite, c’est l’évidence.
« Je suis convaincue que quand on fait de la musique, il y a un rapport physique presque charnel avec l’instrument. »
Pauline Chagne.
Telle la baguette choisissant son·sa sorcier·ère dans Harry Potter, celle qu'elle surnomme « Madame » deviendra, dès 10 ans, l’instrument de Pauline Chagne. Au terme de plusieurs essais, cette harpe, toujours présente chez elle à Paris, est tout de suite « une évidence » pour la petite fille. « Je suis convaincue que quand on fait de la musique, il y a un rapport physique, presque charnel avec l’instrument, dit-elle. Cette harpe m’a choisie, c’était un moment magique, l'un des plus beaux de ma vie, j’étais transcendée. » Du conservatoire municipal de sa ville au régional, la jeune harpiste travaille « comme une folle » pour sa passion.
C’est donc la consécration lorsqu’elle entre à 15 ans au conservatoire national, où elle vivra pourtant une expérience douloureuse avec une professeur digne de l’intransigeant personnage de J.K Simmons dans Whiplash. « C’était une approche de la musique dans la douleur, elle était complètement perverse et tyrannique, raconte Pauline Chagne avec retenue. Je suis quand même allée au bout, j’ai décroché mon diplôme mais ensuite j’ai tout arrêté. Ma harpe m’attirait toujours mais mon rapport physique à cet instrument était rompu, je n’y ai pas touché pendant cinq ans. Avant ce nouveau coup de foudre, il y a un peu plus de deux ans, pour cette merveilleuse petite harpe électrique avec laquelle je joue aujourd’hui. »
Amour de la scène
Parce qu’elle se rend compte à l’époque que ce qu’elle aime vraiment, c’est la scène, Pauline Chagne s’inscrit à 19 ans au cours Florent dans une formation théâtre et comédie musicale où elle prend « un plaisir fou à mélanger les arts ». Son amour pour la chanteuse Barbara – à qui, elle ressemble en plus physiquement – mêlé à un désir profond d’être sur scène pousse l’étudiante à s’emparer du monument de la chanson française pour son projet de fin d’étude. Elle réadapte alors la pièce de Pierre Notte, créée en 2005, Moi aussi je suis Catherine Deneuve. Dans Moi aussi je suis Barbara, Pauline interprète avec brio la chanteuse de minuit. Après avoir obtenu l’accord du neveu de celle-ci, Pauline monte la pièce en dehors de l’école avec Pierre Notte en 2018. C’est un succès, la pièce est jouée deux années de suite au festival d’Avignon. « Cette pièce m’a fait irrémédiablement retourner à la musique et à la chanson, souligne l’ancienne harpiste. Mais entre la chanson et le théâtre mon cœur balance et ne tranche pas. » Pauline Chagne a à nouveau collaboré avec Pierre Notte, qui l'a faite jouer récemment dans la pièce féministe Je te pardonne ( Harvey Weinstein ) au Théâtre du Rond-Point à Paris. Elle sera de nouveau à l’affiche du festival d’Avignon l’été prochain.
« Aujourd’hui, il y a des artistes qui sont féministes parce que le féminisme fait vendre et des artistes réellement engagés, Pauline Chagne est de cette seconde catégorie. »
Annabelle Rouleau, attachée de presse de Pauline Chagne.
C’est sa rencontre en 2019 avec celui qui deviendra l’autre moitié du duo, le compositeur Antonin Tardy, qui achève de réconcilier Pauline et la chanson. « Je lui ai fait passer un casting pour une pièce musicale et je suis tombé fou de sa voix lorsqu’elle a interprété Mistral Gagnant [de Renaud, ndlr], raconte Antonin, 26 ans. Je lui ai demandé de m’envoyer des textes qu’elle avait écrits. On s’est lancé dans l’aventure comme ça, très naturellement. En fait, j'ai eu très vite l’impression de la connaître, elle est pétillante mais aussi très exigeante envers elle-même. C’est très agréable de travailler ensemble. »
Nul doute alors que nous continuerons de voir briller le trio – Pauline Chagne, Antonin Tardy et « Mademoiselle », le surnom qu’elle a donné à sa harpe électrique. « On a déjà de nouvelles chansons écrites et certaines même enregistrées, souffle Antonin Tardy. On aimerait d’ailleurs sortir un album d’ici la fin de l’année. » D’ici là, ouvrez l'œil. Il se pourrait bien que vous croisiez une jeune femme brune un carnet à la main, dans le métro parisien.