Pauline Chagne, la harpe et le disco

À la fois chan­teuse, comé­dienne et musi­cienne, Pauline Chagne, 27 ans, vient d'être sélec­tion­née pour concou­rir à l'émission Eurovision France, c'est vous qui déci­dez, le 5 mars prochain.

Pauline Chagne et sa harpe
Pauline Chagne et "Mademoiselle",
sa harpe élec­trique ©Rise Up

Pauline Chagne est du genre déter­mi­née, de celles capables de res­ter assise sur un siège de la ligne 1 du métro pari­sien aller-​retour pour écrire un texte. C'est peut-​être à cette déter­mi­na­tion sans faille qu'elle doit sa sélec­tion, ce 17 février, à l'émission Eurovision France, c'est vous qui déci­dez. Le 5 mars pro­chain, sur France 2, Pauline Chagne et son titre Nuit Pauline devront faire la dif­fé­rence face à douze candidat·es pour espé­rer pou­voir repré­sen­ter la France au concours de l'Eurovision à Turin dans quelques semaines. 

À pre­mière vue, avec sa longue frange brune, ses yeux de biche des­si­nés à l’eye-liner et sa com­bi­nai­son en denim, Pauline Chagne semble avoir été jeune dans les années 80. À la pre­mière écoute éga­le­ment. Orange san­guine, le pre­mier titre de la chan­teuse sor­ti en juillet 2020, est un bon­bon aci­du­lé digne des meilleurs tubes dis­cos. Mais si la mélo­die a des airs de eigh­ties, la com­pa­rai­son s’arrête ici car Pauline Chagne, 27 ans, est bien ancrée dans son époque. En témoigne ce pre­mier titre avec lequel l'artiste ose se lan­cer dans la musique : un hymne au sang qui coule chaque mois. Engagée contre la pré­ca­ri­té mens­truelle, elle choi­sit d'ailleurs en décembre der­nier d'organiser un concert au béné­fice de l'association Règles élé­men­taires qui dis­tri­bue des pro­tec­tions pério­diques aux plus démunies.

Lire aus­si I Pauline Chagne en concert pour Règles élémentaires

Cette irrup­tion dans le monde de la musique est sui­vie quelques mois plus tard d’un pre­mier EP. La décou­verte de son corps et de son plai­sir, la mélan­co­lie d’une rup­ture, l’infidélité… dans Nuit Pauline, l’artiste explore sans détour, d’une voix douce mais grave et tou­jours accom­pa­gnée de sa harpe élec­trique, les émo­tions humaines dans un voyage aux accents grooves et vin­tages. Le tout avec une sub­tile dose de déca­lage. « Avec la chan­son pop, on vend quelque chose d’assez édul­co­ré alors j’aime l’idée qu’il y ait tou­jours un mes­sage dit ou non-​dit dans mes chan­sons, déve­loppe la jeune femme brune en buvant une gor­gée de thé. C’est inté­res­sant de cas­ser l’image d’une "star en paillette". » Casser son image, être là où on ne l’attend pas résume la per­son­na­li­té de cette chan­teuse solaire, comé­dienne et musi­cienne qui défend farou­che­ment « le droit d’être plein de choses à la fois ».

Béguin pour la harpe 

Si Pauline Chagne vient de débu­ter sa car­rière de chan­teuse, elle baigne depuis toute petite dans la musique. Elle est ce qu’on appelle une enfant de la balle. Fille d’un père saxo­pho­niste – qui a d’ailleurs enre­gis­tré sur son EP – et d’une mère chan­teuse de jazz, Pauline sait très tôt qu’elle sera musi­cienne. Elle n’a même pas 4 ans, qu’elle réclame sans cesse à ses parents de com­men­cer la harpe. « Je ne sais pas du tout d’où est sor­ti la harpe dans mon ima­gi­naire d’enfant, sans doute du fait que ma mère écou­tait beau­coup de Tchaïkovski lorsqu’elle était enceinte de moi ou peut-​être le per­son­nage de Duchesse dans Les Aristochats, raconte Pauline en riant. Quoi qu’il en soit, j'en étais dingue et je ne lâchais pas l’idée. » Ses parents tentent bien de l’inscrire au pia­no, ins­tru­ment plus abor­dable pour une petite fille mais l’essai se révèle rapi­de­ment infruc­tueux et il·elle cèdent. Pauline n’a alors que 5 ans lorsqu’elle com­mence la harpe au conser­va­toire muni­ci­pal de sa ville de ban­lieue pari­sienne, près de Vincennes (Val-​de-​Marne). Et tout de suite, c’est l’évidence. 

« Je suis convain­cue que quand on fait de la musique, il y a un rap­port phy­sique presque char­nel avec l’instrument. » 

Pauline Chagne.

Telle la baguette choi­sis­sant son·sa sorcier·ère dans Harry Potter, celle qu'elle sur­nomme « Madame » devien­dra, dès 10 ans, l’instrument de Pauline Chagne. Au terme de plu­sieurs essais, cette harpe, tou­jours pré­sente chez elle à Paris, est tout de suite « une évi­dence » pour la petite fille. « Je suis convain­cue que quand on fait de la musique, il y a un rap­port phy­sique, presque char­nel avec l’instrument, dit-​elle. Cette harpe m’a choi­sie, c’était un moment magique, l'un des plus beaux de ma vie, j’étais trans­cen­dée. » Du conser­va­toire muni­ci­pal de sa ville au régio­nal, la jeune har­piste tra­vaille « comme une folle » pour sa passion. 

C’est donc la consé­cra­tion lorsqu’elle entre à 15 ans au conser­va­toire natio­nal, où elle vivra pour­tant une expé­rience dou­lou­reuse avec une pro­fes­seur digne de l’intransigeant per­son­nage de J.K Simmons dans Whiplash. « C’était une approche de la musique dans la dou­leur, elle était com­plè­te­ment per­verse et tyran­nique, raconte Pauline Chagne avec rete­nue. Je suis quand même allée au bout, j’ai décro­ché mon diplôme mais ensuite j’ai tout arrê­té. Ma harpe m’attirait tou­jours mais mon rap­port phy­sique à cet ins­tru­ment était rom­pu, je n’y ai pas tou­ché pen­dant cinq ans. Avant ce nou­veau coup de foudre, il y a un peu plus de deux ans, pour cette mer­veilleuse petite harpe élec­trique avec laquelle je joue aujourd’hui. »

Amour de la scène 

Parce qu’elle se rend compte à l’époque que ce qu’elle aime vrai­ment, c’est la scène, Pauline Chagne s’inscrit à 19 ans au cours Florent dans une for­ma­tion théâtre et comé­die musi­cale où elle prend « un plai­sir fou à mélan­ger les arts ». Son amour pour la chan­teuse Barbara – à qui, elle res­semble en plus phy­si­que­ment – mêlé à un désir pro­fond d’être sur scène pousse l’étudiante à s’emparer du monu­ment de la chan­son fran­çaise pour son pro­jet de fin d’étude. Elle réadapte alors la pièce de Pierre Notte, créée en 2005, Moi aus­si je suis Catherine Deneuve. Dans Moi aus­si je suis Barbara, Pauline inter­prète avec brio la chan­teuse de minuit. Après avoir obte­nu l’accord du neveu de celle-​ci, Pauline monte la pièce en dehors de l’école avec Pierre Notte en 2018. C’est un suc­cès, la pièce est jouée deux années de suite au fes­ti­val d’Avignon. « Cette pièce m’a fait irré­mé­dia­ble­ment retour­ner à la musique et à la chan­son, sou­ligne l’ancienne har­piste. Mais entre la chan­son et le théâtre mon cœur balance et ne tranche pas. » Pauline Chagne a à nou­veau col­la­bo­ré avec Pierre Notte, qui l'a faite jouer récem­ment dans la pièce fémi­niste Je te par­donne ( Harvey Weinstein ) au Théâtre du Rond-​Point à Paris. Elle sera de nou­veau à l’affiche du fes­ti­val d’Avignon l’été prochain. 

« Aujourd’hui, il y a des artistes qui sont fémi­nistes parce que le fémi­nisme fait vendre et des artistes réel­le­ment enga­gés, Pauline Chagne est de cette seconde catégorie. » 

Annabelle Rouleau, atta­chée de presse de Pauline Chagne.

C’est sa ren­contre en 2019 avec celui qui devien­dra l’autre moi­tié du duo, le com­po­si­teur Antonin Tardy, qui achève de récon­ci­lier Pauline et la chan­son. « Je lui ai fait pas­ser un cas­ting pour une pièce musi­cale et je suis tom­bé fou de sa voix lorsqu’elle a inter­pré­té Mistral Gagnant [de Renaud, ndlr], raconte Antonin, 26 ans. Je lui ai deman­dé de m’envoyer des textes qu’elle avait écrits. On s’est lan­cé dans l’aventure comme ça, très natu­rel­le­ment. En fait, j'ai eu très vite l’impression de la connaître, elle est pétillante mais aus­si très exi­geante envers elle-​même. C’est très agréable de tra­vailler ensemble. » 

Nul doute alors que nous conti­nue­rons de voir briller le trio – Pauline Chagne, Antonin Tardy et « Mademoiselle », le sur­nom qu’elle a don­né à sa harpe élec­trique. « On a déjà de nou­velles chan­sons écrites et cer­taines même enre­gis­trées, souffle Antonin Tardy. On aime­rait d’ailleurs sor­tir un album d’ici la fin de l’année. » D’ici là, ouvrez l'œil. Il se pour­rait bien que vous croi­siez une jeune femme brune un car­net à la main, dans le métro pari­sien.  

Nuit Pauline, Pauline Chagne, Bleu Julien Records, 2021. 
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