DONNADIEU Joffrine photo 2022 Francesca Mantovani c éditions Gallimard 6640
Joffrine Donnadieu © Francesca Mantovani

Rentrée lit­té­raire : avec "Chienne et louve", Joffrine Donnadieu offre un ave­nir à son héroïne Romy

Après Une his­toire de France, pre­mier roman réus­si (et remar­qué), on en rede­man­dait. Cela tombe bien, Chienne et louve en est le pro­lon­ge­ment. Bienvenue dans la double vie de Romy.

Paru en 2019, Une his­toire de France abor­dait un thème peu explo­ré dans la fic­tion fran­çaise : la pédo­cri­mi­na­li­té fémi­nine. On y sui­vait Romy, entre ses 9 et ses 19 ans, abu­sée dès son plus jeune âge par France, la voi­sine qui s’occupe d’elle quand les parents sont absents. Ce per­son­nage de papier et sa créa­trice avaient des points com­muns – toutes deux sont nées en 1990 et ori­gi­naires de Toul, dans l’Est –, mais pas celui de l’abus sexuel. Animatrice d’ateliers de théâtre dans des struc­tures médi­cales depuis 2011, la future roman­cière y avait enten­du « beau­coup d’enfants [lui] par­ler d’attouchements qu’ils avaient subis ».

Humour tendre et vachard

En 2019, alors que Joffrine Donnadieu reprend la plume, Romy n’est pas cen­sée reve­nir. « Elle était deve­nue extrê­me­ment enva­his­sante, elle était là, et en fait, je n’avais pas envie de la lâcher », sou­rit la roman­cière en cet après-​midi de fin juillet, à Paris. En 2022, Romy is back, donc. Elle a 20 ans et débarque à Paris pour com­men­cer le reste de sa vie. Le jour, elle est au Cours Florent, déci­dée à se don­ner corps et âme pour le théâtre. La nuit, elle tra­vaille dans un club de strip-​tease à Pigalle. Pour le logis, elle a trou­vé une chambre dans l’appartement d’Odette, une nona­gé­naire res­tée vieille fille. En contre­par­tie d’un loyer modique, elle s’est enga­gée à lui tenir com­pa­gnie, et sur­tout à ne jamais décou­cher (au cas où la vieille chu­te­rait en pleine nuit). Les deux, chienne et louve du titre, vont devoir s’apprivoiser : cette rela­tion per­met à Donnadieu de déployer un humour tendre et vachard sur le conflit des générations.

Chienne et louve n’est pas la simple suite d’Une his­toire de France. Il en est plu­tôt une exten­sion. Car si les trau­mas du pre­mier opus refont sur­face dans le der­nier tiers du livre, Donnadieu y aura aupa­ra­vant abor­dé d’autres thèmes : la pas­sion du théâtre, le désir, le corps, l’enfance biai­sée, ou encore « la dif­fi­cul­té pour une pro­vin­ciale d’arriver à Paris ». « C’est mon par­cours aus­si, admet-​elle, et, comme Romy, j’ai été appro­chée par les réseaux de la nuit, du strip-​tease, de la pros­ti­tu­tion. Contrairement à elle, j’ai tou­jours eu quelqu’un pour m’en empêcher. »

Là encore, les points com­muns sont nom­breux, et donc trou­blants, et l’écrivaine recon­naît avoir pui­sé dans sa propre vie pour poser les jalons de celle de Romy. Joffrine Donnadieu a quit­té l’école en pleine année de seconde. A 16 ans, elle monte à Paris pour pas­ser une audi­tion au Cours Florent. Reçue, elle obtient une déro­ga­tion pour suivre la for­ma­tion réser­vée aux majeurs. À 19 ans, elle obtient le diplôme, mais n’a déjà plus le désir de la scène. C’est alors que lui viennent l’idée, l’envie et la déter­mi­na­tion de se ser­vir du théâtre pour « créer des outils péda­go­giques », « mettre en place des ate­liers d’expression » dans les ser­vices psy­chia­triques des hôpi­taux de la Pitié-​Salpêtrière, Necker-​Enfants malades et Trousseau. Des acti­vi­tés qui ont ces­sé depuis la crise du Covid. « Mais j’ai pu me consa­crer à Chienne et louve », conclut-​elle, avec un sou­rire qui dit son plai­sir de vivre pour écrire. Sa plume est inci­sive et impi­toyable, son art roma­nesque est puis­sant : ce nou­veau livre sera notre plaisir.

DONNADIEU Joffrine COUV Chienne et louve

Chienne et louve, de Joffrine Donnadieu. Gallimard, 352 pages, 21 euros.

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