« On ne pour­ra plus dire qu'on ne savait pas » : le col­lec­tif #MeTooThéâtre publie son pre­mier recueil de textes

Le col­lec­tif #MeTooThéâtre dévoile ce ven­dre­di un livre épo­nyme (édi­tions Libertalia), coor­don­né par la comé­dienne Séphora Haymann et la met­teuse en scène Louise Brzezowska-​Dudek, regrou­pant les textes et témoi­gnages emblé­ma­tiques du mouvement. 

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La cou­ver­ture du livre #MeTooThéâtre (©Libertalia)

Un peu plus de sept mois après le défer­le­ment de témoi­gnages sur les réseaux sociaux concer­nant les vio­lences sexistes et sexuelles au sein du milieu du théâtre, le mou­ve­ment #MeTooThéâtre publie ce ven­dre­di un livre épo­nyme aux édi­tions Libertalia, coor­don­né par la comé­dienne Séphora Haymann et la met­teuse en scène Louise Brzezowska-​Dudek. Il regroupe des textes lus lors d’un ras­sem­ble­ment devant le minis­tère de la Culture, le 16 octobre 2021. Et intègre éga­le­ment d’autres écrits, réa­li­sés au cours des der­niers mois, ain­si qu’une série de témoi­gnages publiés sur les réseaux sociaux.

Lundi soir, le col­lec­tif s'est ras­sem­blé devant les Folies Bergères où se tenait la céré­mo­nie des Molières, qui récom­pensent le théâtre fran­çais. Le texte que deux de ses membres devaient lire sur scène n'a pas pu être pro­non­cé, en rai­son de dis­cordes avec le pré­sident de la céré­mo­nie Jean-​Marc Dumontet. Séphora Haymann revient pour Causette sur cet évé­ne­ment et la genèse de cet ouvrage. 

Causette : Lundi soir, avec Marie Coquille-​Chambel, une autre membre du col­lec­tif #MeTooThéâtre, vous n'avez fina­le­ment pas pu lire aux Molières le texte que vous aviez pré­pa­ré sur les vio­lences sexistes et sexuelles dans le milieu du théâtre. Un ras­sem­ble­ment a donc été orga­ni­sé devant les Folies Bergères où se tenait la céré­mo­nie. Avez-​vous l’impression que vous avez pu vous faire entendre ? 
Séphora Haymann
 : Je crois que oui. Quand on a écrit ce texte avec le col­lec­tif, on s’est deman­dé si c’était notre place d’être aux Molières. Il s’agit d’une ins­ti­tu­tion qui a une voca­tion com­mer­ciale, de repré­sen­ta­tion, pour faire venir les gens au théâtre. Porter une parole poli­tique à l’intérieur d’une fabrique ins­ti­tu­tion­nelle, qui ne fait que construire et repro­duire les pro­blé­ma­tiques qu’on pointe, est une chose qui nous a inter­ro­gés. On s’est atte­lé à écrire un texte audible et objec­tif, mais il a été refu­sé. C’était presque logique, car ce qu’on avait à dire n’était pas prêt à être enten­du dans cet espace. On l’a fait entendre autre­ment, on l’a publié, des artistes nous ont rejoint, il y avait une belle ému­la­tion. Je pense que le mes­sage est pas­sé. Mais aujourd’hui la ques­tion est de savoir qui a envie d’entendre ce mes­sage et d’agir : ce qu’on dit, des tas de gens le disent depuis des années, des chiffres existent… Les décla­ra­tions des pou­voirs poli­tiques ne se mani­festent pas par des actions. 

Causette : Vous sor­tez ven­dre­di un livre regrou­pant les textes fon­da­teurs du mou­ve­ment #MeTooThéâtre. Comment est née l’idée de ce livre ? Quel mes­sage voulez-​vous faire pas­ser ? 
S.H. : Quand on a orga­ni­sé notre ras­sem­ble­ment devant le minis­tère de la Culture, l'actrice Julie Ménard a réa­li­sé un appel à textes. Comme il s’agissait d’un regrou­pe­ment d’artistes, de gens qui œuvrent dans la culture, on se disait que des témoi­gnages et des ana­lyses pou­vaient être décla­més. On a reçu énor­mé­ment de textes, qui ont été lus sur une tri­bune. Ils ont beau­coup mar­qué et ému les gens, car en plus d’être inté­res­sants dans leur ana­lyse, ils étaient lit­té­raires et forts par leur langue et leur poé­sie. 
La haute fonc­tion­naire Reine Prat, qui était pré­sente, nous a pous­sés à les édi­ter. De nou­veaux textes ont été pro­duits à la faveur des évé­ne­ments. On les a ensuite ras­sem­blés sans hié­rar­chie et sans choix. Ce livre est une aven­ture col­lec­tive, de soro­ri­té, de fra­ter­ni­té, d’émulation de pen­sées et de regrou­pe­ment de per­sonnes de dif­fé­rents bords. Ce ras­sem­ble­ment est presque une réponse à l’une des pro­blé­ma­tiques que l’on pointe : com­ment faire corps ensemble. 
On est très heu­reuses de cet ouvrage car il s’agit d’un outil. Ce qui est écrit reste. Toutes les paroles, ce qu’on a envie et pas envie d’entendre, c’est impri­mé. C’est noir sur blanc, on ne pour­ra pas dire qu’on ne l’avait pas dit, qu’on ne savait pas, que les chiffres n’étaient pas connus. L’histoire des femmes est une longue chaîne d’invisibilisation qu’il ne faut ces­ser de réapprendre. 

Causette : Un peu plus de sept mois après le début du mou­ve­ment #MeTooThéâtre, quel bilan tirez-​vous ? Avez-​vous l’impression que les choses changent dans le milieu du théâtre ?
S.H. : Les hommes conti­nuent d’agresser les femmes. On reçoit des témoi­gnages en ce sens tous les jours. En revanche, ce qui change c’est que les gens ne peuvent plus faire comme s’ils ne vou­laient pas entendre. 
Concernant les chiffres, au sein des ins­ti­tu­tions, on nous dit que ça avance, mais ça ne cesse d’avancer et de recu­ler. Nous avons, par exemple, récem­ment vu la liste des per­sonnes envi­sa­gées pour prendre la tête du Théâtre de Lorient (Morbihan), qui fait par­tie des Centres dra­ma­tiques natio­naux. Elle est com­po­sée de trois hommes et de seule­ment une femme. L’argent public est tou­jours aux mains des hommes, de façon expo­nen­tiel­le­ment plus grande qu’aux mains des femmes, même si le nombre de direc­trices de théâtres com­mence à aug­men­ter. Car ce sont tou­jours les femmes qui dirigent des petites struc­tures. 
Donc oui, des choses bougent : on a eu rendez-​vous au minis­tère de la Culture, des signa­le­ments peuvent être faits sur des ensei­gnants dans les écoles de théâtre… Mais il existe encore vrai­ment une chape de plomb et un boys' club. Tout cela est orga­ni­sé par la struc­ture ins­ti­tu­tion­nelle de nos métiers.

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