Claire Berest, Salma El Moumni, Lilia Hassaine, Causette vous balade dans ses lectures d’octobre.
Adieu Tanger, de Salma El Moumni
Premier roman de Salma El Moumni, Marocaine de 24 ans, Adieu Tanger raconte très subtilement les deux facettes d’une femme, mais aussi deux pays, deux amours… et beaucoup de harcèlements… Alia, lycéenne à Tanger, a commencé à prendre des clichés pour défier l’injonction à l’invisibilité, mais ces images l’ont transformée en victime. Dans la rue, elle porte volontiers la jupe, les hommes la scrutent, la sifflent ou la suivent. Dans sa famille, on lui dit qu’elle ne doit ni aguicher ni provoquer. Afin de comprendre ces deux situations, Alia décide de prendre en photo son corps dénudé, comme pour se l’approprier. Un rituel, chaque soir devant la glace. Les images auraient dû rester dans son smartphone, mais, très vite, on lui apprend qu’elles sont sur Internet. Selon la loi marocaine, elle risque la prison pour “nudité volontaire”. Quand elle découvre qui l’a “mise en ligne”, elle sait que c’est une vengeance. Mais elle est loin de se douter que cette personne la suivra jusqu’à Lyon, où elle a choisi de se réfugier juste après avoir eu son bac et où cette histoire la poursuit.
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Adieu Tanger, de Salma El Moumni. Grasset, 180 pages, 18 euros.
L’Épaisseur d’un cheveu, de Claire Berest
La femme dont il est question chez Claire Berest, dans L’Épaisseur d’un cheveu, a aussi à voir avec l’image : Vive Lechevallier, son héroïne, est photographe. Son mari, Étienne, est un correcteur aigri au sein d’une maison d’édition parisienne. Mais il a un projet. Plus on avance dans le récit, plus on plonge dans l’esprit d’Étienne, plus la machine s’emballe sur la nature de ce projet. Encore (vous) faut-il savoir si le dessein deviendra réalité. Le comment et le pourquoi constituent le suspense du récit, mais aussi le matériau psychologique. À mi-chemin entre fiction sur la folie et énigme policière, le roman – le sixième de l’écrivaine – raconte comment un détail, fin comme un cheveu, fait basculer un couple dans l’horreur. Tout en questionnant la frontière entre amour conjugal et contrôle de l’autre.
![Nos trois recos bouquins du week-end 3 lepaisseur dun cheveu couv](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2023/10/lepaisseur-dun-cheveu-couv.jpg)
L’Épaisseur d’un cheveu, de Claire Berest. Albin Michel, 240 pages, 19,90 euros.
Panorama, de Lilia Hassaine
À l’injonction d’invisibilité dans Adieu Tanger répond l’obligation de transparence du bien nommé Panorama, troisième roman de Lilia Hassaine. Cette fois, l’autrice, ancienne chroniqueuse télé, s’aventure dans le futur : l’histoire se déroule entre 2049 et 2050, dans une ville fictive cloisonnée et ghettoïsée. Vingt ans auparavant, la France entière a connu la révolution « Transparence citoyenne », ladite transparence est devenue absolue et… concrète : logements, commerces, administrations, prisons et hôpitaux ont des murs en verre. Chacun·e surveille tout le monde, la délation est générale, les réseaux sociaux s’érigent en tribunaux. Les flics sont des « gardiens de la protection », et c’est le cas d’Hélène Dubern, notre narratrice, qui enquête sur un phénomène qui ne devait jamais arriver dans un monde transparent : une famille a disparu. L’autrice installe un décor et un contexte parfaitement réalistes et crédibles, multipliant les focales (et les fausses pistes), tout en réalisant un portrait de femme flic qui se débat contre les violences faites à elle et aux autres.
![Nos trois recos bouquins du week-end 4 9782073035059 1 75](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2023/10/9782073035059_1_75.jpg)
Panorama, de Lilia Hassaine. Gallimard, 240 pages, 20 euros.