Les 20 plumes fémi­nines : Ketty Rouf

Cette année encore, on risque de se faire assom­mer par la vague des sor­ties de livres à l’occasion de la sacro-​sainte ren­trée lit­té­raire. Et pour affron­ter l’autre deuxième vague – au cas où on nous recon­fi­ne­rait –, mieux vaut s’armer de bonnes lec­tures. Causette n’a choi­si que des autrices. Discrimination posi­tive assu­mée. Des plumes belles et rebelles qui ne devraient pas vous lais­ser indemnes. Voici celle de Ketty Rouf.

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© Marion Valée

C’est un des secrets du désir : on n’a dia­ble­ment envie de ce qu’on ne touche qu’avec les yeux. Du désir, il est beau­coup ques­tion dans ce pre­mier roman, dont l’héroïne (et nar­ra­trice) est autant céré­brale que sen­suelle et, aus­si, intel­lec­tuelle. Le jour, Joséphine est pro­fes­seure de phi­lo dans un lycée de Drancy (Seine-​Saint-​Denis). Après un déclic dont vous décou­vri­rez les res­sorts, elle se dédouble en emprun­tant un autre nom la nuit : Rose Lee, en hom­mage à la vraie Gypsy Rose Lee, pré­cur­seuse de l’effeuillage bur­lesque dans les années 1940. Joséphine/​Rose Lee devient effeuilleuse dans un caba­ret de strip-tease. 

On ne touche pas, écrit par Ketty Rouf – qui a elle-​même tra­vaillé pour l’Éducation natio­nale avant de don­ner des cours d’italien, sa langue natale, à des adultes –, raconte une année sco­laire de cette prof à plu­sieurs facettes : les quo­li­bets et les pro­jec­tiles lan­cés sur elle et ses col­lègues, le pro­vi­seur qui a peur des jeunes, mais aus­si l’aura de Joséphine sur quelques élèves. Une des réus­sites du livre est de trai­ter de l’érotisation du corps de son héroïne la nuit aus­si bien que d’une autre forme d’érotisation : intel­lec­tuelle, céré­brale donc, celle d’une ensei­gnante qui doit apprendre une dis­ci­pline vieille comme les idées (la phi­lo­so­phie) à des jeunes du XXIe siècle. C’est, aus­si, un récit d’apprentissage à l’âge adulte : Rose Lee apprend à aimer son corps en inter­di­sant aux clients de le tou­cher. Une réflexion, dans les deux sens du terme, sur le rap­port à soi et aux autres. Une écri­ture clas­sique qui déroule des thé­ma­tiques pro­fondes et sub­ver­sives : c’est le double effet de ce roman très singulier. 

On ne touche pas, de Ketty Rouf. Éd. Albin Michel, 240 pages, 18,90 euros.

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