Cette année encore, on risque de se faire assommer par la vague des sorties de livres à l’occasion de la sacro-sainte rentrée littéraire. Et pour affronter l’autre deuxième vague – au cas où on nous reconfinerait –, mieux vaut s’armer de bonnes lectures. Causette n’a choisi que des autrices. Discrimination positive assumée. Des plumes belles et rebelles qui ne devraient pas vous laisser indemnes. Voici celle de Carole Martinez.
Prix Goncourt des lycéens en 2011 pour son deuxième roman, Du domaine des murmures, Carole Martinez avait reçu pas moins de seize récompenses pour son premier, Le Cœur cousu, en 2007, qui racontait l’histoire d’une guérisseuse dans l’Espagne du XIXe siècle. Or, ce nouveau livre, Les Roses fauves – son quatrième (l’art du roman est l’art de bien prendre son temps) –, résonne étrangement avec ce Cœur cousu. En effet, l’autrice y raconte comment, alors qu’elle était en résidence d’auteur en 2009, elle s’est fait approcher par une lectrice qui lui raconta une coutume andalouse : quand une femme sentait la mort venir, elle brodait un coussin en forme de cœur, qu’elle bourrait de papiers sur lesquels étaient écrites ses confessions. À sa mort, sa fille aînée en héritait. Des années après, Carole Martinez fait de sa lectrice un personnage fictif, nommé Lola, qui lui ouvre les cœurs de tissu de ses aïeules. Nous en lirons quelques contenus.
C’est troublant, tragique, saisissant, d’autant que les figures des ancêtres rejoignent en certains points les destinées féminines que Carole Martinez avait composées dans ses romans précédents, situés entre les XIIe et XIXe siècles : maudites, damnées, mais libres et debout. Ces Roses fauves sont un objet littéraire pluriel, qui tient à la fois du making-of romanesque, de l’autofiction, de personnages en quête d’auteur, mais aussi de jeu avec le lecteur. Carole Martinez le sait bien : le roman est aussi l’art de la ruse…