À deux jours du 8 mars, les historiennes spécialistes de l’histoire des femmes et du genre Françoise Thébaud et Yannick Ripa publient Les féminismes, une histoire mondiale, et rappellent ainsi toute la diversité et la richesse d’un féminisme aussi universel… que le patriarcat qu’il combat.
On le sait, il n’existe pas un seul féminisme. De tout temps, le féminisme a été traversé par des courants de pensée différents, des combats communs, mais aussi des divisions, des tensions allant parfois jusqu’au conflit. Il serait d’ailleurs plus à propos de parler “des féminismes” tant l’histoire du combat pour l’égalité est faite de diversité, de pluralité et de richesse.
Tenter de rassembler ces féminismes en un seul livre, telle a été l’ambition portée par les historiennes renommées Françoise Thébaud et Yannick Ripa, spécialistes de l’histoire des femmes et du genre. Une ambition qui prend forme aujourd’hui dans un livre, Les féminismes, une histoire mondiale 19e-20e siècles, publié symboliquement le 6 mars chez Textuel, deux jours avant la Journée internationale des droits des femmes.
Ouvrage collectif
L’objectif de cette somme, dont on peut être certain·es qu’elle sera désormais une référence, est de “tenter un tour du monde des féminismes de la Révolution française jusqu’à l’an 2000 pour montrer ce processus de mondialisation”, explique Françoise Thébaud à Causette. Un processus effectivement essentiel, tant on a eu tendance, bien souvent, à envisager le féminisme avec des œillères. “Notre historiographie a imposé une vision erronée du féminisme, le présentant comme un phénomène du monde occidental, voire européen, dont la périodisation ne concernait qu’une partie du monde”, soulignent les historiennes dans leur introduction. Or, si le système patriarcal est commun à la plupart des sociétés de notre Terre, il est normal que la lutte cherchant à le contrer soit elle aussi quasiment universelle.
Puisque le phénomène est mondial, l’œuvre sera collective. Pour bâtir cette histoire des féminismes, Yannick Ripa et Françoise Thébaud ont été aidées de trente-sept historien·nes issu·es de différents continents. Au fil des pages, richement illustrées, on rencontre des figures bien connues, à l’image d’Olympe de Gouges et sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne rédigée après la Révolution française ou de Simone de Beauvoir.
Figures méconnues
Surtout, on en découvre d’autres. On apprend ainsi qu’une Indienne, Savitribai Phule, luttait déjà pour l’intersectionnalité en Inde au milieu du XIXe siècle, dénonçant “l’imbrication des dominations de caste et de genre”. On découvre l’écoféministe kényane Wangari Maathai, qui lança en 1977 un mouvement national de plantation d’arbres pour répondre aux préoccupations des femmes rurales. On rencontre aussi l’écrivaine chinoise Qiu Jin, qui lutta pour l’éducation des filles et contre la pratique barbare des pieds bandés à l’orée du XXe siècle. Comme Olympe de Gouges et bien d’autres figures féministes présentées dans l’ouvrage, elle le paiera de sa vie.
En plus de 350 pages et trois grands chapitres, l’ouvrage balaie deux siècles de lutte féministe, de combats, d’échecs, mais aussi de victoires, rappelant surtout que le féminisme est plus que jamais un phénomène vivant. Françoise Thébaud l’atteste d’ailleurs à Causette : “On a dû faire des choix et ce livre offre une histoire écrite à un moment historiographique précis : des chapitres restent encore à écrire.”
Les féminismes, une histoire mondiale 19e-20e siècles, de Yannick Ripa et Françoise Thébaud. Textuel, 360 pages, 45 euros.