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Une vétérinaire soignant Goblin, un pangolin aux écailles vertes, à Johannesburg © Julien Faure

« Le Pangolin au bord de l’extinction » : une expo­si­tion de Julien Faure pour mettre en lumière un tra­fic planétaire

Le pho­to­jour­na­liste Julien Faure expose son repor­tage pho­to sur le pan­go­lin à La Grange aux Belles jusqu’au 17 juin à Paris. Aucun lien avec le Covid, mais bien la preuve d’un sys­tème mon­dial de bra­con­nage de la petite créa­ture. Causette a ren­con­tré le pho­to­graphe pour mieux com­prendre sa démarche per­son­nelle, et l’ampleur de cette pro­blé­ma­tique encore méconnue. 

Rapidement pas­sé de sus­pect numé­ro un de la trans­mis­sion du coro­na­vi­rus, à pré­su­mé inno­cent, le pan­go­lin a été vio­lem­ment pro­pul­sé sous les feux des pro­jec­teurs en 2020. Le seul mam­mi­fère ter­restre au monde recou­vert d’écailles a en effet fait beau­coup jaser au début de la pan­dé­mie de Covid-​19. Devenu mal­gré lui le bouc émis­saire de la crise sani­taire, le nom de « pan­go­lin » était pour­tant presque incon­nu aupa­ra­vant. Mais on ne le sait que trop rare­ment, cette petite bête toute mignonne est au cœur d’un tra­fic de bra­con­nage planétaire. 

Ses écailles, très pri­sées par le monde de la cos­mé­tique en Asie et per­çues comme un pro­duit luxueux, se vendent à des prix fara­mi­neux sur le mar­ché noir. La méde­cine chi­noise s’arrache sa pré­cieuse parure, aux sup­po­sés ver­tus médi­ci­nales, et d’autres pays tels que le Vietnam voient sa chair comme un signe de richesse. Face à cette demande, plu­sieurs cen­taines de mil­liers de pan­go­lins sont bra­con­nés chaque année dans les forêts d’Afrique cen­trale, avec pour prin­ci­pale des­ti­na­tion l’Asie. L’animal est vic­time d’un bra­con­nage si intense que même le nombre d’éléphants, de rhi­no­cé­ros et de lions tués chaque année ne lui arrive pas à la che­ville. L’espèce se trouve aujourd’hui en dan­ger cri­tique d’extinction et est mena­cée d’une dis­pa­ri­tion éclair. 

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Julien Faure devant son expo­si­tion © Louise Huet

Le pho­to­jour­na­liste de 36 ans, Julien Faure, s’est empa­ré de ce thème en 2018, bien avant que le pan­go­lin ne devienne mon­dia­le­ment célèbre. Il aborde un sujet un peu plus réjouis­sant : une ini­tia­tive qui tente de sau­ver cer­tains de ces ani­maux en Afrique du Sud. Julien Faure est allé en immer­sion auprès d’une équipe de vété­ri­naires de Johannesburg, qui accueillent des pan­go­lins bles­sés et se battent pour leur don­ner une deuxième vie. Rencontre avec le pho­to­graphe d’un repor­tage inso­lite, qui met en lumière un phé­no­mène mon­dial trop oublié. 

Causette : Pourquoi avoir pen­sé au pan­go­lin comme sujet d’un repor­tage pho­to ?
Julien Faure : Je suis tom­bé sur ce sujet en 2018, avant que le pan­go­lin ne soit connu. Je l’avais vu dans les médias, on en par­lait un tout petit peu. Le sujet était : le mam­mi­fère le plus bra­con­né au monde. Il y avait for­cé­ment un truc à creu­ser. J’étais inter­pel­lé par le fait qu'on parle sou­vent du mas­sacre des élé­phants, des lions, des tigres, etc, avec l’impression qu’ils sont la cible ultime du bra­con­nage mon­dial, alors qu’il s’agit avant tout du pan­go­lin. C’est cet angle un peu ori­gi­nal que j’ai eu envie de suivre. C’est com­pli­qué de tra­vailler sur les tra­fics, c’est évi­dem­ment très dan­ge­reux. Donc j’ai choi­si d’aborder le sujet par le biais encore plus incon­nu des gens qui essaient de sau­ver cet ani­mal, de sau­ve­gar­der le peu d’entre eux qui arrivent à échap­per aux bra­con­niers. Au départ, le centre vété­ri­naire était réti­cent à par­ler à la presse, à racon­ter vrai­ment ce qu’ils font : à l’époque, le pan­go­lin n’était connu que pour sa valeur mar­chande. Mais après, ils ont mieux com­pris ma démarche, que je n’étais pas là pour moi mais bien pour mon­trer leur ini­tia­tive, et ils ont accepté. 

Lire aus­si : Journée mon­diale du pan­go­lin : à l'ombre de la crise sani­taire mon­diale, le tra­fic continue

Comment ça s’est pas­sé sur place, com­ment vous êtes-​vous sen­ti ?
J.F. : C’était assez pre­nant, car on est face à un petit ani­mal tout mignon, très gen­til, très doux, qui ne fait pas un bruit. Les vété­ri­naires sont contraints de sor­tir les pan­go­lins le soir car ils ne peuvent pas se nour­rir quand ils sont en cap­ti­vi­té. C’est à ce moment-​là que j’ai pu les pho­to­gra­phier en exté­rieur. On a cette bête inof­fen­sive en face de nous, et on sait que des mil­lions sont mas­sa­crés. C'est ver­ti­gi­neux d’être en face d’eux en sachant ça. En dis­cu­tant avec ces vété­ri­naires, j’ai été mar­qué par le temps et l’énergie qu’ils déploient, alors que ce qu’ils font n’est qu’une goutte d’eau face au tra­fic mon­dial. Ils en sauvent peut-​être une qua­ran­taine par an. Ce n’est rien par rap­port au nombre de tués. Mais c’était beau et tou­chant de voir le soin qu’ils prennent pour les pangolins. 

« C'est ver­ti­gi­neux d’être en face d’un pan­go­lin en sachant qu’ils se font bra­con­ner mas­si­ve­ment. »

Vous faites aus­si beau­coup de por­traits, notam­ment de célé­bri­tés, et d’autres styles de pho­tos qui n’ont rien à voir. Qu’est-ce qui vous a don­né envie de tra­vailler sur un sujet aus­si poin­tu, à l’autre bout du monde ?
J.F. : J’ai gran­di avec les piles de Géo qu'avait mon père dans son bureau, et j’ai tou­jours eu envie de tra­vailler sur des sujets loin­tains, sur des choses dont on parle peu mais tout aus­si impor­tantes à connaître, notam­ment autour de la nature. Ce repor­tage sur le pan­go­lin n’a pas été com­man­di­té, c’est moi qui l’ai pré­pa­ré, parce qu’il m’intéressait et me tenait à cœur.

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© Julien Faure

Au final, il a été publié dans Le Point, mais j’ai déter­mi­né tout l’aspect artis­tique. La bonne pho­to en soit n’a pas de valeur si elle n’est pas ins­crite dans un récit, dans une his­toire. On peut avoir des pho­tos qui ne sont pas très inté­res­santes, mais le récit glo­bal a un vrai inté­rêt et donne de l’attrait au sujet. C’est ce que j’ai essayé de faire avec cette série. En tant que pho­to­jour­na­liste, on a l’opportunité d'informer un public à tra­vers le tra­vail d’autres per­sonnes. On ren­contre des gens qui ont des vies extra­or­di­naires et on a la chance de pou­voir en témoi­gner. L’intérêt, il est là. 

« Parler de ces vété­ri­naires, qui se donnent corps et âme dans leur tra­vail de sau­veur, m'a per­mis d'aborder un autre aspect de ce tra­fic, un côté bien plus humain. » 

Comment avez- vous réus­si à vous dire que l’énergie et l’argent mis dans ce pro­jet en valaient la peine ?
J.F. : J’ai rapi­de­ment com­pris que ce thème se racon­tait beau­coup, mais ne se voyait pas encore en image, donc qu’il y avait une bonne fenêtre de tir pour en faire des pho­tos. Mais j’ai aus­si com­pris que par­ler de ces vété­ri­naires, qui se donnent corps et âme dans leur tra­vail de sau­veur, me per­met­tait d'aborder un autre aspect de ce tra­fic, un côté bien plus humain. Quand on fait ce type de pho­tos, on espère évi­dem­ment que ça obtien­dra un impact. Mais c’est sur­tout moti­vant de se dire que je fais tout ça parce que j’ai tra­vaillé avec des gens, et je leur dois de pré­sen­ter quelque chose dont ils peuvent être fiers. 

L’exposition Le Pangolin au bord de l’extinction de Julien Faure est à retrou­ver à La Grange aux Belles dans le 10ème arron­dis­se­ment de Paris jusqu’au 17 juin, dans le cadre du cycle de photo-​reportage « Escale à La Grange aux Belles ». 

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