bal de purete like a virgin03 ter
Extrait du documentaire « Like a Virgin ». © Public Sénat pour Drôle de trame

Le mythe de la vir­gi­ni­té fémi­nine décons­truit par la réa­li­sa­trice Feriel Ben Mahmoud

Ce same­di 30 jan­vier, Public Sénat dif­fuse Like a Virgin, le docu­men­taire de Feriel Ben Mahmoud sur la vir­gi­ni­té fémi­nine dans ses dimen­sions cultu­relles, reli­gieuses, his­to­riques et émi­nem­ment poli­tiques. Nécessaire.

feminism inshallahcddt feminisme alger manif 8mars1965 16
Feriel Ben Mahmoud © DR. 

« Quand j’ai décou­vert qu’anatomiquement l’hymen n’était abso­lu­ment pas une preuve de vir­gi­ni­té chez les femmes et qu’on ne pou­vait pas dif­fé­ren­cier, en l’auscultant, une femme qui a eu des rela­tions sexuelles d’une femme qui n’en a jamais eues, je me suis dit qu’il était urgent que toutes les femmes et tous les hommes le sachent ! » s’exclame Feriel Ben Mahmoud, réa­li­sa­trice du docu­men­taire Like a vir­gin dif­fu­sé ce 30 jan­vier sur Public Sénat. Elle relève le défi de racon­ter et de décons­truire, à tra­vers le monde et des exper­tises diverses, un mythe dou­blé d’un tabou à la por­tée uni­ver­selle : la vir­gi­ni­té des femmes.

Cette his­to­rienne de for­ma­tion a gran­di entre un père tuni­sien et une mère fran­çaise et s’est vite pas­sion­née pour les sciences poli­tiques, comme un fil rouge dans l’ensemble de son tra­vail. L’idée du docu­men­taire Like a vir­gin émerge dans l’esprit de Feriel Ben Mahmoud en 2005, lors de la réa­li­sa­tion du film Tunisie, Histoire de femmes. À l’occasion de ce tour­nage, elle a ren­con­tré un groupe de jeunes adolescent·es pour échan­ger sur les ques­tions du tra­vail, du couple, du corps et de la sexua­li­té. Sur ce der­nier point, l’un d’eux l’interpelle. « Il m’a dit pen­ser que l’égalité entre les hommes et les femmes était acquise socia­le­ment mais pas encore dans l’intimité. De mon côté, j’ai réa­li­sé que l’injonction à la vir­gi­ni­té fémi­nine res­tait une ques­tion très sérieuse et condi­tion­nait une vie entière de sexua­li­té. » 

Il y a aus­si eu, en 2011, les ras­sem­ble­ments sur la place Tahrir en Egypte pen­dant le prin­temps arabe , où des tests de vir­gi­ni­té comme moyen de répres­sion envers les femmes ont été pra­ti­qués. « Cela m’a pro­fon­dé­ment heur­tée, alors qu’enfin les com­bats fémi­nistes et LGBT étaient por­tés, de consta­ter ces pra­tiques vio­lentes, dans le seul but d’humilier et de décré­di­bi­li­ser les femmes. » Et par là même, faire de la vir­gi­ni­té un éter­nel gage de décence. 

Feriel nous démontre en 52 minutes ambi­tieuses et très justes que ce sujet est com­mun à toutes les cultures et invite à la confron­ta­tion de points de vue plu­ri­dis­ci­pli­naires : socio­lo­gique, anthro­po­lo­gique, reli­gieux, psy­chia­trique, mais avant tout poli­tique. « Je suis heu­reuse que ce docu­men­taire soit dif­fu­sé sur Public Sénat, car cette chaîne met­tra en lumière la dimen­sion poli­tique de ce sujet » explique-​t-​elle à Causette. Sans comp­ter que depuis sep­tembre 2020 et le pro­jet de loi contre le sépa­ra­tisme, le débat autour des cer­ti­fi­cats de vir­gi­ni­té (que le gou­ver­ne­ment sou­haite inter­dire) est réso­lu­ment d’actualité en France, comme le sou­ligne, dans le repor­tage, la gyné­co­logue de la Maison des femmes de Saint-​Denis, Ghada Hatem lors d’un groupe de parole. Lorsqu’elle pose la ques­tion de savoir ce qui jus­ti­fie un cer­ti­fi­cat de vir­gi­ni­té avant le mariage, la réponse des par­ti­ci­pantes, majo­ri­tai­re­ment musul­manes, ne se fait pas attendre : « C’est comme ça ! ». Il y a en effet un déter­mi­nisme cultu­rel et un enjeu moral, explique Ghada Hatem : « Les femmes qui sou­haitent une hymé­no­plas­tie [recons­truc­tion de l’hymen, ndlr] sont enfer­mées dans une morale com­mu­nau­taire, qui véhi­cule l'idée qu’il y a “un truc à arra­cher”, que l’homme “prend la vir­gi­ni­té”. Et que cette étape est pri­mor­diale, car elle relève leur valeur en tant que femmes. »

Lire aus­si : Certificats de vir­gi­ni­té : conti­nuer à les déli­vrer pour pro­té­ger les femmes

« C’est incroyable de consta­ter que cette his­toire d’hymen puisse pous­ser des femmes au sui­cide, que des femmes puissent être assas­si­nées à cause d’un sai­gne­ment qui était atten­du et qui n’était pas là la nuit de noces. »

Feriel Ben Mahmoud 

Like a vir­gin creuse au plus pro­fond (et sans mau­vais jeu de mot) la notion de pure­té vir­gi­nale qui pré­vaut encore dans une grande par­tie de l'imaginaire col­lec­tif. La scène d’ouverture du docu­men­taire en est l’exemple par­fait : Aux Etats-​Unis, un « contrat d’engagement à la pure­té » est signé entre une jeune fille et son père, issus d’une classe très aisée. L'illustration d'un phé­no­mène dans lequel les jeunes femmes elles-​mêmes, subis­sant la pres­sion fami­liale, émettent le sou­hait de pré­ser­ver à tout prix leur vir­gi­ni­té jusqu’au mariage. La croyance est à la fois reli­gieuse, médi­cale et sociale et « asso­cie l’acte sexuel à une forme de souillure » explique Feriel. Une sémio­logue nous éclaire aus­si sur l’étymologie latine du mot qui ren­ferme à la fois l’idée de la vierge et de la guer­rière. Il y a donc une construc­tion mytho­lo­gique, qui per­dure encore aujourd’hui, et qui valo­rise la vir­gi­ni­té, ver­tueuse depuis l’Antiquité. 

« C’est incroyable de consta­ter que cette his­toire d’hymen puisse pous­ser des femmes au sui­cide, que des femmes puissent être assas­si­nées à cause d’un sai­gne­ment qui était atten­du et qui n’était pas là la nuit de noces, pour­suit Feriel. Que des opé­ra­tions de recons­truc­tion sont effec­tuées, parce que des méde­cins ont déci­dé au 19ème siècle que cette mem­brane était une preuve de vir­gi­ni­té. » Sur cette ques­tion, l'intervention des scien­ti­fiques Nina Dolvik Brochmann et Ellen Stokken Dahl dans le repor­tage, révèle que la construc­tion scien­ti­fique du mythe de « l'hymen à défleu­rer » (alors que l'on peut naître sans, ou le rompre en pra­ti­quant une acti­vi­té spor­tive par exemple) per­dure aujourd'hui comme une manière de gar­der un contrôle sur le corps des femmes. Feriel Ben Mahmoud s'applique à le décons­truire avec un regard nou­veau et aver­ti, tou­jours ani­mée par la liber­té des femmes et le com­bat féministe. 

Lire aus­si : Réparation de l’hymen, se refaire une vir­gi­ni­té 

Like a vir­gin, sur Public Sénat, same­di 30 jan­vier à 21h. 

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accom­pa­gner les com­bats qui vous animent, en fai­sant un don pour que nous conti­nuions une presse libre et indépendante.

Faites un don
Partager

Cet article vous a plu ? Et si vous vous abonniez ?

Chaque jour, nous explorons l’actualité pour vous apporter des expertises et des clés d’analyse. Notre mission est de vous proposer une information de qualité, engagée sur les sujets qui vous tiennent à cœur (féminismes, droits des femmes, justice sociale, écologie...), dans des formats multiples : reportages inédits, enquêtes exclusives, témoignages percutants, débats d’idées… 
Pour profiter de l’intégralité de nos contenus et faire vivre la presse engagée, abonnez-vous dès maintenant !  

 

Une autre manière de nous soutenir…. le don !

Afin de continuer à vous offrir un journalisme indépendant et de qualité, votre soutien financier nous permet de continuer à enquêter, à démêler et à interroger.
C’est aussi une grande aide pour le développement de notre transition digitale.
Chaque contribution, qu'elle soit grande ou petite, est précieuse. Vous pouvez soutenir Causette.fr en donnant à partir de 1 € .

Articles liés