Quand elle a décidé de partir sur les routes de France pour dormir chez des inconnu·es afin de leur poser une seule et unique question : « C’est quoi l’amour ? », Stefania Rousselle, journaliste et réalisatrice franco-américaine, était à bout de souffle. Depuis des années, elle couvrait, notamment pour le New York Times, la crise de la dette, la pauvreté, la politique, le chômage, l’immigration. Sans parler de l’exploitation sexuelle des femmes ou des atten- tats de 2015 à Paris. Exsangue pro- fessionnellement, elle l’était aussi amoureusement. Empoisonnée par un conjoint toxique qui l’avait laissée « morte à l’intérieur ».
Alors elle est allée vérifier par elle- même « si les gens s’aiment ou si tout simplement l’amour a disparu ». De ces rencontres elle a tiré un livre de textes et d’images d’une immense tendresse, dont voici quelques extraits choisis. Le reste est à décou- vrir dans Amour, qui paraît chez Actes Sud. Un ouvrage consolatoire.
Françoise Wyss, 75 ans, intendante, mariée trois fois.

« […] Mon dernier mari, il était ennuyeux – mortellement. Je n’avais qu’une envie, c’était de me tirer. Je l’ai quitté pour un radiologue de Paris. J’étais tombée raide dingue de lui. Il me sortait de ma petite vie de bourgeoise de province. […] Mais il a eu des problèmes d’argent et, pour l’aider, je lui ai donné toutes mes économies. Ben je ne les ai jamais revues, ces économies. […] Quand il m’a quittée, je n’étais pas inquiète du tout. J’allais me refaire. J’avais 60 ans, j’étais pas trop mal de ma personne. […] Mais le temps a passé et je n’ai rencontré personne. Ça va faire quinze ans que je suis seule. J’ai eu des choses, mais c’était souvent éphémère et avec des hommes mariés – ça ne mène à rien. […] Alors pendant longtemps, j’ai pris ma voiture pour balader ma solitude. […] La journée, ça va, on visite la ville, mais le soir, seule au restaurant, c’est l’enfer. J’étais entourée par la beauté et j’étais là comme une pauvre conne – toute seule. Alors j’ai décidé de ne plus voyager. […] Je travaille, toujours. Si je ne faisais rien, ça serait horrible. Et j’en ai besoin financièrement. […] Aujourd’hui, on est lundi, et le lundi, je ne travaille pas. Et chaque semaine, je viens ici, dans ce restaurant. Je commande toujours la même chose : un aïoli. Et après l’aïoli, je m’allume une cigarette. C’est le seul moment où je fume dans ma vie. Je trouve que la cigarette sur le fond d’ail, c’est génial. »
Jean-Loup Carrénard, 37 ans, Salomé Blechmans, 32 ans, cinéastes.
En couple depuis neuf ans.

Jean-Loup :
« […] Tout a basculé le jour où une femme est rentrée dans notre vie. On formait un trio. On était heureux qu’elle fasse partie de notre vie. […] Et ça a complètement changé ma vision de l’amour. Avant, j’étais comme tout le monde, dans le modèle exclusif et angoissé. Après cette rencontre, je n’étais plus limité par le désir que je pouvais avoir pour d’autres personnes. La baise n’était plus motif de rupture. Homme ou femme. Avec ou sans Salomé. Et ça nous permettait au contraire de mieux nous connaître, nos désirs, nos envies, et surtout notre moi. […] J’ai besoin de vivre chaque histoire jusqu’au bout. Mais ça ne veut pas dire que je vais quitter Salomé. Parce qu’il n’y a qu’elle. […] Salomé, je l’aime profondément. C’est mon âme sœur. »
Salomé
« […] C’est mon mentor. Il est toujours dans l’amour et la[…]