Entretien avec Camille Morineau, historienne et conservatrice du patrimoine, commissaire d'exposition de Pionnières, artistes dans le Paris des années folles.
L’exposition Pionnières, artistes dans le Paris des années folles, a été créée par Camille Morineau, historienne et conservatrice du patrimoine, qui en est la commissaire générale. On lui doit également l’accrochage elles@centrepompidou, en 2009 (plus de 2 millions de visites), mettant pour la première fois en lumière des artistes femmes contemporaines. Elle a cofondé l'association Aware ( Archives of Women Artists Research and Exhibitions) qui œuvre pour la visibilisation des artistes femmes. Nous l’avons rencontrée dans les nouveaux locaux d’AWARE, dans le XIVe arrondissement de Paris, où flotte le fantôme bienveillant d’une peintre trop longtemps oubliée.
Causette : Ce lieu était prédestiné pour votre association !
Camille Morineau : En effet,c’est un lieu historique, un atelier investi dans les années 20 par Marie Vassilieff, une artiste russe redécouverte tardivement. On peut voir certaines de ses œuvres dans l’exposition Pionnières. Artistes dans le Paris des Années folles. (Notamment de délicieuses marionnettes surréalistes ! NDLR) Elle avait créé son académie de dessin et ici même une cantine, renommée auprès du tout Paris des peintres. Pour 50 centimes, on avait un repas et on croisait celles et ceux qui allaient, plus tard, manger largement à leur faim : Modigliani, Picasso …
Lire aussi l Il y a 100 ans, elles inventent le Female Gaze et la fluidité de genre
AWARE a 7 ans aujourd’hui, combien d’artistes avez-vous remises en lumière ?
C.M. : Depuis 2014 nous avons publié 850 notices bilingues sur notre site, grâce à notre équipe de 150 chercheurs et étudiants. Et surtout, nous avons réussi le pari de transformer un outil initialement destiné aux chercheurs pour le rendre accessible au grand public. Le site est un succès, on compte aujourd’hui 60 à 70 000 visites par mois.
Vous avancez dans votre projet initial, « réécrire l’histoire de l’art de manière paritaire ».
C.M. : Cette histoire reste à réécrire dans son entièreté, elle est tellement complexe en fonction de chaque pays, des époques, des régimes politiques… Il y a encore des continents où les recherches sont au point mort. Mais nous avons développé des programmes internationaux, on travaille avec des artistes africaines-américaines, caribéennes… Il y a tant à faire !
Ces nouveaux locaux sont une étape de plus ?
C.M. : Une étape importante ! Ces locaux, designés par Matali Crasset, vont nous permettre d’organiser des rencontres, des colloques, des résidences. Pour le moment nous ouvrons au public sur rendez-vous. Notre bibliothèque spécialisée compte plus de 3000 ouvrages. On peut y écouter des documents sonores et notre série de podcasts « Les grandes dames de l’art ».
Diriez-vous que la visibilisation des artistes femmes est en net progrès aujourd’hui ?
C.M. : Oui et même si le plafond de verre est toujours présent, je me réjouis de voir que des livres, des podcasts et aussi des comptes Instagram ou Tik Tok se multiplient sur ce sujet. Quand j’ai lancé elles@centrepompidou, j’ai été beaucoup raillée. Un grand quotidien m’avait accusée de « ghettoïser » les artistes femmes ! ça ne serait heureusement plus possible aujourd’hui.
www.awarewomenartists.com Villa Vassilieff – 21, avenue du Maine 75015 Paris