cascadeuse A
© Camille Besse

Sarah Belala : « Les rôles fémi­nins ont évo­lué et nos cas­cades avec »

Sarah Belala, 32 ans, est cas­ca­deuse. Entre grosses bas­tons, chutes et torches humaines, elle met son corps au ser­vice des équipes de tour­nage pour pro­té­ger les actrices.

« Un cas­ca­deur, c’est un atout com­plet pour un film. Sur un tour­nage, je ne suis pas là pour réa­li­ser des mou­ve­ments que l’actrice ne sau­rait pas faire. Je ne vois pas les choses comme ça. J’imagine plus notre rela­tion comme de la com­plé­men­ta­ri­té. Mon objec­tif, c’est de mettre la comé­dienne en valeur et de la pro­té­ger. Parce que, si elle se blesse, c’est un pro­jet entier qui est mis à l’arrêt. 

Petite, quand on m’interrogeait sur mes dési­rs d’avenir, je répon­dais : « Je veux faire comme dans les films ! » J’apprenais déjà le kung-​fu, une de mes pas­sions, et les scènes de com­bat me fai­saient rêver. Dans ma dixième année, ma grande sœur m’a ins­crite à un stage de décou­verte de cas­cades. J’ai eu le coup de foudre : être dans l’action, pré­cise, rigou­reuse… Tout ce que j’aimais. 

Douze ans plus tard, après une année en BTS et quelques petits bou­lots, j’ai choi­si d’en faire mon métier. Direction le Campus Univers Cascades, au Cateau-​Cambrésis, dans les Hauts-​de-​France, pour com­men­cer une for­ma­tion com­po­sée de dix stages de deux semaines éta­lés sur deux ans. Physiquement, c’est très exi­geant. On signe pour huit heures de sport par jour. Et je ne parle pas de bur­pees 1 . ou ­d’abdos, mais de chutes, d’acrobaties et de dépas­se­ment de soi ­per­ma­nent. Au-​delà de la tech­nique, on nous enseigne aus­si la comé­die. Pour les chutes, par exemple, je ne vais pas jouer de la même façon un per­so qui glisse sur une peau de banane ou quelqu’un qui se sui­cide. Idem pour les bagarres. L’important n’est pas d’être un excellent com­bat­tant, mais d’être cré­dible quand tu attaques ou quand tu te prends des beignes, même si les coups ne sont pas por­tés pour de vrai. 

J’ai com­men­cé à faire mes preuves grâce au spec­tacle. Le direc­teur de mon école pro­po­sait des shows clés en main pour tous types d’événements. On créait des tableaux hyper variés : bur­lesques, comiques ou d’action à la James Bond. En paral­lèle, j’ai trans­mis ma bande démo aux coor­di­na­teurs de cas­cades, char­gés par les réa­li­sa­teurs et la pro­duc­tion des films de mon­ter une équipe. Ensuite, ça a été une ques­tion d’opportunités et de bouche-​à-​oreille. « Tu ne connais pas une fille d’1 mètre 55 qui est capable de faire telle ou telle cas­cade ? » « Si, Sarah. » Et quelques semaines plus tard, tu tournes. 

Progressivement, le ciné­ma a pris le des­sus sur le spec­tacle dans mon acti­vi­té pro, même si je me frotte à tout : les publi­ci­tés, les séries et même le motion desi­gn, qui consiste à enre­gis­trer en stu­dio les figures des per­son­nages de jeux vidéo. Mon domaine de pré­di­lec­tion, c’est la cas­cade phy­sique : je tra­vaille direc­te­ment avec mon corps. D’autres cas­ca­deurs s’orientent vers la cas­cade équestre ou la cas­cade méca­nique, avec des véhi­cules motorisés.

Ces der­nières années, les rôles fémi­nins ont évo­lué dans les pro­duc­tions, et nos cas­cades avec. Avant, glo­ba­le­ment, les femmes pre­naient des coups. Nos rôles étaient assez durs. L’apparition d’héroïnes dans les pro­duc­tions a per­mis d’élargir notre éven­tail de cas­cades et je trouve ça super. En moyenne, un cas­ca­deur gagne 600 euros brut par jour de tour­nage. Mais comme pour beau­coup d’intermittents du spec­tacle, on tra­verse sou­vent de longues périodes creuses. C’est l’une des plus grosses dif­fi­cul­tés du métier : si tu t’endors quand tu n’as pas de bou­lot, tu es fou­tu. Il faut pro­fi­ter de ces moments pour bos­ser tes points faibles. Plus impor­tant encore dans ces temps morts : je dois entre­te­nir ma forme. On ne me demande pas d’être une spor­tive de haut niveau, mais le télé­phone peut son­ner à tout moment pour une pro­po­si­tion de tour­nage. Passer à côté à cause d’une mau­vaise condi­tion phy­sique, ça serait vrai­ment idiot. Donc je cours, je fais de la mus­cu, un peu de kung-​fu… Je me réunis aus­si avec des col­lègues pour créer des scènes d’action et ne perdre ni mes réflexes ni ma créa­ti­vi­té. Mais atten­tion, je dois aus­si res­ter consciente des limites de mon corps. C’est mon outil de tra­vail. Et contrai­re­ment à un ordi­na­teur, il ne peut pas être rem­pla­cé s’il tombe en panne. 

Derrière un com­bat de vingt secondes dans un film, il y a par­fois des semaines de pré­pa­ra­tion. On reçoit une consigne du réa­li­sa­teur : « Je veux une grosse fight entre ces per­sos. » Ensuite, les cas­ca­deurs font toute une série de tests pour iden­ti­fier les mou­ve­ments qui s’enchaînent cor­rec­te­ment et qui seront mis en valeur par la camé­ra. Puis viennent les répé­ti­tions. L’idéal pour moi, c’est d’avoir éga­le­ment un moment avec l’actrice. Sur les gros plans du com­bat, c’est elle qu’on ver­ra. Il faut que ses gestes s’inscrivent dans la conti­nui­té des miens pour abou­tir à un mon­tage parfait.

La plu­part des gens voient les cas­ca­deurs comme des têtes brû­lées. C’est une erreur. On cherche tous à évi­ter les bles­sures pour tra­vailler le plus long­temps pos­sible. Personnellement, si je peux comp­ta­bi­li­ser vingt ans de cas­cades, avant de pas­ser éven­tuel­le­ment coor­di­na­trice de cas­cades, je serai satis­faite. Pour tenir sur la durée, j’essaie de ne pas prendre de risques. Par exemple, pour la torche humaine, c’est-à-dire quand mon cos­tume prend feu, je fais super gaffe. Je garde tou­jours à l’esprit que les flammes suivent leur propre che­min. Quand je répète, je me dis : « Avec ce mouvement-​là, le feu ira ici. Comment je fais pour ne pas me brûler ? »

Malgré toutes les pré­cau­tions, les cas­ca­deurs ne sont jamais tota­le­ment à l’abri d’un acci­dent. Un jour, je tour­nais une scène dans laquelle un acteur me main­te­nait la tête sous l’eau. En géné­ral, quand tu es cas­ca­deur, c’est toi qui contrôles. Même quand tu donnes l’impression de te faire tirer les che­veux, en fait, c’est toi qui com­mandes. En l’occurrence, au moment où j’ai essayé de remon­ter, j’ai été blo­quée par la force de mon par­te­naire. Je jouais avec un comé­dien qui ne connais­sait pas vrai­ment les codes uti­li­sés dans les cas­cades. Ça s’est bien ter­mi­né, mais j’ai vrai­ment été secouée… Les aléas d’un métier passion ! » 

  1. Exercices de mus­cu­la­tion et d’aérobic sol­li­ci­tant l’ensemble du corps[]
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