En salles ce 7 septembre et porté par la prestation intense de Virginie Efira, Revoir Paris raconte la reconstruction d’une femme victime d’un attentat. Un film d’espoir, ultra sensible et envoûtant, qu’Alice Winocour, son autrice et réalisatrice, défend avec une fougue justifiée…
Causette : Revoir Paris est une fiction non datée, mais on ne peut pas ne pas penser aux attentats de novembre 2015 en la voyant. Comment avez-vous, vous-même, vécu ces événements ?
Alice Winocour : Mon frère était au Bataclan le soir du 13 novembre. Je lui ai envoyé un SMS alors qu’il était caché. Il m’a répondu que je ne pouvais pas lui envoyer de messages, car il risquait de se faire remarquer. Je suis donc restée suspendue aux nouvelles toute la nuit… Et, heureusement, il a survécu. L’idée du film s’est imposée au cours des années qui ont suivi. Il s’est construit à partir des souvenirs de cet événement traumatique, puis à partir du récit de mon frère. Mais je tiens à préciser, d’emblée, qu’il s’agit d’une fiction. En aucun cas, Revoir Paris raconte l’histoire de mon frère, qui m’a bien fait comprendre que ce qu’il avait vécu était irreprésentable…
Est-ce la raison pour laquelle la séquence de l’attentat dans la brasserie, dûment violente, est filmée de manière stylisée, et surtout morcelée ?
A. W. : J’y ai beaucoup pensé en amont. Pour moi, ce devait être une scène très abstraite, filmée simplement du point de vue de la victime, Mia, mon héroïne. Sa vie bascule, précisément à ce moment-là, et c’est ce choc que je voulais faire ressentir aux spectateurs. Attention, ce n’est pas une scène d’action, les plans sont assez longs, mais il y a aussi un gros travail sur le son. Ce que je donne à voir, en fait, c’est le point de vue d’une femme cachée. Si ce point de vue est fragmenté, c’est aussi parce qu’en situation de trauma, le cerveau se déconnecte pour se protéger. Ces fragments, ce sont des bouts de mémoire… Les siens. Une mémoire qu’elle va tenter de recomposer peu à peu, après…
Car votre récit raconte une quête, sinon une enquête et, surtout, une reconstruction…
A. W. : Oui, ce qui m’intéressait, c’était de parler des traces que cet événement traumatique avait laissées et de montrer un chemin de reconstruction. Revoir Paris est un film qui traite plus de la vie, du bonheur, que de la mort. Mia, comme toutes mes héroïnes précédentes d’ailleurs, est un personnage qui serre les dents. Elle est dans les limbes, un peu comme un fantôme, mais elle ne se plaint pas. C’est une
femme active, elle essaie de s’en sortir par elle-même, mais aussi en se connectant aux autres grâce à une association de survivants. Je suis beaucoup allée, moi-même, sur les forums des victimes. J’y ai rencontré une communauté forte de personnes qui essayaient de se reconstruire ensemble. Ça m’a beaucoup touchée, d’où mon envie d’un film choral, avec des personnages d’horizons très différents. Mia reste néanmoins le fil rouge de ce cheminement collectif.
Elle captive d’autant plus qu’elle est interprétée par une Virginie Efira intense et sans fard…
A. W. : J’avais un désir de tourner avec Virginie depuis longtemps. Je voulais l’emmener vers quelque chose de dépouillé. Le rôle de Mia se prêtait à cela, mais c’était courageux de sa part de se mettre à nu ainsi, sans maquillage. Il y a vraiment
des moments où la profondeur de son jeu et sa force vitale m’ont impressionnée… In fine, elle est presque dans chaque plan du film (rires) !
Revoir Paris, d’Alice Winocour. Sortie le 7 septembre.