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© Pyramide distribution - Sébastien Goepfer

« Une his­toire d’amour et de désir » : Leyla Bouzid filme la fra­gi­li­té masculine

Une his­toire d’amour et de désir raconte comme jamais l’éveil sen­suel d’un gar­çon issu d’un quar­tier popu­laire. Une mer­veille d’intelligence, qui pul­vé­rise bien des codes, en salles ce 1er sep­tembre. Rencontre avec Leyla Bouzid, sa fou­gueuse réa­li­sa­trice franco-tunisienne…

Causette : Votre pre­mier film, A peine j’ouvre les yeux, dres­sait le por­trait d’une jeune fille rock and roll et enga­gée. Le deuxième, lui, se concentre sur un jeune homme réser­vé, fra­gile, épris de lit­té­ra­ture…
Leyla Bouzid :
Oui, c’est vrai. D’ailleurs, Ahmed a besoin de temps pour prendre en charge son désir et son sen­ti­ment amou­reux pour Farah. Mais c’est cela, jus­te­ment, que je vou­lais racon­ter : un jeune homme de culture arabe – parce que c’est la culture que je connais le mieux –, qui doute, qui a des fra­gi­li­tés, qui n’assume pas ses élans de vie. On a toutes croi­sé des hommes timides, mes copines et moi ! Sauf que cette timi­di­té est très peu repré­sen­tée au ciné­ma. Surtout dans les pays du Sud. Donc, voi­là, à tra­vers le par­cours de ce jeune Français d’origine algé­rienne, j’avais envie de fil­mer quelque chose qui existe, mais qu’on ne voit jamais… Au fond, je vou­lais redon­ner une vraie place à la fra­gi­li­té mas­cu­line. Ma façon à moi de redon­ner une part de mys­tère au mas­cu­lin ! Et puis, bon, ce n’est pas parce que je suis une femme que je dois être affec­tée aux sujets fémi­nins [rires] !

Une his­toire d’amour et de désir raconte une ren­contre par­ti­cu­lière : celle d’un jeune Français ban­lieu­sard qui, à la faveur d’un cours de poé­sie à la fac, flashe sur une jeune Tunisienne plus bour­geoise. Pourquoi ce téles­co­page ?
L. B. :
Parce que je vou­lais remettre de la diver­si­té dans la diver­si­té ! Je suis née et j’ai gran­di en Tunisie, je suis venue en France pour mes études, j’y suis res­tée, puis j’ai acquis la double natio­na­li­té en 2016 : je peux vous assu­rer que les Maghrébins de France sont mul­tiples, mais aus­si qu’ils forment plu­sieurs socié­tés qui ne se ren­contrent jamais. C’est une ques­tion com­plexe, tis­sée d’a prio­ri socio­cul­tu­rels et de rejets réci­proques. Raison pour laquelle j’ai vou­lu que mon film pri­vi­lé­gie la nuance. Mais j’irai plus loin encore : à tra­vers la ren­contre d’Ahmed et de Farah, Une his­toire d’amour et de désir raconte, au fond, la ren­contre entre un gar­çon et lui-​même. C’est donc bel et bien un film sur l’identité…

Vous don­nez à voir la pre­mière expé­rience sexuelle d’un gar­çon, et c’est très rare au ciné­ma. Comment l’expliquez-vous ?
L. B. :
Alors, ça ! C’est sidé­rant que ce soit si peu trai­té, comme s’il n’y avait pas de sujet ! Surtout quand on songe à la quan­ti­té de films qui abordent la vir­gi­ni­té fémi­nine, tou­jours avec les mêmes para­mètres, le sang, la dou­leur, l’hymen… Pourtant, que l’on soit fille ou gar­çon, cette pre­mière fois, ça n’est pas rien. Pour Ahmed, cet évé­ne­ment est d’autant plus impor­tant qu’il res­sent à la fois de l’amour et du désir pour Farah. Il est sub­mer­gé. Il lui aurait été sans doute plus facile de l’aimer pla­to­ni­que­ment, ou de cou­cher avec elle juste pour cou­cher, sans sen­ti­ments ! Reste qu’il y a encore autre chose der­rière cette séquence. Des gar­çons vierges de 22 ans qui n’avaient aucun livre ou film pour les accom­pa­gner, j’en ai connu ! C’est aus­si à eux que j’ai pen­sé en pro­po­sant ce moment cinématographique… 

Une his­toire d’amour et de désir, de Leyla Bouzid. Sortie le 1er septembre.

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