Vraiment de quoi vous régaler, entre les derniers Paul Thomas Anderson et Robert Guédiguian et la sortie en version restaurée du film culte Neige.
Premier amour
Surprise ! La comédie romantique a beau être un genre des plus fréquentés, l’inclassable Paul Thomas Anderson (Punch Drunk Love, Magnolia, There Will Be Blood) parvient quand même à la revisiter de manière très personnelle, délicieusement farfelue. La fraîcheur de Licorice Pizza, son neuvième opus, peut s’expliquer par son contexte : la Californie des années 1970, juste avant le Watergate et la fin d’une certaine « innocence » américaine. Mais aussi par ce qui nous est raconté : le premier amour d’un acteur de 15 ans (merveilleusement incarné par Cooper Hoffman, le fils de Philip Seymour Hoffman) pour une jeune fille de quelques années son aînée. Jalonné de séquences, de chansons et de personnages flamboyants, ce film pop, doux-dingue, « mélancomique » à souhait, déroute autant qu’il obsède. Tel l’amour, son grand sujet…
Licorice Pizza, de Paul Thomas Anderson. Sortie le 5 janvier 2022.
Sur un air d’indépendance
Loin de Marseille, Robert Guédiguian s’est donné comme défi d’aller filmer la jeunesse dans le Mali fraîchement indépendant de 1962. Drôle d’idée ? Pas forcément. En sondant l’expérience (inachevée) du socialisme panafricain, le cinéaste français reste proche de ses thèmes favoris. à savoir le collectif, l’entraide ou l’amour (entre un jeune bourgeois idéaliste et révolutionnaire et une jeune villageoise mariée de force et en fuite)… Autant de belles utopies qui vont inévitablement se heurter aux réalités (nettement moins jolies) de la politique et de la décolonisation. Sans doute, le parallèle entre l’histoire de ce jeune couple et celui de leur pays semble-t-il naïf au départ. Mais plus le récit avance et plus il sonne juste, comme boosté par l’esprit de fête (et la musique yéyé) qui accompagnaient, alors, ces tendres années.
Twist à Bamako, de Robert Guédiguian. Sortie le 5 janvier 2022.
Tous accros à Juliet Berto
C’est ce que l’on appelle un film « culte ». Sorti en salles il y a quarante ans, Neige nous revient en version restaurée : l’occasion de vérifier à quel point son aura, un peu blême et rêveuse, est unique. De quoi largement nous faire décoller de nouveau. Attention, quand bien même la « neige » du titre désigne une drogue – l’héroïne – en argot (vieilli), il n’a jamais été question pour ce faux thriller français d’en faire l’apologie. Ni même de jouer la carte du film de genre shooté à l’action ou à la violence. Certes, l’on y voit dealers et policiers s’affronter tout au long d’un récit noctambule et flâneur. Mais sa substance – et son charme – sont ailleurs.
D’abord, il y a son terrain de jeu. Neige déroule son intrigue prétexte entre Pigalle, Anvers, Barbès, La Goutte‑d’Or, Montmartre ou Belleville, et ce sont bien ces quartiers chauds du Paris de 1981 qui stupéfient en premier lieu. Parce qu’ils sont filmés de façon directe, toujours dans le mouvement et la vie. Et parce qu’ils donnent à voir une diversité – de visages, de cultures, de personnages – rarement montrée dans le cinéma hexagonal des années 1970–1980 (à peine davantage en 2021).
Les personnages, justement, parlons-en ! Pas de héros, mais une constellation de perdants magnifiques (et de seconds rôles épatants) qui gravitent autour d’Anita, barmaid lunatique. C’est elle, au fond, la véritable héroïne de Neige… D’autant plus qu’elle est interprétée par Juliet Berto, brune égérie de la Nouvelle Vague, et, surtout, coscénariste et coréalisatrice avec Jean-Henri Roger de cette première œuvre si attachante. En clair, elle les rend tous accros.
Neige, de Juliet Berto et Jean-Henri Roger. Sortie le 5 janvier 2022.