Au programme de cette semaine : un récit amoureux tourmenté avec Un couple, de Frederick Wiseman et un périple qui dénonce comme jamais la violence des humains à l’égard des animaux avec Eo, de Jerzy Skolimowski.
Un couple, de Frederick Wiseman
Joies, affres et violences de la vie conjugale : tel pourrait être l’exergue de ce film qu’il convient de découvrir daredare. D’autant qu’il sait être court (1 h 03), sans doute pour transmettre au mieux la fulgurance de son propos !
En dehors des codes, Un couple l’est de toute façon. Déjà parce qu’il est signé Frederick Wiseman, un documentariste américain dont l’œuvre foisonnante, couronnée de prix, s’est davantage préoccupée de politique que d’intimité jusqu’alors. Et ensuite parce qu’il s’agit de l’adaptation du journal de Sofia Tolstoï et de sa correspondance avec son grand écrivain de mari, Léon (1828- 1910). Un couple hors normes dont les trente-six années de mariage furent jalonnées de disputes épouvantables comme de réconciliations ardentes.
Le plus surprenant ? Chacun des mots de ce récit tourmenté résonne de façon contemporaine. De fait, on y entend la description précise, bouleversante, d’une relation construite sur de mauvaises bases et devenue toxique. Sofia, femme éduquée, créative et amoureuse, semble ainsi plonger peu à peu dans un état de servitude absolu (elle gère seule l’immense domaine de Tolstoï, élève leurs treize enfants, lui sert de copiste et de correctrice, etc.).
Certes, il s’agit d’un monologue, et certes, il ne fait état que de son point de vue. Nul embarras ni lassitude pour autant. Donner la parole à celles qui en ont été privées si longtemps est toujours une bonne idée. Et puis cette parole est saisie dans un décor extraordinaire : un jardin dont la douceur ne fait que renforcer la violence de ce qui est conté. Ultime raison de se frotter à ce film minimaliste : la performance de Nathalie Boutefeu dans le rôle de Sofia. Grâce à elle, ce texte du XIXe siècle devient accessible, vivant… urgent.
Un couple, de Frederick Wiseman. En salles.
Eo, de Jerzy Skolimowski
D’aucuns qualifieront Eo d’ovni. Le nouveau film de Jerzy Skolimowski, cinéaste sans concession, est en effet très original… Même s’il s’inspire, au départ, du film de Robert Bresson Au hasard Balthazar (1966). Disons qu’il le réactualise, puisqu’il donne à voir le monde d’aujourd’hui à travers le regard mélancolique… d’un âne ! Ballottée à travers l’Europe, ladite créature dénommée Eo (Hi-Han, en polonais) y rencontre des gens bien et d’autres mauvais, trottinant d’un cirque à une écurie ou un refuge. Un périple pas bête : il permet de dénoncer comme jamais la cruauté et la violence des humains à l’égard des animaux. Si l’on exclut une scène saugrenue avec Isabelle Huppert et une musique trop forte, ce récit émouvant emporte donc pour de bonnes raisons. Sachant que la beauté des images, à couper le souffle parfois, favorise pas mal le transport.
Eo, de Jerzy Skolimowski. En salles.