En adaptant librement Passion simple, court récit impétueux signé Annie Ernaux,
la cinéaste Danielle Arbid offre un premier rôle passionnant d’ambivalence
à Laetitia Dosch. Rencontre avec une actrice solaire, libre, sans filtre…
Causette : Étiez-vous familière de l’œuvre d’Annie Ernaux avant d’accepter de jouer le rôle principal du film de Danielle Arbid ?
Laetitia Doch : Oui, je connaissais bien son univers. Deux de ses livres m’avaient frappée en particulier. Mémoire de fille, qui raconte la perte de sa virginité. J’avais trouvé cela très courageux. Et puis La Femme gelée, qui revient sur sa vie de femme mariée. Quant à Passion simple, j’adorais. Là encore, je trouve courageux de sa part non seulement de vivre cette passion amoureuse, mais d’exprimer ces choses cachées. Tout ça pour dire qu’Annie Ernaux était une référence pour moi. J’ai eu la chance de la rencontrer. Quand elle a su que j’allais interpréter son personnage, elle est venue voir mon spectacle, Hate, et l’on a déjeuné ensemble. C’est drôle, on ne se connaissait pas du tout et pourtant j’ai eu l’impression qu’on faisait partie de la même famille.
Passion simple est une autofiction. Incarner Annie Ernaux, femme libre et grande dame de la littérature, ça fait peur ou pas du tout ?
L. D. : Non, pas du tout et je vais vous dire pourquoi : Annie Ernaux est une super directrice d’actrice à sa façon. Elle est tellement précise ! Tout est écrit, il n’y a qu’à suivre le mode d’emploi. Danielle Arbid est également une cinéaste très précise. Je pense d’ailleurs que si Annie Ernaux s’est reconnue dans le film, qu’elle a aimé, c’est grâce à la précision du regard, hyper analytique, de Danielle.
Hélène, votre personnage, est paradoxale. Brillante universitaire, elle élève seule son fils et se retrouve à attendre, pendant un an, un homme qui a fait d’elle un simple objet de désir…
L. D. : C’est une vision ambivalente, oui. Complexe, en tout cas. Je trouve ça important qu’il y ait des visions différentes des femmes au cinéma et qui puissent faire débat. Le pire serait que toutes les femmes soient semblables. Honnêtement, ce personnage me dérangeait, mais ça me plaisait d’être dérangée… et de déranger le public ! En fait, le paradoxe m’intéresse. Bien sûr, Hélène, mon personnage, se perd dans l’addiction qu’elle éprouve pour cet homme. En même temps, on a l’impression qu’elle redécouvre son corps à travers cette histoire. Elle suit son désir. Elle le fait même passer avant tout. C’est donc aussi une forme de libération pour elle. Finalement, Passion simple est un film dangereux… On ne vous dit pas quoi penser. C’est ça qui me plaît.
Vous vous exposez beaucoup dans ce film, à travers plusieurs scènes d’amour et de nudité. Compliqué ?
L. D. : Ces scènes n’existent pas dans le livre, mais c’était important qu’on les voie. Comme disait Danielle : il faut parler de ces choses-là vraiment ! Elle a donc filmé ces scènes au millimètre, en plein jour, de façon solaire mais sans sentimentalisme. Après, oui, ça n’est pas facile, la nudité sur grand écran. Mais j’ai trouvé ça intéressant, car du coup, je me suis posé des questions sur ce qu’on attend d’un corps nu féminin. Donc par ricochet sur ce que je suis capable d’assumer. En l’occurrence… j’ai fait du sport et des régimes en amont pour être bien [rires] !
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