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Maguerite Bouchard dans le rôle de Charlotte.© Les Valseurs

La sélec­tion de juin 2019

Charlotte a 17 ans, de Sophie Lorain

On n’est pas sérieux, quand on a 17 ans. Tout le monde connaît ce vers d’Arthur Rimbaud, qui iro­nise sur les jeux de l’amour et de la séduc­tion à l’adolescence. Un goût pour la baga­telle que la socié­té encou­rage volon­tiers si l’on est un gar­çon… Beaucoup moins si l’on est une fille, patriar­cat oblige ! Précisément : la Canadienne Sophie Lorain a choi­si de bous­cu­ler ces vieux cli­vages avec humour et acui­té. 
Son film a pour héroïne la très vive Charlotte, 17 ans donc, qui pense que sa vie est fichue après sa pre­mière rup­ture. Jusqu’à ce que cette Québécoise loquace (pas d’inquiétude, le film est sous-​titré) trouve un petit bou­lot dans un maga­sin de jouets rem­pli de jolis ven­deurs. De fait, on s’amuse bien dans ce lieu consa­cré au diver­tis­se­ment ! Surtout Charlotte, qui y enchaîne les aven­tures sans len­de­main. Avant que le qu’en-dira-t-on et la morale sexiste ne la rat­trapent. Mais cette fron­deuse futée a un plan…
À la fois moderne et atem­po­rel, grâce à son image en noir et blanc, Charlotte a 17 ans exhale beau­coup de fraî­cheur. Sans doute parce que sa réa­li­sa­trice a tota­le­ment exclu les adultes de son récit. Ses jeunes pro­ta­go­nistes y parlent ain­si sans filtre (de sexe, beau­coup ; de sen­ti­ments, éven­tuel­le­ment…). Bien joué ! Non seule­ment son film est « fun », mais il est cash. Comme rare­ment. A. A.

Greta, de Neil Jordan

Isabelle Huppert hyper flip­pante en mère psy­cho­pathe ? Ça relève au bas mot du pléo­nasme, tant cette (grande) actrice a mul­ti­plié les rôles déviants/​inquiétants tout au long de sa riche car­rière. Pourtant, la dame épate encore dans le nou­veau film de Neil Jordan. Mieux : elle en fait des tonnes, mais elle vise juste, comme sou­vent, puisque Greta est un film de genre – option horreur-​épouvante –, qui joue à fond avec les codes. Autant dire que la ren­contre, à New York, entre « la » Huppert (veuve faus­se­ment fra­gile mais vraie serial killeuse…) et Chloë Grace Moretz (gen­tille orphe­line qui tombe évi­dem­ment dans ses filets) répond à toutes nos attentes. Certes, le récit est (un peu) pré­vi­sible, mais ses rebon­dis­se­ments et son atmo­sphère n’en res­tent pas moins affo­lants, donc jubi­la­toires. A. A. 

11 fois Fatima, de João Canijo

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11 fois Fatima © JHR Films

Sacrée expé­rience que ce film signé João Canijo ! Au sens propre comme au sens figu­ré : il relate un pèle­ri­nage effec­tué en 2016 par onze femmes d’un même vil­lage du nord du Portugal. Ces voisines/​copines s’étant lan­cées, un beau jour de mai, dans une marche de 400 km pour rejoindre, en dix jours, le sanc­tuaire de Fatima (l’équivalent por­tu­gais de Lourdes). 
« La foi trans­porte les mon­tagnes », est-​il écrit dans la Bible ! Sauf qu’ici, il est assez peu ques­tion de com­mu­nion et d’allégresse. Rattrapées par la dure­té phy­sique de leur pro­jet (et leur pro­mis­cui­té 24 heures sur 24), les pèle­rines frisent la crise de nerfs, sinon les règle­ments de comptes fiel­leux. Pas très chré­tien, tout ça… Mais drô­le­ment humain, en revanche ! 
Précisément : 11 fois Fatima dépasse son pieux contexte en adop­tant la forme pro­fane d’un récit d’apprentissage, jalon­né d’épreuves (ça râle et ça souffre beau­coup), de moments plus légers (ça chante et rit aus­si) et de plages de médi­ta­tion (lon­guettes). Peu à peu, des figures atta­chantes émergent de ce groupe brouillon. Grâce en soit ren­due aux épa­tantes comé­diennes… Car oui, au fait, en dépit des appa­rences, cet hyper mara­thon n’est pas un docu­men­taire, mais une fic­tion ! Une sorte de petit miracle. A. A.

Parasite, de Bong Joon-Ho

Si vous avez déjà goû­té aux charmes mutants du ciné­ma coréen, vous savez que Bong Joon-​Ho (Memories of Murder, The Host, Mother) en est l’un de ses plus réjouis­sants ambas­sa­deurs. Il le prouve à nou­veau avec Parasite (dûment sélec­tion­né à Cannes). Le film com­mence un peu comme La Cérémonie, de Claude Chabrol : à Séoul, aujourd’hui, une tri­bu de chô­meurs infiltre (comme domes­tiques) une famille richis­sime pour mieux la dyna­mi­ter de l’intérieur. Puis il rebon­dit et bifurque du thril­ler à la farce bur­lesque, en pas­sant par l’épouvante. Délivrant, in fine, une fable cor­ro­sive sur les luttes de classes et leurs vio­lences contem­po­raines. Tout ça sans temps mort et en toute flui­di­té ! A. A.

Nevada, de Laure de Clermont-Tonnerre

Il fal­lait oser ! Investir deux des registres les plus sup­po­sé­ment virils du ciné­ma – le wes­tern et le film de pri­son – est aus­si rare qu’audacieux venant d’une femme cinéaste. Française qui plus est (même si elle vit aux États-​Unis). Cela étant, Laure de Clermont-​Tonnerre n’est pas du genre à avoir froid aux yeux. Elle enfonce même le clou en ins­cri­vant son pre­mier long-​métrage dans une belle veine « clas­sique ». Digne héri­tière des maîtres d’antan ! Nevada raconte ain­si la lente rédemp­tion d’un déte­nu soli­taire et violent (Matthias Schoenaerts, magné­tique), lorsqu’il croise un éle­veur de mus­tangs et intègre son pro­gramme de for­ma­tion. Ou com­ment un hors-​la-​loi du Nevada se récon­ci­lie avec lui-​même (et sa fille) en appri­voi­sant un che­val sau­vage. Simple, sobre, puis­sant. Emballant ! A. A.

L’Autre Continent, de Romain Cogitore 

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Déborah François et Paul Hamy, dans L'Autre Continent. © Sophie Dulac Distribution 

Ces deux amou­reux parlent une ving­taine de langues à eux deux. Mais pour celle du cœur, y a comme qui dirait des lacunes. Maria, guide tou­ris­tique à Taïwan, ren­contre Olivier, étu­diant et tra­duc­teur. Elle est cash, il est réser­vé… elle devra qua­si­ment le for­cer à l’embrasser. On se sent embar­qué, rythme de croi­sière, dans une jolie comé­die roman­tique, dou­ce­ment déca­lée dans cet ori­gi­nal contexte de lin­guistes affû­tés. Déborah François et Paul Hamy sont atta­chants, elle en fou­gueuse déter­mi­née, lui en génie lunaire. Esthétique soi­gnée, images d’une poé­sie lumi­neuse, le récit file tout droit. Mais le voi­là qu’il s’emballe bru­ta­le­ment, bifurque vers une autre réa­li­té, celle d’une mort annon­cée. Dès lors, plus rien d’attendu : les per­son­nages, le récit, les images, tous les élé­ments de ce long-​métrage inclas­sable vont sans cesse être réin­ven­tés. Passant du ­réa­lisme poin­tilleux au fan­tas­tique évo­ca­teur, le réa­li­sa­teur Romain Cogitore tis­se­ra jusqu’au plan final une his­toire sur­pre­nante, his­toire d’amour amère ou peut-​être de mélan­co­lie. I. M.

Dirty God, de Sacha Polak

Un film dur n’est pas néces­sai­re­ment un film sombre. Celui-​ci, réa­li­sé par une cinéaste néer­lan­daise très douée, le démontre de façon écla­tante. Dirty God étin­celle d’énergie et de grâce alors que tout, au départ, converge vers la tra­gé­die. Jugez plu­tôt : Jade, son héroïne issue des quar­tiers sous-​prolos de Londres, a été brû­lée à l’acide par un ex-​fiancé rageux. Ambiance réa­liste, dans la grande tra­di­tion du ciné­ma social anglais : on est saisi·e. D’abord par la force com­plexe du per­son­nage (Jade est aus­si une très jeune maman fêtarde). Ensuite par le cha­risme hal­lu­ci­nant de Vicky Knight dans ce rôle dif­fi­cile (elle est elle-​même une grande brû­lée). Et enfin par l’allant du récit. Qui trace sa route avec la même fraî­cheur que Jade. De fait, Dirty God raconte bel et bien sa recons­truc­tion. A. A.

Festival inter­na­tio­nal du film d’animation d’Annecy

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© D.R.

On l’a vu lors du Festival de Cannes, impos­sible, désor­mais, de faire fi des femmes dans l’univers du ciné­ma. Côté ani­ma­tion, même com­bat. L’an der­nier, le Festival inter­na­tio­nal du film d’animation d’Annecy signait la charte 50–50 × 2020, pour la pari­té et la diver­si­té. Alors, alors ? Eh bien, la pro­messe devient concrète, en effet. Le comi­té de sélec­tion des films est bien pari­taire et le jury, majo­ri­tai­re­ment fémi­nin. Ça se gâte en ce qui concerne la liste des films sélec­tion­nés, mais force est de consta­ter que le pro­blème est situé bien en amont. Car, comme pour le ciné­ma, même si les étu­diantes sont de plus en plus nom­breuses dans les écoles d’animation, à l’arrivée, les réa­li­sa­trices sont encore peu pré­sentes. Ainsi, cette année, à peine 11 % des longs-​métrages sou­mis au comi­té de sélec­tion ont été réa­li­sés ou coréa­li­sés par des femmes. N’empêche, elles figurent dans toutes les sélec­tions, des longs-​métrages à la réa­li­té vir­tuelle, en pas­sant par les Work in pro­gress. 
En dehors des pro­jec­tions, les tré­pi­dantes asso­cia­tions Les Femmes s’animent et Women in ani­ma­tion pro­posent les Rencontres inter­na­tio­nales des femmes dans l’animation, une jour­née entière de débats et de confé­rences autour de l’appartenance. En par­te­na­riat, avec Causette et le CNC, elles orga­nisent éga­le­ment des petits-​déjeuners débats chaque matin. Le CNC, avec Causette, vous convient, par ailleurs, à une table ronde sur le thème « Quid des gar­çons ? ». Aujourd’hui, alors que les sté­réo­types de genre sont remis en ques­tion (tant mieux !), les auteur·es de films d’animation prennent à bras-​le-​corps la révo­lu­tion qui en découle : « À quoi peuvent res­sem­bler les per­son­nages mas­cu­lins ? » Tout un champ des pos­sibles… On vous attend nom­breuses… et nom­breux ! I. M.

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