Dans les salles cette semaine : une quête de liberté, des retrouvailles british et un documentaire coup de poing.
Échappée belle, Hit The Road, de Panah Panahi.
Des films iraniens qui se déroulent dans une voiture, ultime espace de liberté, on en a déjà vu. Beaucoup. Celui-là, pourtant, se démarque par sa fraîcheur, son humour, sa beauté. Mieux encore, le premier long-métrage de Panah Panahi (fils de Jafar Panahi, l’un des réalisateurs les plus talentueux de son pays) donne à voir un voyage inédit. Inouï !
Il faut dire qu’emprunter le ton de la comédie pour raconter une fuite – voire un exil douloureux – est assez inattendu au vu du contexte politique en Iran. De fait, Hit the Road suit avec un vrai sens du burlesque les tribulations d’une famille en route vers une destination secrète. La mère rit de tout au volant, le plus jeune fils, un garçonnet volubile, ne cesse de chanter et de jouer avec son chien, tandis que le père, empêché par une jambe plâtrée, vanne à tout bout de champ sur la banquette arrière. Seul le fils aîné, âgé d’à peine 20 ans, reste silencieux. Un mutisme qui n’empêche en rien le récit d’avancer, de respirer, de vibrer…
D’abord parce que cet humour tendre, taquin, surprend et charme tout le long, même si l’on saisit peu à peu qu’il camoufle de sombres inquiétudes ( jamais vraiment formulées et ce mystère est aussi la grande force du film). Ensuite parce que les acteur·rices rayonnent de naturel et de charisme. Et enfin parce que les paysages traversés par ce véhicule frondeur nous transportent. À tout point de vue ! Amples, variés, sublimes, ils rappellent combien l’être humain est précaire, incertain, minuscule. Incidemment, ils témoignent de la qualité du regard de
Panah Panahi, qui n’est qu’au tout début, gageons-le, de sa route vers les sommets du 7e art.
Émouvantes retrouvailles avec Downton Abbey II : une nouvelle ère, de Simon Curt.
Les millions de fans de la série Downton Abbey vont pouvoir souffler un grand coup : cette deuxième adaptation sur grand écran est bien meilleure que la première ! Conçu comme une suite, avec de nouveaux mariages et un décès (mais chut…), ce long-métrage made in England ravit pour deux raisons. D’abord parce qu’il est toujours émouvant de retrouver les figures familières, un brin vieillissantes, de la grande famille
Crawley et de ses domestiques (plus quelques petits nouveaux). Ensuite parce qu’une partie de son intrigue se concentre sur le tournage, à Downton, d’un film hollywoodien muet… puis parlant (nous sommes en 1928, année char- nière). Ambiance teintée de glamour assurée ! Oscillant entre mélo et autodérision british, cette fresque pimpante est l’exacte incarnation de ce que l’on nomme, outre-Manche, un«feel good movie ».
Un flow tempétueux avec Ghost Song, de Nicolas Peduzzi.
À la fois hypnotique et chaotique, hallucinatoire et un brin fabriqué, ce documentaire distille une curieuse ambiance de fin du monde. Sans doute parce qu’il déroule son récit dans la cité crépusculaire de Houston, au Texas, tandis qu’un ouragan approche. Sûrement aussi parce qu’il accompagne les déambulations de trois jeunes marginaux (dont une cheffe de gang rappeuse assez inoubliable). Reste qu’en dépit de leurs aléas (dope et violence, pour l’essentiel), ces âmes errantes, abandonnées, n’ont pas dit leur dernier mot. Une rage ultime les anime, qui se nomme… musique. Non seulement elle irrigue leur survie, et peut-être leur rédemption, mais elle finit par nous transporter. Plus encore, in fine, que la beauté sauvage des plans de Nicolas Peduzzi.