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Catherine Corsini, réa­li­sa­trice de "La Fracture" : « Je vou­lais m’amuser de notre mau­vaise conscience et de nos contradictions »

Épatant d’humour et de colère, La Fracture nous immerge au cœur de la crise des « gilets jaunes » et de l’hôpital public, aux côtés de Marina Foïs, Valeria Bruni Tedeschi et Pio Marmaï. Explications avec Catherine Corsini, sa réalisatrice.

Causette : Après deux films d’époque – La Belle Saison et Un Amour impos­sible –, vous plon­gez dans une actua­li­té sociale brû­lante avec La Fracture. Pourquoi ?
Catherine Corsini : Parce que je trouve le ciné­ma trop hors-​sol en ce moment. La socié­té est tel­le­ment en crise ! En fait, cela fai­sait un bout de temps que je vou­lais réa­li­ser un film qui prenne en compte ce qui se passe dans la socié­té aujourd’hui. Mais je tour­nais autour sans trop savoir com­ment m’y prendre. Je savais, en tout cas, que je ne vou­lais pas faire un film pen­sum, qui désigne les bons et les méchants. Je pen­sais beau­coup à l’humour cor­ro­sif de Nanni Moretti, sa façon bur­lesque de dire des choses pro­fondes sur la socié­té. Et à Chaplin aus­si, un maître absolu ! 

Pourquoi avoir choi­si l’hôpital comme lieu emblé­ma­tique de cette frac­ture sociale fran­çaise ? 
C. C. : La nuit du 1er décembre 2018, je suis tom­bée et me suis retrou­vée aux urgences de l’hôpital Lariboisière, à Paris. J’ai décou­vert, sur place, une arène incroyable où se croi­saient des gens très dif­fé­rents. Après cette expé­rience, je me suis dit que c’était le lieu idéal pour racon­ter ce qui me pré­oc­cu­pait. Très vite, j’ai eu envie de plon­ger un couple de femmes d’un milieu aisé dans cet endroit chao­tique, sous ten­sion per­ma­nente. Il me ­sem­blait que cela pou­vait don­ner lieu à des confron­ta­tions et rendre compte des contrastes et des souf­frances de notre socié­té. Bien sûr, c’était un vrai défi en termes de mise en scène, mais hyper passionnant ! 

Ce couple bobo, cha­mailleur et bur­lesque, incar­né par Marina Foïs et Valeria Bruni Tedeschi, s’inspire de celui que vous for­mez avec votre pro­duc­trice Élisabeth Perez dans la vraie vie. Pourquoi cette expo­si­tion ? 
C. C. : Le film oscille entre docu­men­taire et fic­tion, c’est vrai, mais j’ai quand même pas mal char­gé la mule ! Exprès. Je vou­lais m’amuser de notre mau­vaise conscience et de nos contra­dic­tions. Je suis issue d’une géné­ra­tion qui vou­lait une socié­té éga­li­taire et qui a cru que le monde allait chan­ger. Quand je vois ce qu’on laisse aux jeunes, aujourd’hui, j’ai l’impression de ne pas avoir été la hau­teur. C’est une grande décep­tion. En fait, ce couple de femmes me per­met de racon­ter des choses poli­tiques, et à tous les niveaux ! Par exemple, elles vivent en couple, mais ça n’est pas le sujet : c’est donc aus­si une façon de bana­li­ser l’homosexualité. 

Le regard que vous por­tez sur Yann, le jeune « gilet jaune » inter­pré­té par Pio Marmaï, est tou­jours empa­thique en revanche… 
C. C. : Parce que ce rou­tier qui vit encore chez ses parents faute d’argent et qui est prêt à tout pour gar­der son bou­lot, eh bien, c’est le héros sacri­fié. D’ailleurs, elles, elles vont retour­ner dans leur petit monde, mais pas lui. C’était impor­tant pour moi car Yann, au fond, c’est l’incarnation des « gilets jaunes » et des vio­lences ­exer­cées contre eux. Je me suis beau­coup ­docu­men­tée sur le sujet. À tra­vers lui, je vou­lais mon­trer leur ­can­deur et leur sincérité…

La Fracture, de Catherine Corsini. En salles. 

Voir la bande annonce du film : 
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