Un conte d’épouvante sur la violence masculine, un documentaire émouvant sur une lignée de femmes marquée par l’exil, une rom’com enchantée sur un couple faisant maison à part : voici les sorties ciné du 21 février.
Le Successeur
Xavier Legrand persiste et signe. Après Jusqu’à la garde, son premier film glaçant, magistral, sur les violences conjugales, le cinéaste français sonde de nouveau la violence masculine avec Le Successeur, cette fois à travers une relation père-fils toxique. C’est dire si la figure de l’ogre et le patriarcat hantent ses récits, hier par le biais d’un thriller malaisant, aujourd’hui par celui d’un conte d’épouvante situé au Québec.
Le Successeur nous entraîne en effet dans les pas d’Ellias, homme solitaire, quoique célébré (Marc-André Grondin assez surprenant dans ce rôle contradictoire). Il vient tout juste d’être nommé directeur artistique d’une célèbre maison de haute couture française lorsqu’il apprend le décès de son père, qu’il ne voit plus depuis de nombreuses années. À son corps défendant, il se rend donc au Canada pour régler sa succession… et cette filiation qui l’incommode autant qu’elle l’inquiète.
Jouant avec les codes du genre (la maison du père en forme de dédale, le terrible secret derrière la porte…), le nouvel ffilm de Xavier Legrand peut sembler un peu convenu parfois, sinon brumeux. Il n’en reste pas moins efficace au bout du compte (et du conte). Bien sûr, s’il emprunte le motif de la spirale aux grands films psychanalytiques d’Hitchcock et de Fritz Lang, c’est d’abord pour dénouer les fils d’un passé traumatique (tout le récit est construit en forme de crescendo). Mais c’est aussi pour questionner la transmission de cette violence, et toute l’ambivalence de la fameuse expression “tel père, tel fils”. Intéressant !
![“Le Successeur”, “Bye Bye Tibériade”, “Double foyer”… Les sorties ciné de la semaine 2 Capture decran 2024 02 19 a 2.25.32 PM](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/02/Capture-decran-2024-02-19-a-2.25.32-PM.png)
Le Successeur, de Xavier Legrand.
© Haut et Court
Bye Bye Tibériade
Difficile, au vu du contexte, de ne pas relier ce documentaire à la tragédie qui se joue actuellement en Palestine, donc de ne pas l’inscrire dans un cadre politique. Reste que Bye Bye Tibériade est d’abord un film intime, très personnel, qui déploie ses souvenirs, ses regrets et ses souffrances à travers quatre générations de femmes et beaucoup d’amour.
En fait, ce que veut explorer Lina Soualem, au départ, c’est l’histoire de sa mère, Hiam Abbass, magnifique actrice et réalisatrice franco-palestinienne, que l’on peut retrouver aussi bien dans un film d’auteur tunisien que dans une production signée Steven Spielberg ou dans la série Succession. Née en 1960 en Galilée, à trente kilomètres de Tibériade dont est originaire sa famille, elle a quitté cette terre oppressée et oppressante à la vingtaine, à la fois pour devenir actrice et pour préserver sa liberté de femme, explique-t-elle à sa fille face caméra, non sans émotion. Une énergie qui n’est pas née de nulle part découvre-t-on peu à peu : elle rejoint celles de sa mère (institutrice) et de sa grand-mère (couturière), l’une et l’autre ayant connu, elles aussi, l’exil et le déracinement…
Mélangeant images tournées aujourd’hui, films de famille datant des années 1990 et archives historiques (montrant comme rarement l’exode des réfugiés palestiniens en 1948), Bye Bye Tibériade bouleverse à plus d’un titre. Et d’abord parce qu’il nous donne à voir une image de la femme arabe bien plus fine et complexe que d’habitude.
![“Le Successeur”, “Bye Bye Tibériade”, “Double foyer”… Les sorties ciné de la semaine 3 Capture decran 2024 02 19 a 2.18.55 PM](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/02/Capture-decran-2024-02-19-a-2.18.55-PM.png)
Bye Bye Tibériade, de Lina Soualem.
© JHR films
Double foyer
Plutôt que “d’amour et d’eau fraîche”, les protagonistes du premier film de Claire Vassé vivent “d’amour et d’espace”. Et pourquoi pas ? Lili (lumineuse émilie Dequenne) et Simon (Max Boublil, inattendu) s’aiment mais ont choisi de ne pas habiter ensemble. Histoire de ne pas sombrer peu à peu, inévitablement, dans l’ennui. Abel, leur fils, partage donc son temps entre deux maisons. Un arrangement qui semble convenir à cette famille unie, jusqu’au jour où les accidents de l’existence bousculent leurs choix… Première qualité : on circule beaucoup dans Double Foyer, et pour cause ! Mieux encore, on serpente entre le cinéma de Rohmer et celui de Demy, puisque cette rom’com délicate, dûment jalonnée de chansons, diffuse une gaieté fragile, dans le sillon de ses aînés. Décalé, Double foyer se distingue aussi par son attention aux décors, qui racontent bien mieux qu’un dialogue qui sont Lili et Simon. Un couple amoureux, pas nécessairement “bobo” (lui est garagiste, elle agent immobilier), mais très attachant. Comme l’est cette fable moderne, qui nous rappelle fort justement qu’il n’est point besoin de posséder pour aimer.
![“Le Successeur”, “Bye Bye Tibériade”, “Double foyer”… Les sorties ciné de la semaine 4 Capture decran 2024 02 19 a 2.21.31 PM](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2024/02/Capture-decran-2024-02-19-a-2.21.31-PM-752x1024.png)
Double Foyer, de Claire Vassé.
© Nour Films