Livres, musique, film, documentaire… La rédaction de Causette vous propose ses recommandations culturelles à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes.
Dans la tête de certain·es, le 8 mars c'est encore la Journée de la femme, où il faut, poussé·es par des publicitaires aguerris, offrir un bouquet de fleurs ou une boîte de chocolats à sa grand-mère, sa mère, son épouse ou sa meilleure amie. Pour d'autres, c'est évidemment la Journée internationale des droits des femmes, l'occasion de se retrouver dans la rue et de manifester, entre autres, contre les violences sexistes et sexuelles ou les inégalités salariales.
En ce 8 mars 2022, la rédaction de Causette s'est décidée à vous proposer ses recommandations culturelles et féministes. Des œuvres parfois méconnues, que l'on apprécie particulièrement.

Livre épistolaire
Lettre à Grisélidis Réal, de Nancy Huston
Nancy Huston – l’une de mes reines de l’écriture, depuis de longues années et son Lignes de faille qui résonne toujours en moi – déclare son admiration à la poétesse Grisélidis Réal. Son presque double en bien plus « socialement scandaleux ». On est ému·e, bouleversé·e, on frissonne et on retient notre main de tourner les pages pour que dure encore ce plaisir de mise à nu en miroir. Parce que, bien sûr, l’écriture de Nancy Houston est là, fine et crue à la fois. Dans les deux cas, le père tant aimé et disparu, la mère envolée ou violente, des hommes qui agressent, que les relations soient tarifées ou pas, les grossesses voulues ou non, les fausses-couches… le rapport à son corps de femme, à la création et à l’écriture pour rester vivante… Au-delà, un questionnement par rapport au monde qui reste entier quand on est (née ou devient) femme. Un texte d’une beauté troublante.
Pascale Catala

Film
Le Dernier duel, de Ridley Scott
Une jeune femme mariée est violée, elle dénonce son violeur et, immédiatement, sa parole est mise en doute, sa réputation est ébranlée. L’histoire du Dernier duel (2021) aurait pu se produire à n’importe quelle époque mais il s’agit là d’une véritable affaire, vieille de huit siècles. Le film raconte le viol de Marguerite de Carrouges et le duel judiciaire qui opposa son mari, Jean de Carrouges au violeur, Jacques Legris en 1386. On se gardera bien de vous dévoiler l’issue du duel car l’intérêt du film se trouve ailleurs : en alternant les points de vue des protagonistes, renforçant de fait la version de la victime, le réalisateur Ridley Scott décortique le sort réservé aux femmes victimes de viol au temps de la guerre de Cent ans. Il est ici question d’une culture du viol omniprésente, du désir et du plaisir sexuel féminin et du traitement judiciaire de ces viols dans lequel la femme est bien souvent toujours la perdante. En témoigne l’un des personnages féminins du film : « La vérité ne compte pas. Seul le pouvoir des hommes compte. » Une fresque historique et féministe finalement tristement moderne.
Alison Terrien
Lire aussi I “Le dernier duel” : le film de Ridley Scott est-il réaliste quant aux violences sexuelles au Moyen-Âge ?

Roman
Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce, de Lola Lafon
De Lola Lafon, tout est bon. Encensés par la critique, La petite communiste qui ne souriait jamais et Chavirer, son dernier roman, ont raflé des prix prestigieux et auréolé l’écrivaine, également chanteuse et metteuse en scène, d’une certaine reconnaissance. Mais, s’il s’agissait de ne garder qu’une seule de ses œuvres, mon choix se porterait sans hésiter sur Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce, paru en 2011. Comme tous les bons bouquins, il ne se résume pas, ou si mal. Son titre, emprunté à l'anarchiste Voltairine de Cleyre, annonce cependant les réjouissances. Feu et sororité se détachent en clair obscur d’un fond de révolte sociale et féministe pendant que la prose envoûtante de l’autrice voile l’histoire d’un trouble poétique. Un exutoire magnifique, chaudement recommandé à quiconque couve une rage[…]