ÉDITO. Le parquet de Nanterre a débuté ses investigations il y a plus d'un an, en décembre 2021, mais l'AFP l'a appris cette semaine : le géant du pétrole TotalEnergies est sous le coup d'une enquête judiciaire pour « pratiques commerciales trompeuses » dans le domaine de l'environnement. En d'autres termes, la justice soupçonne la multinationale française de greenwashing.
C'est en raison d'une plainte au pénal, datée d'octobre 2020, de plusieurs associations de défense de l'environnement qui accusent Total – notamment – de dégradation de l'air que la justice s'est saisie de ce tentaculaire dossier. Et les associations ne manquent pas d'argument. Ainsi, en novembre dernier, Greenpeace publiait le rapport Bilan carbone de TotalEnergies : révélations et y écrivait : « En déclarant émettre 455 millions de tonnes de CO2 équivalent (CO2e) en 2019, TotalEnergies sous-évalue massivement ses émissions carbone, qui, selon nos calculs, s’élèveraient à 1 milliard 637 millions 648 mille tonnes de CO2e. »
Pour les défenseur·euses de l'environnement, cette enquête judiciaire représente l'espoir de porter un coup aux techniques affutées de communication des multinationales telles que Total autour de la croissance verte, de la compensation carbone ou encore de l'investissement dans la recherche & développement qui nous prémunirait de changer de modèle de développement. Mais aussi des millions alloués à ce greenwashing stratégique, devant lesquels les efforts de sensibilisation et de plaidoyer des militant·es écologiques paraissent bien ridicules.
Avec cette enquête, c'est aussi l'occasion d'imprimer les esprits et de faire émerger dans le droit français une Justice climatique digne de ce nom. Le tribunal de Nanterre fait d'ailleurs partie des jeunes pôles régionaux spécialisés en matière d'atteintes à l'environnement créés par la loi Justice environnementale de 2020.
Enfin, s'en remettre à la justice, c'est tenter de lutter à armes égales avec son ennemi : au lendemain de la publication de cet énième rapport thématique sur les activités néfastes du pétrolier, TotalEnergie avait annoncé avoir « décidé d’engager une action judiciaire en vue de réparer le préjudice qu’entraine la diffusion de cette information trompeuse ». Dans le jargon, on appelle ça un procès bâillon. Face à de telles méthodes, et si la justice permettait de sauver la planète ?