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Ces agri­cul­teurs qui tentent de faire face aux chan­ge­ments climatiques

Sécheresses, phé­no­mènes météo­ro­lo­giques vio­lents, hausse des tem­pé­ra­tures…, dans les Hautes-​Alpes, comme par­tout dans le monde, les effets des chan­ge­ments cli­ma­tiques se font déjà sen­tir. Dans ce dépar­te­ment mon­ta­gneux, agri­cul­teurs, éle­veurs et arbo­ri­cul­teurs tentent tant bien que mal de s’adapter tout en ren­for­çant la pro­tec­tion de l’environnement. Reportage.

Malgré la frai­cheur appa­rente qui règne en mon­tagne, la hausse des tem­pé­ra­tures y est deux fois plus rapide qu’en plaine. Les Hautes-​Alpes ne font pas excep­tion. « De plus en plus les chan­ge­ments cli­ma­tiques se mesurent au quo­ti­dien », témoigne Sébastien Arnaud, por­tant le regard sur la prai­rie où pâturent une cen­taine de bre­bis méri­nos. Depuis 2017, cet éle­veur de 36 ans a repris la ferme fami­liale, dans le mas­sif du Dévoluy, région d’estive bien connue. Son trou­peau compte aujourd’hui 800 bêtes, pour la viande et la laine méri­nos. « Les sai­sons ne sont plus les mêmes d’une année sur l’autre, poursuit-​il. Les prin­temps sont désor­mais très doux, sans pluie, et les étés secs et cani­cu­laires. »

« J’adapte mes pra­tiques agri­coles pour pro­té­ger la val­lée »

Sébastien Arnaud, éleveur

L’année 2019 a lais­sé entre­voir ce que pour­rait être la réa­li­té de cette val­lée d’ici peu. « Je n’avais jamais vu le mas­sif aus­si sec, du fond de la val­lée aux som­mets, explique l’éleveur. Il n’y a pas eu une goutte d’eau au prin­temps. Nous avons dû attendre plu­sieurs semaines avant de sor­tir les bêtes et les ren­trer plus tôt, car il n’y avait rien à pâtu­rer. » L’hiver a conti­nué sur la même lan­cée, avec quatre chutes de neige seule­ment sur le cirque du Dévoluy et des tem­pé­ra­tures posi­tives en alti­tude, là où il peut faire jusqu’à – 20 °C. Il a donc fal­lu plus de four­rages et anti­ci­per des périodes de pâtu­rage plus courtes. 

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Pour y faire face, l’éleveur a déjà dû dimi­nuer la taille de son trou­peau, mais s’est sur­tout diver­si­fié. « Mes parents ne fai­saient que de la viande, moi je me suis lan­cé dans la laine de méri­nos pour main­te­nir l’activité éco­no­mique, détaille Sébastien Arnaud. Mais sur­tout, j’adapte mes pra­tiques agri­coles pour pro­té­ger la val­lée. Je refuse d’arroser mes prai­ries, pour ne pas gas­piller l’eau. À la place, je tra­vaille les prai­ries natu­relles en conser­vant les arbres et en plan­tant des haies pour pré­ser­ver l’humidité. Je fais atten­tion aux zones où j’emmène mes bre­bis, car c’est la pâture et l’humus des mou­tons qui créent la végé­ta­tion. Et puis jai aus­si arrê­té les labours, car les sols sont trop cas­sants et pauvres, et cela fait remon­ter les cailloux. Je ne cultive plus de céréales, car le ter­rain ne s’y prête pas. »

Vergers à flanc de montagne

Un peu plus au sud, vers les terres pro­ven­çales, Grégoire Delabre, arbo­ri­cul­teur, fait face aux mêmes chan­ge­ments. Avec sa com­pagne, Marushka, et leurs enfants, ils cultivent, depuis 2001, des pommes en bio à 900 mètres d’altitude. Topaz, Goldrush, Choupette, Belle de Boskoop, seize varié­tés sont culti­vées sur une dizaine d’hectares qui s’étendent à flanc de mon­tagne. La tota­li­té de la pro­duc­tion est ven­due en cir­cuit court, en AMAP, à la ferme ou sur les mar­chés. Cette année encore, la récolte a com­men­cé très en avance dans le Val de Durance, à la suite de tem­pé­ra­tures clé­mentes. « Le cli­mat change vite et sur­tout les phé­no­mènes météo­ro­lo­giques sont plus vio­lents, constate-​t-​il. Les chutes de grêles sont plus fortes, plus fré­quentes et ont lieu même en hiver. Les orages sont très vio­lents. Si les hivers sont doux, les prin­temps connaissent de gros coups de froid, avant des mois de séche­resse. »

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En avril 2017, après un hiver très doux entraî­nant une flo­rai­son pré­coce des arbres, la tem­pé­ra­ture a chu­té à – 8 °C, deux nuits de suite : la tota­li­té de la pro­duc­tion a été per­due. « On essaie de s’adapter, explique Grégoire Delabre. On a essayé la bou­gie anti­gel dans le ver­ger – de gros pots de paraf­fine qui brûlent au pied des arbres toute la nuit –, mais nous avons arrê­té. Ça coûte 6 000 euros par nuit et ce n’est ni durable ni cohé­rent avec une exploi­ta­tion en bio. » En revanche, les filets anti-​grêles sont eux deve­nus sys­té­ma­tiques et recouvrent les lignées d’arbres du ver­ger où les pommes n’ont pas encore été cueillies. 

Ici aus­si, la diver­si­fi­ca­tion est la meilleure solu­tion. « Nous fai­sons atten­tion aux varié­tés uti­li­sées, nous culti­vons des plantes médi­ci­nales et du hou­blon, ou encore nous déve­lop­pons de nou­veaux pro­duits à base de pommes, pré­cise l’arboriculteur. Tant qu’il y aura de l’eau et des hivers froids, les ver­gers tien­dront. Mais ce ne sera pas tou­jours le cas et les exploi­ta­tions montent de plus en plus en alti­tude pour trou­ver les bonnes condi­tions climatiques. »

Les Hautes-​Alpes, terres viticoles

Grimper vers les som­mets, c’est déjà ce que sont en train de faire Angela Weidner et Maxime Aerts. Après trois années dans un vignoble du Gard, ce couple de viti­cul­teurs a déci­dé de s’installer en alti­tude dans les Hautes-​Alpes. Active depuis tou­jours, la région n’est pour­tant pas iden­ti­fiée comme une terre de vin. Mais les chan­ge­ments cli­ma­tiques en font une région de plus en plus favo­rable à la pro­duc­tion de vin. « La viti­cul­ture est de plus en plus dif­fi­cile dans les régions du sud de la France », indique Angela Weidner. Dans le Gard, séche­resses et vagues de cha­leur s’enchaînent, au point de devoir irri­guer les vignes dans cer­tains domaines. Il faut désor­mais cueillir les rai­sins plus tôt et les vins pro­duits sont de plus en plus alcoo­li­sés. En revanche, en alti­tude, les condi­tions cli­ma­tiques s’avèrent désor­mais idéales pour la vigne. « Même s’il y a des épi­sodes de séche­resse, il y a encore de l’eau et de plus en plus de cépages y sont culti­vables, comme ceux qui pro­duisent le vin blanc », détaille la viticultrice. 

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La solu­tion semble radi­cale, et pour­tant le démé­na­ge­ment des vignes en alti­tude est la seule adap­ta­tion pos­sible face aux chan­ge­ments cli­ma­tiques. De nom­breux viti­cul­teurs achètent déjà des par­celles en mon­tagne pour conti­nuer à pro­duire le même vin. En sep­tembre, Angela et Maxime ont donc ven­dan­gé une der­nière fois leurs vignes du Gard avant de par­tir pour les Hautes-Alpes.

Reboiser, pro­té­ger les sols et choi­sir avec soin les varié­tés culti­vées, les agri­cul­teurs mul­ti­plient les ini­tia­tives pour pro­té­ger l’environnement et leurs exploi­ta­tions. Mais d’ici à quelques années, si les tem­pé­ra­tures conti­nuent d’augmenter, c’est l’ensemble des exploi­ta­tions agri­coles de la région qui pour­raient avoir à grim­per en altitude.

Ce repor­tage s'est fait à l’invitation de l’Agence dépar­te­men­tale de déve­lop­pe­ment éco­no­mique et tou­ris­tique des Hautes-Alpes.

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