2014 women s rugby world cup france 27
(©Wikimedia Commons/Pierre-Yves Beaudouin)

Rugby : Marjorie Mayans, pla­queuse en or

Elle s’apprête à prendre le large au terme d’une car­rière excep­tion­nelle. L’internationale de rug­by Marjorie Mayans a vécu de l’intérieur la mon­tée en puis­sance de son sport. Même si en matière d’égalité, les poteaux res­tent encore loin.

C’est une tem­pête qui en a créé une autre. À l’hiver 1999, les dépres­sions Lothar et Martin dévastent une par­tie de la France sur leur pas­sage. Parmi les dégâts : le court de ten­nis où joue la petite Marjorie Mayans, 9 ans, en Seine-​Saint-​Denis. Il a fal­lu chan­ger de sport. « C’est en accom­pa­gnant mon petit frère à son entraî­ne­ment de rug­by que je m’y suis mise. Il y avait déjà une fille dans l’équipe. Les diri­geants m’ont prê­té un short et des cram­pons. Je n’ai plus jamais arrêté. » 

Vingt-​trois ans (et un démé­na­ge­ment en région tou­lou­saine) plus tard, à la veille de sa retraite spor­tive, elle est l’une des pre­mières joueuses à avoir été pro­fes­sion­na­li­sée en France, à avoir par­ti­ci­pé aux Jeux olym­piques (à Rio, en 2016), à deux Coupes du monde de rug­by à sept, et à deux Coupes du monde à quinze. Elle fait ain­si par­tie des rares pros à briller dans les deux types de com­pet’. « Je suis vrai­ment contente, car je n’avais pas des qua­li­tés phy­siques extra­or­di­naires, relate l’intéressée. Je n’étais pas très grande par rap­port aux gar­çons et plu­tôt fine. »

Faire tom­ber les mecs

Elle dit aus­si ne pas cou­rir vite. Son père lui conseille de « pla­quer bas » pour faire tom­ber les mecs, « si pos­sible au niveau des che­villes ». Elle réa­lise qu’elle « adore se jeter dans les jambes » de ses adver­saires. Le coup devient son « fonds de commerce ».

À 14 ans, la petite pro­dige quitte les groupes mixtes pour une équipe fémi­nine. Les pre­miers pré­ju­gés et les pre­mières ques­tions crai­gnos lui sautent à la gueule. « T’es mignonne et pas grosse, pour­quoi tu fais du rug­by ? » lui lance-​t-​on, loin du ter­rain. Encore en 2021, en inter­view dans un média consa­cré au rug­by : « Est-​ce que ça sent la rose dans les ves­tiaires des filles ? » Elle, ne cesse de répé­ter, opti­miste : « Les choses évo­luent. » Elle consi­dère que c’est sim­ple­ment une ques­tion de tem­po, parce que « le rug­by en équipe mas­cu­line a débu­té des années avant celui pra­ti­qué par les femmes ».

Cela a com­men­cé à bou­ger pour elles en 2014, date de la Coupe du monde fémi­nine orga­ni­sée par la France (un immense suc­cès, « alors qu’on s’attendait à trois spec­ta­teurs, vu que c’était à 30 minutes de Paris entre le 1er et le 15 août… ») et des pre­miers contrats fédé­raux pour les femmes. La Fédération les pré­pare alors aux Jeux de Rio (cette qua­li­fi­ca­tion reste le meilleur sou­ve­nir de sa car­rière), où est intro­duit le rug­by à sept. Une ver­sion « plus télé­vi­sable » que le rug­by à quinze, « car il y a moins de joueuses sur le ter­rain, beau­coup d’essais et les matchs durent 14 minutes ». Les joueuses, dont Marjorie, touchent leurs pre­miers salaires.

Précarité du métier 

Actuellement, « il y en a une cin­quan­taine en France qui peuvent en vivre tous les mois. Les plus hauts sont aujourd’hui à 2800 euros pour le rug­by à quinze. Mais cela reste un métier très pré­caire : des CDD renou­ve­lables. C’est une aide consi­dé­rable, mais ça peut ne durer qu’une sai­son… » Elle sent que les choses évo­luent aus­si niveau vision de la mater­ni­té. « Avant, c’était “Soit le sport, soit le bébé”. Là, ma cama­rade Agathe Sochat, qui joue en équipe de France, vient d’avoir une fille avec sa compagne. »

Pour Marjorie Mayans, 2022 sera a prio­ri sa der­nière année en contrat spor­tif (à temps par­tiel – 75 %). Après, elle veut reprendre un M2 en droit du sport (elle a déjà un bac + 4). Le rug­by, dit-​elle, lui aura appris à se « faire mal » et à se « construire en équipe ». Elle res­te­ra l’une des étoiles de la pre­mière géné­ra­tion de rug­by­wo­men à avoir connu le milieu pro « à vitesse grand V ».

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