Marie Amélie Le Fur ©KMSP CPSF
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Marie-​Amélie Le Fur : « Les ath­lètes olym­piques et para­lym­piques font du sport ensemble et vont faire les Jeux ensemble »

Plusieurs fois médaillée aux Jeux para­lym­piques de Tokyo et Rio, l'athlète de 34 ans qui excelle aus­si bien en 400 mètres qu'en saut en lon­gueur a rac­cro­ché les cram­pons pour mieux s'investir dans la pré­si­dence du Comité para­lym­pique et spor­tif fran­çais. À 500 jours de l'ouverture des Jeux para­lym­piques de Paris 2024, Marie-​Amélie Le Fur fait le point dans Causette sur les enjeux spor­tifs comme socié­taux de l'événement.

À 500 jours de l'ouverture des Jeux para­lym­piques de Paris 2024, pouvez-​vous nous dire ce qui serait, pour vous, des jeux réus­sis ?
Marie-​Amélie Le Fur :
Tout d'abord, ça veut dire être dans la capa­ci­té d'accompagner nos ath­lètes dans la per­for­mance, notam­ment via le tra­vail de la nou­velle ins­tance Agence natio­nale du sport [créée en 2019, ndlr], qui appuie la recherche scien­ti­fique et la pro­fes­sion­na­li­sa­tion du milieu. L'enjeu est que la grande pro­fes­sion­na­li­sa­tion à l'oeuvre du mou­ve­ment para­lym­pique fran­çais se maté­ria­lise dans le gain de quelques places au clas­se­ment des nations pour se rap­pro­cher du top.
Un autre enjeu est de ren­for­cer la média­ti­sa­tion de l'équipe de France para­lym­pique, des per­for­mances et des par­cours de vie de ses ath­lètes afin d'ouvrir le champ des pos­sibles aux per­sonnes en situa­tion de han­di­cap. Parler du han­di­cap dans le champ spor­tif, cela per­met d'évoquer com­pé­tence, capa­ci­té, per­for­mance, adap­ta­bi­li­té et donc de sor­tir du registre pathos encore trop usi­té. Nous sou­hai­tons que les Jeux para­lym­piques concourent à un chan­ge­ment de paradigme.

Et en matière d'héritage, terme cher au Comité d'organisation des Jeux olym­piques et para­lym­piques d'été de 2024 (COJO) ?
M.-A.L.F. :
Nous vou­lons faire en sorte d'une part que tous les moyens, toute la consi­dé­ra­tion que l'on a actuel­le­ment pour le mou­ve­ment para­lym­pique per­dure à l'issue de ces Jeux de Paris 2024. 
D'autre part, on s'est mis en ordre de marche, en appui avec le minis­tère du sport et le COJO, pour faire en sorte que l'accès au sport des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap s'améliore dura­ble­ment après les Jeux. Notamment au tra­vers d'un pro­gramme phare sur les deux pro­chaines années, qui est celui de clubs inclu­sifs grâce à la for­ma­tion de clubs ordi­naires à l'accueil des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap, quelle que soit la typo­lo­gie du handicap.

Ce pro­gramme a déjà débu­té ?
M.-A.L.F. : Oui, avec un pro­jet pilote en région pari­sienne qu'on a appe­lé « for­ma­tion para-​accueillante », à l'adresse de plu­sieurs clubs omni­sport. Nous sommes en train de le géné­ra­li­ser à l'ensemble du ter­ri­toire, en par­te­na­riat avec nos deux fédé­ra­tions spé­ci­fiques, Omnisport et Sports Adaptés. 700 clubs sont déjà entrés dans ce pro­gramme et nous visons 3000 clubs for­més d'ici la fin 2024. L'objectif est d'aboutir à un maillage ter­ri­to­rial très fort, de façon à per­mettre aux per­sonnes en situa­tion de han­di­cap d'exercer dans leurs bas­sins de vie. Nous ne vou­lons plus que des per­sonnes essuient un refus de l'acteur local parce qu'il ne sait pas faire et pour cela, nous avons besoin que les col­lec­ti­vi­tés locales se mobi­lisent pour nous accom­pa­gner, iden­ti­fier les clubs clefs de leurs ter­ri­toires et finan­cer le programme.

Notez-​vous d'ores-et-déjà un effet Paris 2024 en ce qui concerne le nombre de licencié·es en situa­tion de han­di­cap ?
M.-A.L.F. : Ce chiffre n'est pas encore dis­po­nible au sein des fédé­ra­tions spor­tives, à moins que la per­sonne ne s'engage pas dans un pro­ces­sus de com­pé­ti­tion adap­té. Donc il y a là aus­si peut-​être un enjeu d'héritage à l'issue de ces jeux : être en capa­ci­té – non pas pour stig­ma­ti­ser mais pour mesu­rer nos pro­grès – de mieux connaître ce que sont les sta­tis­tiques des licences des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap en France. Par contre, quand on regarde les enquêtes annuelles menées par l'INSEP [Institut natio­nal du sport, de l'expertise et de la per­for­mance, ndlr], on voit une évo­lu­tion régu­lière de la pra­tique spor­tive des Français en règle géné­rale, mais aus­si des per­sonnes en situa­tion de han­di­cap. Il y a pour l'ensemble de la popu­la­tion une prise de conscience de l'intérêt et de l'importance de faire du sport. 

Depuis les Jeux de Tokyo en 2021, le COJO a impul­sé la créa­tion d'une équipe de France olym­pique et para­lym­pique sous la ban­nière #UneSeuleEquipe, afin de mobi­li­ser les supporteur·rices der­rière l'ensemble des ath­lètes, tout sport confon­du. L'initiative est-​elle de nature à visi­bi­li­ser les ath­lètes para­lym­piques ?
M.-A.L.F. : Oui, je pense que cette nou­veau­té apporte une très belle visi­bi­li­té aux ath­lètes para­lym­piques, tout comme à l'ensemble des ath­lètes qui souffrent pour cer­tains d'un défi­cit de noto­rié­té de leur sport. Ce sont des sup­ports de com­mu­ni­ca­tion très qua­li­ta­tifs, per­met­tant d'écrire un récit com­mun à dif­fé­rents sports et dif­fé­rents ath­lètes, qu'on soit ath­lète olym­pique ou para­lym­pique.
Il était en fait temps d'incarner quelque chose qui existe depuis très long­temps : le fait que des ath­lètes olym­piques et para­lym­piques par­tagent des choses, se ren­contrent, s'entraînent ensemble. Le mes­sage impor­tant, c'est qu'on fait du sport ensemble et qu'on va faire les Jeux ensemble.

Quels sont les espoirs para­lym­piques fran­çais qu'il fau­dra suivre avec atten­tion lors des Jeux ?
 M.-A.L.F. : Vous êtes dure avec moi ! [Rires] C'est tou­jours très dur de devoir faire un choix, parce que des ath­lètes, on en a beau­coup et parce qu'il y a tou­jours aus­si l'incertitude de la com­pé­ti­tion. Mais for­cé­ment, on a des ath­lètes qui ont déjà démon­tré des niveaux de per­for­mance très impor­tants lors des pré­cé­dents Jeux. Je pense à Alexis Hanquinquant, médaillé d'or à Tokyo en para tri­ath­lon, Alexandre Léauté et Alexandre Loveras, médaillés d'or à Tokyo en para cyclisme. Chez les femmes, la para cycliste Marie Patouillet, médaillée de bronze à Tokyo est pro­met­teuse, tout comme la jeune Nélia Barbosa, médaillée d'argent à Tokyo en para canoë. Elle incarne, je pense, à la fois dans son état d'esprit et dans sa jeu­nesse, la relève para­lym­pique. Mais ma liste est ici très réductrice !

Lire aus­si l Paris 2024 l Nélia Barbosa, médaillée d’argent à Tokyo, veut conqué­rir l’or en para canoë

On le sait, alors que ces Jeux olym­piques et para­lym­piques se veulent « inclu­sifs et acces­sibles », ils souf­fri­ront en fait d'un défi­cit d'accessibilité pour les per­sonnes à mobi­li­té réduite, notam­ment en matière de trans­ports en com­mun pari­siens. Est-​ce une décep­tion pour vous ?
 M.-A.L.F. : Ce n'est pas un sujet qu'actuellement, c'est un sujet tout court, parce qu'il en va de l'autonomie, de la pos­si­bi­li­té de choi­sir les moda­li­tés de trans­port lorsqu'on est en situa­tion de han­di­cap. Ça ne concerne d'ailleurs pas uni­que­ment les per­sonnes en fau­teuil rou­lant, on connaît toutes et tous la dif­fi­cul­té d'emprunter un métro plein de marches quand on a des valises ou des pous­settes, quand on est mal mar­chant.
Ça aurait été un de mes sou­haits que dans le cadre de Paris 2024, à l'instar de ce qui s'est pas­sé pour Londres 2012, on arrive à impul­ser une mise en acces­si­bi­li­té pro­gres­sive du métro [l'ambition de mise en acces­si­bi­li­té pro­gres­sive pour les utilisateur·rices de fau­teuils rou­lants ne dépasse pas les 10% du réseau dans le cadre de l'arrivée des Jeux, ndlr]. L'idée n'étant pas d'avoir 100% des sta­tions acces­sibles, mais tout du moins d'enclencher un pro­ces­sus pour cer­taines sta­tions de métro clefs pour les Jeux de Paris. 
Le fait est qu'on n'est désor­mais plus dans cette anti­ci­pa­tion, donc là, à 500 jours des Jeux para­lym­piques et un peu moins pour les Jeux olym­piques, l'enjeu est d'assurer la ques­tion de la mobi­li­té pour les spec­ta­teurs en situa­tion de han­di­cap grâce à des modes de trans­port alter­na­tifs (flotte de taxis par exemple, for­ma­tion des chauf­feurs de bus), et des par­kings à proxi­mi­té des sites de com­pé­ti­tion. Ce n'était pas pré­vu, puisque la moda­li­té de trans­port pri­vi­lé­giée était le trans­port en com­mun, mais ça, c'était avant les retards de livrai­son des chan­tiers du Grand Paris. 

Lire aus­si l Les ini­tia­tives de Paris 2024 pour tendre vers l’égalité entre les femmes et les hommes dans le sport

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