Mise à jour le 28 juillet 2021 /// Masomah Alizada a fini dernière de l'épreuve de contre-la-montre de cyclisme, mais ce n'est pas là l'essentiel, comme elle l'explique dans cette interview vidéo à L'Équipe.
La jeune femme de 24 ans, réfugiée en France avec sa famille depuis 2017, a été sélectionnée dans l’équipe olympique des réfugié·es. Pour elle, les Jeux olympiques de Tokyo seront le point d’orgue de sa carrière sportive mais aussi une tribune pour défendre le droit des femmes du monde entier à faire du sport.
C’est le rêve auquel Masomah Alizada s’est accrochée ces derniers mois, malgré la fatigue et les cuisses qui brûlent après des heures d’entraînement. Début juin, cette jeune Afghane de 24 ans, réfugiée en France avec sa famille, a appris qu’elle avait été sélectionnée dans l’équipe olympique des réfugié·es. Aux Jeux olympiques de Tokyo (organisés du 23 juillet au 8 août), elle concourra, comme 28 autres athlètes réfugié·es, sous la bannière blanche aux anneaux multicolores de l’équipe des réfugié·es.
Depuis des mois, Masomah s’était fixée un objectif : utiliser sa performance sportive pour délivrer, face aux caméras du monde entier, un message politique, féministe. « Dans mon pays, les gens pensent que les femmes sont trop faibles pour faire du vélo. Si je participe aux JO, je pourrai dire que les femmes peuvent faire tout ce qu’elles veulent », nous confiait-elle fin mars 2020, alors qu’elle venait d’apprendre le report des JO en raison de la pandémie de Covid-19 et n’était pas encore sûre d’y participer.
Mais, avec la dégradation de la situation sécuritaire en Afghanistan, la jeune femme n’est plus certaine que ce soit le message que ses compatriotes aient envie d’entendre maintenant. « Elle a un peu l’impression que ces Jeux olympiques tombent au mauvais moment pour faire passer son message », confie Thierry Communal, l’un de ses entraîneurs. Avec le départ des forces américaines et l’avancée des combattants talibans, de nombreux·euses Afghan·es ont déjà pris la route pour fuir les violences.
Masomah Alizada connaît bien cette douleur de l’exil. La souriante jeune femme a dû fuir son pays en 2017 avec sa famille à cause de sa passion pour le vélo qu’elle partage avec sa sœur Zahra.
Les « petites reines de Kaboul »
C’est en 2016 qu’un documentaire réalisé par Arte la fait connaître du grand public. A l’époque, elle s’entraîne avec sa sœur et des amies en périphérie de Kaboul pour éviter les menaces et insultes de certain·es Afghan·es qui voient d’un mauvais œil les femmes à vélo.
Mais la médiatisation naissante de Masomah et sa sœur Zahra – surnommées les « petites reines de Kaboul » – les fait devenir une cible des talibans. Leur appartenance à l’ethnie hazara, minoritaire dans le pays, les met encore plus en danger.
A des milliers de kilomètres de Kaboul, devant leur télévision, Thierry Communal et son père Patrick, des Français amateurs de vélo, sont bouleversés par l'histoire de ces jeunes cyclistes afghanes. Avec leur aide, la famille Alizada parvient à se procurer des visas pour la France et obtient l’asile dans le pays en 2017. Alors que la famille s’installe en Bretagne, les deux sœurs entament des études, d’aide-soignante pour Zahra et en génie civil pour Masomah, à l’université de Lille grâce à un programme d’accueil des étudiant·es réfugié·es.
![JO de Tokyo : la cycliste afghane Masomah Alizada concourra pour défendre le droit des femmes à « faire ce qu’elles veulent » 2 RF1139756 BEN3129](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/07/RF1139756__BEN3129.jpg)
Elles reprennent l’entraînement avec Thierry Communal, qui habite aussi dans le Nord, et avait fait du cyclisme en compétition durant sa jeunesse. Avec entrain, Thierry s’improvise coach et les jeunes femmes commencent à rêver d’être les premières femmes afghanes à concourir en cyclisme aux Jeux olympiques de Tokyo, initialement prévus en août 2020.
Finalement, seule Masomah se lance dans l’aventure. En novembre 2019, elle est la première réfugiée installée en France à obtenir une bourse du programme Solidarité olympique. Le rythme s’accélère pour la jeune réfugiée qui suit, en parallèle de ses entraînements sportifs, des études en génie civil à Polytech Lille.
« Ouvrir une porte »
Masomah s’entraîne dur mais le niveau des athlètes sélectionnées pour les JO est tellement élevé que son entraîneur craint qu’elle ne soit recalée sur le plan sportif. Fin mai, quelques jours avant l’annonce officielle de la sélection par le comité olympique, Masomah est invitée à venir s’entraîner au centre d’entraînement de la fédération internationale de cyclisme (UCI), en Suisse. « On s’est dit que c’était un signe positif », se souvient Thierry Communal qui avoue avoir mis plusieurs jours à réaliser la nouvelle de la sélection de Masomah.
![JO de Tokyo : la cycliste afghane Masomah Alizada concourra pour défendre le droit des femmes à « faire ce qu’elles veulent » 3 RF1139767 BEN3305](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/07/RF1139767__BEN3305.jpg)
Finalement, il est décidé que la jeune afghane concourra dans l’épreuve du contre la montre et non de la course. « Là, au moins, elle pourra finir l’épreuve et elle sera classée, quel que soit son résultat », explique l'entraîneur nordiste.
Dans le centre ultramoderne de l’UCI, tout est conçu pour optimiser l’entraînement des cyclistes. Guidée par les conseils d’un nouvel entraîneur de l’UCI, Masomah améliore sa technique. « Elle prend beaucoup de plaisir, c’est le principal », se réjouit Thierry Communal qui lui a rendu visite en Suisse. C’est de là-bas qu’elle a appris sa sélection aux Jeux olympiques. La jeune Afghane n'a pas pu retenir ses larmes. Sa ténacité a payé, elle va pouvoir officiellement endosser le rôle qu’elle a toujours souhaité : « Ouvrir une porte pour les autres femmes qui voudraient faire n’importe quel sport ou n’importe quel travail. »
Lire aussi l "À vos cycles ! Le guide du vélo au féminin", le premier livre de Louise Roussel sur le pouvoir émancipateur du vélo