Le football féminin français, porté par le mouvement des joueuses de l’équipe de France, entrouvre la porte à la professionnalisation, en parallèle de la Coupe du monde 2023 qui a débuté le 20 juillet.
La professionnalisation du football féminin s’accélère en France. Après l’Angleterre et l’Espagne qui l’ont déjà actée, la Fédération française de football (FFF) a annoncé (enfin) la création d’une ligue professionnelle, le 13 avril dernier. Dépendante de la fédération, elle concernerait les deux premières divisions françaises, la D1 et la D2, et devrait être effective en juillet 2024. Si sa structure est encore floue, les premières pierres ont été posées, et il était temps.
Ces derniers mois, les stades vides, la mauvaise qualité des retransmissions télé, les terrains et les éclairages vétustes des stades de D1, ainsi que l’élimination en quarts de finale de la Ligue des champions de l’OL et du PSG (ce qui n’était pas arrivé depuis 2014) ont montré le fossé qui s’est creusé entre le foot féminin français et les autres nations européennes. L’Angleterre, l’Espagne et l’Italie ont professionnalisé leur championnat, et les retombées en termes de performances et de visibilité sont florissantes. La finale de l’Euro féminin entre l’Angleterre, pays hôte, et l’Allemagne le 31 juillet 2022 accueillait près de 87 000 spectateur·rices, quand la finale de la Coupe de France féminine 2 023 organisée à Orléans le 13 mai s’est jouée, certes, à guichets fermés, mais pour seulement 8 000 places. Depuis le succès du Mondial 2019 organisé sur le territoire, le foot féminin français, qui semblait à la pointe, a été dépassé. En mai, la France n’avait toujours pas de diffuseur pour la Coupe du monde féminine 2023, qui débute le 20 juillet.
Un championnat à deux vitesses
« Depuis un moment, j’alerte sur la concurrence qui s’organise [en Europe, ndlr], évoquait en février, en conférence de presse, Sonia Bompastor, l’entraîneuse de l’OL, club huit fois titré en Ligue des champions. À un moment, on ne pourra plus suivre. Il faut une réaction collective. » La première a été celle des joueuses de l’équipe de France, à commencer par la capitaine Wendie Renard, qui a décidé de se mettre en retrait des Bleues, suivie par deux de ses coéquipières Kadidiatou Diani et Marie-Antoinette Katoto, pour dénoncer les désaccords internes avec la sélectionneuse Corinne Diacre. Consciente de l’impact de la sélection pour le développement de son sport, la défenseure déplore également un système fédéral « bien loin des exigences du haut niveau ». Ces déclarations et l’arrivée d’Hervé Renard à la tête de la sélection ont impulsé un nouveau souffle et accéléré les réformes de la discipline. « Les prises de parole des Bleues ont permis de rappeler les dysfonctionnements du système actuel, observe Doriane Pau, milieu de terrain du CA Paris 14, club de D2. L’équipe de France est notre locomotive, mais elle n’est performante que si l’ensemble du foot féminin suit. »
Or, le championnat évolue aujourd’hui à deux vitesses. Si la majorité des footballeuses de D1 dispose d’un contrat fédéral qui leur permet de se consacrer à plein temps à la pratique, elles côtoient des joueuses amatrices (sans contrat), contraintes d’assurer un emploi ou des études à côté du foot. Et les rétributions des mieux loties restent bien en deçà de leurs homologues masculins, dont le salaire médian en Ligue 1 avoisine les 40 000 euros brut mensuels, contre 2 000 euros en moyenne en D1. Ces différences de statut sont encore plus visibles en D2.
Au CA Paris 14, toutes les joueuses cumulent les casquettes de footballeuse, d’étudiante ou d’employée. Un emploi du temps serré et des corps mis à rude épreuve, au détriment des résultats et des performances. « Ce n’est pas toujours facile de jongler, ça entraîne de la fatigue et des blessures », observe Doriane Pau, qui travaille au comité d’organisation des JO de Paris 2024 la journée, s’entraîne le soir et joue les matchs de championnat le week-end. Depuis son entrée dans le haut niveau à 16 ans, elle a conscience qu’elle « ne vivra pas de la discipline ».
La professionnalisation ouvrirait de nouvelles perspectives par la généralisation des contrats fédéraux et la création d’une convention collective, avec des droits propres au statut de footballeuse. Le championnat y gagnerait dès lors en homogénéité et en compétitivité. « Les annonces donnent de l’espoir, il faut maintenant qu’elles se concrétisent, estime Doriane Pau. Pour pouvoir dire à l’avenir que notre métier est d’être footballeuse, point. »
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