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Ceri Holland (à gauche), milieu de terrain galloise, et Kadidiatou Diani, milieu de terrain française, lors d’un match de qualification pour la Coupe du monde, le 8 avril 2022 au Pays de Galles © MAJESTIC MEDIA LTD / ALAMY STOCK PHOTO

Football fémi­nin : enfin une ligue pro ?

Le foot­ball fémi­nin fran­çais, por­té par le mou­ve­ment des joueuses de l’équipe de France, entrouvre la porte à la pro­fes­sion­na­li­sa­tion, en paral­lèle de la Coupe du monde 2023 qui a débu­té le 20 juillet.

La pro­fes­sion­na­li­sa­tion du foot­ball fémi­nin s’accélère en France. Après l’Angleterre et l’Espagne qui l’ont déjà actée, la Fédération fran­çaise de foot­ball (FFF) a annon­cé (enfin) la créa­tion d’une ligue pro­fes­sion­nelle, le 13 avril der­nier. Dépendante de la fédé­ra­tion, elle concer­ne­rait les deux pre­mières divi­sions fran­çaises, la D1 et la D2, et devrait être effec­tive en juillet 2024. Si sa struc­ture est encore floue, les pre­mières pierres ont été posées, et il était temps.

Ces der­niers mois, les stades vides, la mau­vaise qua­li­té des retrans­mis­sions télé, les ter­rains et les éclai­rages vétustes des stades de D1, ain­si que l’élimination en quarts de finale de la Ligue des cham­pions de l’OL et du PSG (ce qui n’était pas arri­vé depuis 2014) ont mon­tré le fos­sé qui s’est creu­sé entre le foot fémi­nin fran­çais et les autres nations euro­péennes. L’Angleterre, l’Espagne et l’Italie ont pro­fes­sion­na­li­sé leur cham­pion­nat, et les retom­bées en termes de per­for­mances et de visi­bi­li­té sont flo­ris­santes. La finale de l’Euro fémi­nin entre l’Angleterre, pays hôte, et l’Allemagne le 31 juillet 2022 accueillait près de 87 000 spectateur·rices, quand la finale de la Coupe de France fémi­nine 2 023 orga­ni­sée à Orléans le 13 mai s’est jouée, certes, à gui­chets fer­més, mais pour seule­ment 8 000 places. Depuis le suc­cès du Mondial 2019 orga­ni­sé sur le ter­ri­toire, le foot fémi­nin fran­çais, qui sem­blait à la pointe, a été dépas­sé. En mai, la France n’avait tou­jours pas de dif­fu­seur pour la Coupe du monde fémi­nine 2023, qui débute le 20 juillet.

Un cham­pion­nat à deux vitesses

« Depuis un moment, j’alerte sur la concur­rence qui s’organise [en Europe, ndlr], évo­quait en février, en confé­rence de presse, Sonia Bompastor, l’entraîneuse de l’OL, club huit fois titré en Ligue des cham­pions. À un moment, on ne pour­ra plus suivre. Il faut une réac­tion col­lec­tive. » La pre­mière a été celle des joueuses de l’équipe de France, à com­men­cer par la capi­taine Wendie Renard, qui a déci­dé de se mettre en retrait des Bleues, sui­vie par deux de ses coéqui­pières Kadidiatou Diani et Marie-​Antoinette Katoto, pour dénon­cer les désac­cords internes avec la sélec­tion­neuse Corinne Diacre. Consciente de l’impact de la sélec­tion pour le déve­lop­pe­ment de son sport, la défen­seure déplore éga­le­ment un sys­tème fédé­ral « bien loin des exi­gences du haut niveau ». Ces décla­ra­tions et l’arrivée d’Hervé Renard à la tête de la sélec­tion ont impul­sé un nou­veau souffle et accé­lé­ré les réformes de la dis­ci­pline. « Les prises de parole des Bleues ont per­mis de rap­pe­ler les dys­fonc­tion­ne­ments du sys­tème actuel, observe Doriane Pau, milieu de ter­rain du CA Paris 14, club de D2. L’équipe de France est notre loco­mo­tive, mais elle n’est per­for­mante que si l’ensemble du foot fémi­nin suit. »

« Ce n’est pas tou­jours facile de jon­gler, ça entraîne de la fatigue et des bles­sures »


Doriane Pau, milieu de ter­rain du CA Paris 14

Or, le cham­pion­nat évo­lue aujourd’hui à deux vitesses. Si la majo­ri­té des foot­bal­leuses de D1 dis­pose d’un contrat fédé­ral qui leur per­met de se consa­crer à plein temps à la pra­tique, elles côtoient des joueuses ama­trices (sans contrat), contraintes d’assurer un emploi ou des études à côté du foot. Et les rétri­bu­tions des mieux loties res­tent bien en deçà de leurs homo­logues mas­cu­lins, dont le salaire médian en Ligue 1 avoi­sine les 40 000 euros brut men­suels, contre 2 000 euros en moyenne en D1. Ces dif­fé­rences de sta­tut sont encore plus visibles en D2.

Au CA Paris 14, toutes les joueuses cumulent les cas­quettes de foot­bal­leuse, d’étudiante ou d’employée. Un emploi du temps ser­ré et des corps mis à rude épreuve, au détri­ment des résul­tats et des per­for­mances. « Ce n’est pas tou­jours facile de jon­gler, ça entraîne de la fatigue et des bles­sures », observe Doriane Pau, qui tra­vaille au comi­té d’organisation des JO de Paris 2024 la jour­née, s’entraîne le soir et joue les matchs de cham­pion­nat le week-​end. Depuis son entrée dans le haut niveau à 16 ans, elle a conscience qu’elle « ne vivra pas de la dis­ci­pline ».

La pro­fes­sion­na­li­sa­tion ouvri­rait de nou­velles pers­pec­tives par la géné­ra­li­sa­tion des contrats fédé­raux et la créa­tion d’une conven­tion col­lec­tive, avec des droits propres au sta­tut de foot­bal­leuse. Le cham­pion­nat y gagne­rait dès lors en homo­gé­néi­té et en com­pé­ti­ti­vi­té. « Les annonces donnent de l’espoir, il faut main­te­nant qu’elles se concré­tisent, estime Doriane Pau. Pour pou­voir dire à l’avenir que notre métier est d’être foot­bal­leuse, point. »

Lire aus­si l Coupe du monde de foot­ball fémi­nin 2023 : tout savoir sur la com­pé­ti­tion et le calen­drier des Bleues

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